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Industrie : pour attirer les investissements étrangers, les États font chauffer le carnet de chèque
information fournie par Boursorama avec Media Services 03/07/2023 à 11:27

"La notion de souveraineté, longtemps considérée comme un argument ringard, est devenue un argument considérable", analyse un expert.

( AFP / JEAN-PIERRE CLATOT )

( AFP / JEAN-PIERRE CLATOT )

Dans la lutte pour l'implantation des industries d'avenir, les gouvernement rivalisent à coups de milliards de subventions publiques pour attirer les grandes entreprises. Une situation qui consacre un retour de l'État dans la politique industrielle, tout en laissant craindre une fuite en avant.

Dernier exemple en date, l'implantation du géant américain des semi-conducteurs Intel, qui va toucher près de 10 milliards d'euros pour construire une usine à Magdebourg, dans l'est de l'Allemagne, soit le tiers de l'investissement total. La fabrication de ces puces électroniques -au même titre que les industries liées à la transition énergétique comme les batteries électriques - est devenue un enjeu clef de souveraineté, et les produire sur son sol est désormais érigé en priorité partout dans le monde.

La France a par exemple annoncé début juin une subvention qui représente près de 40% du montant de la nouvelle usine grenobloise du groupe STMicroelectronics. De l'autre côté des Alpes, l'Italie va prendre en charge un peu moins du tiers de l'investissement de la même entreprise en Sicile.

"La notion de souveraineté, longtemps considérée comme un argument ringard, est devenue un argument considérable", souligne auprès de l'AFP Michel Sapin, ancien ministre français de l'Economie, aujourd'hui avocat au sein du cabinet Franklin. Pour lui, "la subvention est devenue un outil de reconquête de la souveraineté" . L'Europe a dû l'apprendre à marche forcée, après la mise en place aux États-Unis de l'Inflation Reduction Act, qui permet de distribuer de généreuses subventions pour les industries d'avenir, ce qui risque de siphonner les investissements sur le Vieux continent. À l'origine, cette loi a été mise en place pour répondre à une politique de subventions massives de l'État chinois envers ses industries.

L'Europe cherche à rattraper son retard sur la Chine et les États-Unis

Là où auparavant les autorités de la concurrence européennes surveillaient très attentivement l'attribution d'aides d'États, elles sont désormais plus ouvertes, via plusieurs procédés, à l'instar des Projets importants d'intérêt européen commun (Piiec) ou la récente tentative de réponse à l'IRA américain qui ambitionne d'offrir des subventions équivalentes pour empêcher la fuite des projets. Car la pandémie et ses ruptures d'approvisionnement en masques et en vaccins sont encore dans toutes les têtes, tout comme la crainte de pénuries d'énergie après l'éclatement de la guerre en Ukraine, qui ont fait retomber la confiance aveugle en une mondialisation sans risques.

"On vient de franchir le Rubicon sur l'enveloppe des aides d'État que l'on peut débloquer pour les entreprises", souligne ainsi Elvire Fabry, chercheuse spécialiste de géopolitique du commerce à l'institut européen Jacques Delors, se réjouissant que "la dynamique s'enclenche" en Europe. "Nous n'avons pas de temps à perdre, d'autres dans le monde ne dorment pas" , a récemment expliqué le ministre allemand des Finances, Christian Lindner. "En comparaison avec les États-Unis, j'en suis convaincu, nous n'avons pas de déficit de subventions (...) mais notre principal déficit est que nous n'avons pas assez de rythme".

Mais cette nouvelle donne laisse craindre une course en avant des entreprises, qui pourraient faire monter les enchères entre des tats souhaitant relocaliser à tout prix des industries prometteuses.

Risque pour la solidarité européenne

"La réalité est qu'un investisseur se dira : 'Je vais aller là où le package est le plus intéressant' . Avec l'IRA, les États ont pris le risque de mettre le doigt dans un mécanisme de surenchère au plus-disant financièrement et au moins-disant en conditionnalités", c'est-à-dire en contreparties qu'un État peut obtenir en échange de subventions, note Olivier Lluansi, associé du cabinet PwC.

En outre, la solidarité européenne pourrait pâtir de cette course folle pour attirer les entreprises, avec le risque que les pays les plus riches ou les plus volontaristes -comme l'Allemagne et la France- , finissent par centraliser l'essentiel des implantations.

Sans oublier que les milliards dépensés pour attirer des capacités de production ne règleront pas toutes les questions de souveraineté. "En cas de tensions géopolitiques majeures, alors que ces usines ont une gouvernance qui prend ses décisions en dehors de l'Europe , que fera-t-on si elles arrêtent de produire ? Si elles sont effectivement 'stratégiques', serons-nous capables de 'nationaliser' ? Jusqu'où sommes-nous capables d'aller ?", interroge Olivier Lluansi. "Dans tous les cas, la situation et les montants d'aides publiques posent question."

2 commentaires

  • 04 juillet 08:21

    Dans les autres pays, ils font tout leur possible pour conserver chez eux la matière grise, chez nous c'est l'inverse.
    L'un de mes enfants installé depuis 10 dans la silicone valley vend à une entreprise française, les résultats ( Brevets ) de ses travaux de recherche effectués aux U.S.


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