
Volodymyr Zelensky et Emmanuel Macron à Paris, le 14 mai 2023. ( AFP / LUDOVIC MARIN )
Le directeur général Opinion de l'institut d'études Ifop, Frédéric Dabi, note "des éléments d'effritement, d'usure de l'opinion" au sein de la population française.
L'Assemblée nationale doit se prononcer ce mardi 12 mars sur la stratégie de soutien à Kiev. Mais le sujet est loin de faire consensus au sein des partis politiques français. Il semble interroger également la population : ce soutien financier et militaire recule dans l'opinion française.
"Plus que jamais, la Russie est vue comme le pays qui a envahi l'Ukraine", souligne le directeur général Opinion de l'institut d'études Ifop, Frédéric Dabi, en précisant que la cote de popularité du président russe Vladimir Poutine est inférieure à 20% chez les Français quand celle de son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky dépasse les 60%. Pour autant, il note "des éléments d'effritement, d'usure de l'opinion". "Sans parler de tournant", il observe que "l'on est peut-être à un point de bascule" dans la mesure où elle ne regarde plus seulement "le récit" d'une Ukraine agressée par la Russie qu'il faut naturellement soutenir. Son capital sympathie a même diminué depuis un an, dit-il.
Baisse des dons
Un sondage Elabe pour la chaîne BFMTV et le journal La Tribune dimanche montre que 39% des Français considèrent que la France doit continuer de soutenir économiquement et financièrement Kiev comme elle le fait actuellement, soit 11 points de moins depuis le 28 juin 2023. Et davantage de Français (26%, +3 points) estiment qu'elle doit réduire son soutien. Même tendance s'agissant du soutien militaire : 43% (-9 points) jugent qu'elle doit continuer son soutien comme elle le fait actuellement, 22% (+4) qu'elle doit le réduire.
Cet effritement se traduit par une baisse sensible des dons. "On est dans une séquence hyper politique et on ne parle plus de la situation humanitaire", regrette Jacques Duplessy, chargé de mission pour l'Ukraine à l'association Safe. "On ne parle que d'envois d'obus, de canons Caesar, F16. On ne parle pas des Ukrainiens, ce n'est pas ça qui donne envie de donner", ajoute-t-il. Pourtant, "un Ukrainien sur quatre dépend de l'aide humanitaire, selon les statistiques des Nations Unies", rappelle-t-il.
Karine Meaux, responsable des urgences à la Fondation de France, constate également une baisse drastique des dons : plus de 16 millions d'euros avaient été collectés la première année contre quelques centaines de milliers l'an passé. "Traditionnellement, l'essentiel de la solidarité s'exprime dans les premières semaines, les premiers mois", tempère-t-elle, jugeant même l'aide "encore exceptionnelle" en raison de la proximité géographique du conflit. "Dès qu'un sujet dure dans le temps il y a forcément un effritement" de l'opinion, analyse le politologue Bruno Cautrès, chercheur au CNRS.
"Un niveau d'anxiété élevé" au sein de la population française
Il invite néanmoins à distinguer ce qui est de l'ordre d'un soutien "à des idées très générales" - le soutien du peuple ukrainien agressé - de ce qui est de l'ordre "du soutien motivé par des actions précises", tel un soutien militaire accru. Or actuellement, le soutien à l'Ukraine génère "plein d'inquiétudes", dit-il, notant "un niveau d'anxiété élevé" au sein de la population française.
Un sondage CSA pour CNews, Europe 1 et le JDD a fait apparaître une ferme opposition d'une grande partie des Français (76%) à la possibilité d'envoyer des troupes françaises en Ukraine, comme l'a évoqué Emmanuel Macron. En outre, le débat sur l'aide à l'Ukraine se télescope avec des annonces sur le plan national jugées pas toujours lisibles. "Acter des économies budgétaires est un élément qui a augmenté ce sentiment de lassitude", fait valoir Frédéric Dabi.
"Vos enfants ne vont pas mourir en Ukraine"
Le 16 février, Emmanuel Macron avait annoncé aux côtés de Volodymyr Zelensky un versement de trois milliards d'euros à Kiev. Quelques jours plus tard, le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire déclarait que l'État devait trouver 10 milliards d'euros d'économies. "Cela n'est pas les mêmes chiffres mais pour beaucoup de Français c'est le même sac", décrypte Frédéric Dabi. "On ne sait plus au fond où est la principale priorité de l'action publique en France", ajoute Bruno Cautrès.
La semaine dernière, une source diplomatique avait reconnu la nécessité de faire un travail pédagogique auprès des opinions publiques occidentales pour ne pas perdre leur soutien au moment où la Russie est accusée de désinformation et déstabilisation en Europe. Lundi, c'est Volodymyr Zelensky qui s'est adressé aux Français lors d'une interview à BFMTV et au quotidien Le Monde. "Vos enfants ne vont pas mourir en Ukraine", a lancé le président ukrainien, en assurant que l'envoi de troupes étrangères n'était pour l'heure pas nécessaire.
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