Le gouvernement de Michel Barnier a présenté son projet de budget 2025
Le gouvernement français, confronté à une envolée du déficit public au-delà de 6% cette année, a présenté jeudi un projet de budget pour 2025 qui prévoit des économies massives de 41,3 milliards d'euros et 19,3 milliards d'euros de recettes supplémentaires via une hausse significative des impôts.
Bouclé en un temps record après plus de deux mois de paralysie politique consécutifs à la dissolution de l'Assemblée nationale et à des élections législatives anticipées sans véritable vainqueur, le projet de loi de Finances (PLF), présenté en conseil des ministres avec le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), est désormais suspendu à un cheminement parlementaire à hauts risques.
Michel Barnier, qui sait jouer son avenir à Matignon avec le seul appui d'une majorité relative dans une Assemblée fragmentée, a pris les devants en évoquant un budget "perfectible". "Il y aura possibilité d’amender le budget, de l’améliorer. Je suis ouvert aux idées", a dit le Premier ministre en marge d'un déplacement à Poitiers (Vienne).
A Bercy, on prend l'engagement qu'"il n'y aura ni cure d'austérité ni matraquage fiscal".
Ce budget d'"effort partagé" met l'accent sur la réduction des dépenses, à hauteur de 40 milliards d'euros, soit deux tiers de l'effort de redressement. L'Etat sera le premier mis à contribution, avec une ponction de 21,5 milliards d'euros, ministères (5 milliards d'euros, outre les crédits gelés) et opérateurs étatiques confondus.
L'objectif est de ramener le déficit public de la France à 5% du PIB en 2025 avec un retour à 3%, dans les "clous" européens, à l'horizon 2029. Le PLF se fonde sur une prévision de croissance de 1,1% du PIB l'an prochain, à l'identique de 2024, avec un taux d'inflation à 1,8% en moyenne annuelle.
REPORT DE L'INDEXATION DES RETRAITES
La diète s'impose aussi aux collectivités locales, qui s'insurgent d'une retenue de cinq milliards d'euros et comptent peser dans le débat parlementaire à venir. Quelque 450 collectivités sont visées par ce "mécanisme de résilience des finances locales".
Le PLFSS, qui se fonde sur une prévision de déficit de la Sécurité sociale de quelque 18 milliards d'euros en 2024 (dont 14,6 milliards pour la branche maladie), prévoit 14,8 milliards d'euros d'économies avec notamment le report de six mois, au 1er juillet 2025, de l'indexation des pensions de retraite sur l'inflation.
Le gain attendu de cette mesure est de 3,6 milliards d'euros, mais faut-il qu'elle survive à l'examen parlementaire. Le Rassemblement national (RN), dont les 125 députés (sur 577) détiennent une partie des clés de l'avenir budgétaire de la France, a marqué son opposition à cette option.
Au chapitre des recettes, le gouvernement de Michel Barnier rompt avec la doctrine d'Emmanuel Macron, qui depuis son accession au pouvoir en 2017 a "fermé l'hypothèse" de hausses d'impôts malgré le dérapage des comptes publics et toujours considéré l'arme fiscale comme une "maladie française".
Après sept années de baisse de la fiscalité, le PLF 2025 table sur près de 20 milliards d'euros d'augmentations d'impôts.
Selon le ministère de l'Economie et des Finances, le taux de prélèvements obligatoires devrait s'établir à 43,6% du PIB en 2025 (contre 42,8% cette année).
"SURTAXE EXCEPTIONNELLE"
Mesure emblématique, le gouvernement entend mettre en oeuvre une surtaxe "exceptionnelle" sur trois ans pour les 65.000 foyers fiscaux les plus fortunés (0,3% des ménages imposables) qui se verraient imposer un taux minimal de 20%. Les contribuables dont le revenu de référence dépasse 250.000 euros (célibataire) et 500.000 euros (couple) sont concernés. Le rendement attendu en 2025 est de deux milliards d'euros.
Une contribution exceptionnelle des quelque 400 entreprises dont le chiffre d'affaires annuel dépasse un milliard d'euros sera instituée sur deux ans et "devrait rapporter 8 milliards d'euros en 2025 et 4 milliards d'euros en 2026", selon Bercy.
"C'est un pistolet à un coup, ça doit être extrêmement ciblé et rester exceptionnel sinon il y a une rupture de confiance et après le risque de stratégies d'évitement", a dit à Reuters Fabrice Le Saché, vice-président du Medef chargé de l'Europe.
Une taxe sur le transport maritime est instaurée (500 millions de recettes escomptés en 2025, 300 millions en 2026). Une taxe est de plus créée sur les rachats d'actions suivis d'une annulation.
Les entreprises françaises sont également concernées par une baisse des aides à l'apprentissage et à l'embauche (2,1 milliards d'euros) et de moindres allègements de charges sociales (à hauteur de 4,7 milliards) "dans un contexte de baisse du chômage".
"Cette réduction de nos déficits doit commencer dès maintenant. C’est une nécessité pour protéger la signature de la France", a souligné le ministre de l'Economie et des Finances, Antoine Armand, lors d'une conférence de presse.
L'épreuve du feu parlementaire, avec une opposition de gauche qui dénonce "un plan d'austérité violent", attend désormais le gouvernement.
L'examen des "recettes" débutera le 21 octobre à l'Assemblée, avant un vote solennel le 29 octobre. Suivra l'examen de la partie "dépenses" à partir du 5 novembre, avec un vote envisagé le 19 novembre.
Michel Barnier a d'ores et déjà prévenu qu'il userait si nécessaire de l'article 49-3, "un outil de la Constitution", pour faire adopter le budget sans vote.
Voir également : ENCADRE-Les principales mesures du PLF et du PLFSS pour 2025 [L8N3LM0ML]
(Reportage Zhifan Liu, rédigé par Sophie Louet)
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