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Incertitudes en 2025 pour les marchés émergents après la victoire de Trump
information fournie par Reuters 08/11/2024 à 12:37

Donald Trump assiste à son meeting de campagne à Grand Rapids

Donald Trump assiste à son meeting de campagne à Grand Rapids

par Libby George

L'hypothèse d'un environnement "Boucles d'or" espéré en 2025 pour les marchés émergents après des années de hausses des taux d'intérêt semble désormais grandement menacée par le retour imminent de Donald Trump à la Maison blanche.

La vigueur du dollar, la perspective d'un relèvement des droits de douane aux Etats-Unis, de possibles dépenses publiques non financées et un éventuel ralentissement du rythme de la baisse des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine (Fed) ont affecté récemment plusieurs devises des marchés émergents et pesé sur certaines obligations d'Etat.

Cela a conduit des investisseurs à réexaminer l'impact de la politique de Donald Trump sur les actifs des pays en développement.

"Même si nous ayons été positifs sur les actifs des marchés émergents cette année et même si les performances ont été solides, nous devons penser à l'année prochaine et nous positionner de manière plus prudente, tant en monnaie locale qu'en monnaie forte", a déclaré Yerlan Syzdykov, responsable mondial des marchés émergents chez Amundi, premier gestionnaire européen d'actifs.

La perspective aux Etats-Unis d'une "vague rouge" - avec les Républicains prenant également le contrôle de la Chambre des représentants, en plus de la présidence et du Sénat - serait un "élément qui changerait quelque peu la donne", a-t-il ajouté.

Les flux d'investissement vers les marchés émergents ont rebondi après des années difficiles marquées par une faible appétence au risque en raison de la pandémie de COVID-19 de 2020. Durant cette période, caractérisée également par un relèvement des taux directeurs des banques centrales dans le monde entier, les investisseurs ont choisi de conserver leurs fonds dans des actifs des pays développés, jugés plus sûrs.

Les entrées nettes en termes de portefeuille actions et obligations des économies en développement, qui étaient tombées à pratiquement zéro en 2022, ont rebondi à un peu moins de 250 milliards de dollars sur les chiffres arrêtés en septembre 2024, selon les données de l'Institute of International Finance. En 2023, elles avaient représenté 177 milliards de dollars.

"Avant les élections, il y avait beaucoup d'optimisme autour des marchés émergents", a déclaré Anders Faergemann, gérant de portefeuille chez PineBridge Investments, notant que les différentiels de croissance des marchés émergents par rapport au monde développé sont à leur plus haut niveau depuis dix ans.

LE PESO MEXICAIN A CHUTÉ DE 3,6% CETTE SEMAINE

L'indice obligataire en devises fortes des marchés émergents de JPMorgan, utilisé pour évaluer la performance des investissements dans les obligations, a enregistré un rendement d'environ 6% depuis le début de l'année, tandis que les obligations des gouvernements locaux, elles, font du surplace.

Cette situation rappelle en quelque sorte l'année 2016, lorsque la monnaie locale des marchés émergents a pâti de la victoire surprise de Donald Trump aux élections, explique Allianz Global Investors dans une note à ses clients.

Selon Anders Faergemann, la victoire de Donald Trump met désormais la Chine sous pression ainsi que les devises des marchés émergents. Le zloty polonais et le forint hongrois, qui ont chuté à leur plus bas niveau depuis deux ans, sont, dit-il, en danger en raison de la dépendance de ces deux pays au commerce et du risque lié aux droits de douane que Donald Trump veut imposer.

Le peso mexicain, considéré comme une référence parmi les devises des marchés émergents, a chuté de 3,6% cette semaine après l'annonce de la victoire de Donald Trump, avant d'effacer rapidement ses pertes. La baisse du peso est néanmoins moins marquée que celle enregistrée en 2016, où il avait perdu 8%.

Nombre d'observateurs du marché surveillent de près les premiers signes sur les dépenses promises par Donald Trump et l'impact que cela pourrait avoir sur la trajectoire des taux directeurs de la Fed, sachant qu'une hausse du déficit budgétaire pourrait conduire à un rythme de baisse des taux plus lent.

"Des taux plus élevés et un dollar américain fort constituent un obstacle (...) (tout comme) certaines des politiques proposées comme les droits de douane", souligne Sonal Desai, directrice des investissements chez Franklin Templeton Fixed Income.

TRUMP VU PROCHE DU PRÉSIDENT ARGENTIN

Un certain optimisme demeure cependant. Des pays comme l'Inde pourraient bénéficier de l'approche dure de Donald Trump à l'égard de la Chine, estime Yerlan Syzdykov d'Amundi, tandis que l'Argentine devrait également attirer les investisseurs avec son programme de réformes et de réduction des dépenses.

"Certains secteurs et pays pourraient bénéficier d'une victoire de Trump", a déclaré Shamaila Khan, responsable obligataire pour les marchés émergents et l'Asie-Pacifique chez UBS Asset Management. "Un portefeuille sur les marchés émergents peut générer beaucoup de valeur", a-t-elle dit.

Des changements importants dans le contexte géopolitique pourraient aussi créer une nouvelle donne. Les obligations internationales et les bons du Trésor ukrainiens ont fortement progressé après la victoire de Donald Trump, sur fond d'optimisme quant à une possible fin du conflit entre Moscou et Kyiv.

Les actions et les obligations argentines ont également progressé, les investisseurs anticipant un resserrement des liens avec les Etats-Unis, Donald Trump étant jugé proche du président libertaire argentin Javier Milei.

CRAINTE D'UNE VOLATILITÉ

Les banquiers espéraient que le bond des émissions de dette enregistré depuis le début de l'année pourrait se poursuivre en 2025. Mais certains craignent désormais que la volatilité avant et après l'investiture de Donald Trump en janvier - traditionnellement un mois d'émission important - puisse avoir un impact sur les émissions sur le marché primaire.

Barclays estime que les ventes d'obligations souveraines internationales des marchés émergents atteindront un maximum de 160 milliards de dollars cette année, et environ 130 milliards de dollars l'année prochaine.

Le coût élevé de la dette pourrait encore limiter l'accès des marchés émergents aux liquidités, ce qui constitue déjà une préoccupation majeure pour des organismes comme le Fonds monétaire international (FMI).

Les investisseurs estiment néanmoins que la peur, les fluctuations du marché et l'aversion au risque qui ont suivi la victoire de Donald Trump en 2016 sont moins probables cette fois-ci. Cela signifie que les pays en développement et leurs actifs conservent un certain potentiel pour continuer à attirer des capitaux.

"Nous avons déjà vu Trump, nous avons donc déjà vu ce film – et nous avons survécu", résume Yerlan Syzdykov d'Amundi.

(Avec la contribution de Rodrigo Campos à New York et Lisa Mattackal à Bangalore, graphiques Marc Jones et Rodrigo Campos ; version française Claude Chendjou, édité par Kate Entringer)

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