L'ancien anesthésiste français Frédéric Péchier (à droite) aux côtés de son avocat Randall Schwerdorffer pendant une pause lors de la première journée de son procès, au tribunal de Besançon, dans le nord-est de la France, le 8 septembre 2025 ( AFP / SEBASTIEN BOZON )
Trente patients empoisonnés, dont 12 sont morts: au terme d'un exceptionnel procès de trois mois et demi, l'anesthésiste Frédéric Péchier a été condamné jeudi à Besançon à la prison à perpétuité pour l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés, un verdict contre lequel il va faire appel.
La peine est assortie d'une période de sûreté de 22 ans. "Vous allez être incarcéré immédiatement", lui a lancé la présidente de la cour, Delphine Thibierge.
Le praticien n'avait jamais été détenu depuis le début de l'enquête en 2017.
Il lui est interdit aussi "d'exercer la profession de médecin à titre définitif".
La cour a suivi l'accusation, qui avait requis la réclusion à perpétuité contre l'ancien médecin star de 53 ans, qu'elle a présenté comme "l'un des plus grands criminels de l'histoire", coupable selon elle d'avoir "utilisé la médecine pour tuer".
Randall Schwerdorffer L'avocat de Frédéric Péchier s'exprime devant la presse après la condamnation de son client, le 18 décembre 2025 au tribunal de Besançon ( AFP / ROMEO BOETZLE )
A l'inverse, son avocat Randall Schwerdorffer, avait demandé à la cour de l'acquitter "purement et simplement", faute de preuves irréfutables. Ce dernier a réaffirmé jeudi être convaincu de l'innocence de son client et annoncé qu'il allait faire appel et "demander sa remise en liberté".
"C'est la fin d'un cauchemar", a déclaré Sandra Simard, l'une des victimes. "On passera Noël un peu plus tranquilles", a réagi une autre victime, Jean-Claude Gandon, se disant soulagé par le verdict.
L'ensemble de la famille de l'anesthésiste était venue de nouveau le soutenir. Ses filles, en larmes après l'annonce des premiers verdicts de culpabilité, ont quitté la salle.
Leur père est lui resté impassible, le regard fixe, le visage fermé à l'annonce de la sentence.
"C'est quelqu'un de très réservé, qui n'est pas très expansif sur ses émotions", a dit M. Schwerdorffer.
- "Je ne suis pas un empoisonneur" -
Ce verdict survient après 15 semaines d'audience denses, parfois techniques et souvent poignantes. Les faits ont été commis entre 2008 et 2017 dans deux cliniques privées de Besançon, sur des patients âgés de 4 à 89 ans.
Lorsque la parole lui a été donnée une dernière fois lundi, au dernier jour du procès, il a à nouveau clamé son innocence, une position dont il n'a jamais varié. "Je ne suis pas un empoisonneur", a-t-il affirmé.
Selon l'accusation, le praticien a pollué des poches de perfusion avec du potassium, des anesthésiques locaux, de l'adrénaline ou encore de l'héparine, pour provoquer un arrêt cardiaque ou des hémorragies chez des patients pris en charge par des confrères. Son objectif: "Atteindre psychologiquement" des soignants avec lesquels il était en conflit et "nourrir sa soif de puissance", selon le parquet.
Après avoir réfuté cette thèse pendant l'instruction, Frédéric Péchier a finalement admis, au cours du procès, qu'un empoisonneur avait bien sévi dans l'une des deux cliniques privées où il a travaillé. Mais il a constamment répété qu'il n'était pas cet empoisonneur.
- En attente d'explications -
Le procès a alterné témoignages déchirants de victimes et échanges tendus avec un accusé décrit tantôt comme un tueur en série dénué d'empathie, tantôt comme un "homme détruit".
L'avocat de parties civiles Stephane Giuranna s'exprime devant la presse au tribunal de Besançon le 18 décembre 2025 ( AFP / ROMEO BOETZLE )
Cassant et inflexible lors des interrogatoires, l'accusé a versé des larmes le 5 décembre, en évoquant sa tentative de suicide en 2021, mais il s'est montré impassible pendant la lourde charge menée à son encontre la semaine dernière par les deux représentantes de l'accusation.
Si le verdict est un soulagement pour les victimes, des questions restent ouvertes.
On s'est senti "ému et soulagé" que "papa soit reconnu victime", a déclaré Olivier Py. Mais le procès en appel, "ça va être dur (...) on repart à zéro".
Frédéric Berna, avocat de nombreuses parties civiles, a regretté que Frédéric Péchier n'ait pas avoué.
"On a pu avoir éventuellement l'espoir que l'humanité lui revienne et qu'il soit en mesure de livrer quelques explications", a déclaré l'avocat devant la presse. "Je crois que sa seule porte de sortie digne aujourd'hui (...) ce serait qu'il se résigne à nous dire: 'voilà pourquoi je l'ai fait, voilà ce que j'ai fait, voilà ce qui s'est passé dans ma tête'."
Pour Archibald Celeyron, l'avocat du père de Tedy, la plus jeune victime âgée de 4 ans à l'époque, a dit lui aussi espérer obtenir "des explications" lors du procès en appel, afin de de savoir "pourquoi il a empoisonné ces personnes".

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