Le président français Emmanuel Macron
par Elizabeth Pineau
Emmanuel Macron continuait mardi ses consultations de personnalités politiques en vue de la nomination d'un Premier ministre, poste pour lequel les hypothèses Xavier Bertrand et Bernard Cazeneuve restent sur la table, a-t-on appris auprès de l'entourage du chef de l'Etat.
Plus de 50 jours après le second tour des élections législatives, le président cherche toujours l'équation à même de constituer un gouvernement capable de faire voter certains textes et d'éviter l'écueil d'un renversement rapide.
"Le point central c'est la non censurabilité. Ne pas avoir 289 voix contre, c'est ça le vrai sujet", a dit à Reuters une source au palais présidentiel en référence à la majorité à l'Assemblée nationale, qui compte 577 députés.
Dans un pays très divisé au lendemain des élections anticipées qu'Emmanuel Macron a provoquées les 30 juin et 7 juillet, le chef de l'Etat imagine une forme de gouvernance qui ne serait "ni une cohabitation, ni une majorité présidentielle classique", dit-on de même source.
"Le président est garant du vote des Français et ce sera au Premier ministre d'aller chercher une majorité au Parlement", ajoute-t-on.
De nombreuses personnalités ont été pressenties pour succéder à Gabriel Attal dont un ancien locataire de Matignon sous François Hollande, Bernard Cazeneuve, et l'ex-ministre de Nicolas Sarkozy devenu président de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand.
Les deux hommes, ainsi que les deux prédécesseurs d'Emmanuel Macron, ont été reçus lundi à l'Elysée.
Des sources "macronistes" ont évoqué lundi l'arrivée à Matignon d'un membre de la société civile, le président du Conseil économique, social et environnemental Thierry Baudet.
L'éventualité Beaudet ne sort pas de l'Elysée, a dit le membre de l'entourage présidentiel consulté mardi, selon lequel les hypothèses Xavier Bertrand et Bertrand Cazeneuve sont étudiées en priorité.
Pour ce faire, le chef de l'Etat multiplie les entretiens par téléphone avec des responsables politiques de tous bords, selon son entourage.
Emmanuel Macron s'est entretenu avec les présidents des groupes à l'Assemblée et au Sénat, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, et des réunions des deux groupes ont eu lieu.
"NE PAS BLOQUER LA FRANCE", DIT WAUQUIEZ
En cas de nomination de Xavier Bertrand, "nous serons de bonne volonté et ouverts. On ne doit pas bloquer la France", a dit Laurent Wauquiez à ses ouailles selon un participant, semblant mettre de côté sa rivalité avec le président des Hauts-de-France.
La Droite républicaine demande qu'"une partie au moins" de ses propositions soient retenues.
Le président du Sénat, Gérard Larcher, a également été consulté par le chef de l'Etat, a fait savoir son entourage.
Le Rassemblement national compte 143 députés à l'Assemblée avec ses alliés et peut donc y jouer le rôle d'arbitre.
"Ce que Jordan Bardella a dit à l'Elysée, c'est qu'on accepterait un gouvernement technique, qui expédierait les affaires courantes mais qui aurait mandat de mettre en place la proportionnelle aux élections législatives, et permettra ainsi de dégager une majorité dans un an", a dit à Reuters un proche du président du RN, reçu à l'Elysée la semaine dernière.
La Constitution française impose un délai d'un an entre deux dissolutions de l'Assemblée nationale.
Le député Eric Ciotti, allié du RN à l'Assemblée, a écrit sur X que son groupe "À droite" censurerait un gouvernement dirigé par Xavier Bertrand.
Une source au Rassemblement national a dit à Reuters qu'il en serait de même pour le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella, qui devait être consulté par l'Elysée de même que des responsables de gauche selon l'entourage d'Emmanuel Macron.
"HOMME D'ÉTAT"
Reçue elle aussi à l'Elysée, le 26 août, Marine Le Pen est une farouche adversaire de Xavier Bertrand, qui a remporté plusieurs victoires électorales face à l'extrême droite dans le nord de la France, fief électoral des deux dirigeants.
"C'est un homme d'Etat qui a fait ses preuves dans les Hauts-de-France et qui ferait un bon Premier ministre", a dit sur BFMTV la maire divers droite de Calais, Natacha Bouchart.
Pour la sénatrice Laure Darcos, autre proche de Xavier Bertrand, l'ancien ministre pourrait privilégier des sujets comme les transports et les services publics qui parlent à tous les électorats, y compris la gauche et l'extrême droite.
"Il pourrait s'atteler à des réformes en profondeur sur ces thèmes et s'adresser à ceux qui se sentent abandonnés", a-t-elle dit à Reuters. "Donc toucher les électeurs RN et faire du social, ce qui pourrait contenter une partie de la gauche, tout en étant fort sur le régalien, avec des convictions de droite."
L'ancien président Nicolas Sarkozy, qui s'entretient régulièrement avec Emmanuel Macron, plaide pour la nomination d'un Premier ministre conservateur car il estime que la France est à droite, a dit à Reuters une élue de sa connaissance.
La coalition de gauche Nouveau Front populaire (NFP) a remporté le plus grand nombre de députés aux élections législatives et exige la nomination à Matignon de sa candidate, la haute fonctionnaire Lucie Castets.
Une proposition rejetée par Emmanuel Macron la semaine dernière au nom de la "stabilité institutionnelle."
Bernard Cazeneuve a quitté le Parti socialiste (PS) pour protester contre le rapprochement avec La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, membre de la coalition NFP. Un choix qui continue de diviser au PS.
LFI a confirmé mardi son intention de censurer tout gouvernement qui ne serait pas dirigé par Lucie Castets et déposé une propositon de loi pour destituer Emmanuel Macron.
(Reportage Elizabeth Pineau, édité par Blandine Hénault et Kate Entringer)
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