
Les sanctions ont été durcies pour les chômeurs qui ne respecteraient pas leurs obligations, mais pour les experts, il faut apporter des réponses globales pour viancre ce fléau (Crédit: Flickr Julien Faure)
En plein mouvement des «gilets jaunes», la mesure du gouvernement pouvait difficilement passer inaperçue malgré un calendrier qui misait sur la discrétion. Dans un décret publié au Journal officiel le 30 décembre 2018, le gouvernement a enclenché le volet sanction de son dispositif de lutte contre le chômage. Le 13 décembre dernier, le Cercle des économistes organisait une conférence débat intitulée « pour enfin sortir du chômage de masse ». Au menu, un état des difficultés propres à la situation française mais aussi des ébauches de solution…
Plus de contrôle pour les chômeurs
Face à un taux de chômage qui reste désespérément au-dessus du seuil fatidique des 9% de la population active dans l'Hexagone, le gouvernement a serré la vis. Dans un décret publié au Journal officiel le 30 décembre 2018, les sanctions ont été durcies pour les chômeurs qui ne respecteraient pas leurs obligations pendant leur période d'inactivé.
Ceux qui sont soupçonnés de ne pas rechercher activement un emploi pourront perdre leur allocation dès le premier avertissement. Et si, entre deux rendez-vous, le chômeur n'a pas démontré sa volonté à chercher un emploi, le conseiller pourra supprimer pour un mois les allocations à la première infraction, deux mois à la seconde et quatre mois à la troisième.
En revanche, le fait de ne pas se rendre à un rendez-vous avec un conseiller sans avoir de motif légitime sera sanctionné d'un mois de radiation des listes contre deux mois auparavant. C'est d'ailleurs la seule sanction qui n'a pas été alourdie.
Le gouvernement l'a martelé, ce durcissement a pour objectif d'«inciter davantage à reprendre un travail». Mais pour nombre de spécialistes, notamment ceux du Cercle des économistes qui regroupe économistes et experts de terrain, « il faut apporter des réponses globales pour soigner ce cancer qui gangrène notre société ».
La croissance économique ne suffit pas à faire refluer le taux de chômage
La croissance économique et les créations d'emplois qui en découlent ne suffiront pas à résoudre la problématique du chômage de masse, selon les experts du Cercle des économistes. Preuve en est, en 2017, les créations d'emplois ont atteint un niveau élevé en France et pourtant le taux de chômage est resté désespérément au-dessus des 9% tandis qu'en 2018, «la croissance économique a tout juste permis de stabiliser le taux de chômage». «La lutte contre le chômage n'est pas seulement une question d'emploi, c'est aussi une question d'éducation et de mobilité», précise l'ancien capitaine d'industrie Louis Gallois.
Un marché du travail qui fonctionne à deux vitesses
Claude Seibel, inspecteur général auprès de l'Insee met lui en lumière a un paradoxe entre, d'un côté, un chômage de masse et de l'autre côté des emplois vacants non satisfaits. Ce paradoxe s'explique de plusieurs manières, et notamment à cause de l'inadéquation entre l'offre de travail disponible et de l'autre la demande (les chômeurs). «Cette inadéquation est liée à la faiblesse des compétences et à un manque de formation.»
De plus, si le CDI reste la norme, la multiplication des contrats précaires et courts nécessitent une réponse globale. Or la «bipolarisation du marché du travail est un problème crucial», selon Patrick Artus, chef économiste chez Natixis : «Il s'agit à la fois d'un problème économique, politique et social, dont les causes structurelles sont très difficiles à corriger car elles concernent à la fois le vieillissement démographique, le développement des nouvelles technologies et de la robotisation.»
La digitalisation de l'économie : enjeu majeur dans la lutte contre le chômage
Actuellement, «seulement 10% des emplois actuels sont concernés par l'automatisation, relativise Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil d'orientation pour l ‘emploi. En revanche, la moitié des emplois est susceptible de voir leur contenu profondément transformé du fait de la digitalisation de l'économie».
Dans son enquête sur l'impact de la digitalisation de l'économie sur l'emploi, elle explique que la digitalisation de l'économie est donc source de menaces … mais aussi d'opportunités dans la mesure où «la technologie créé aussi de nouveaux produits, de nouveaux services et donc de nouveaux marchés». Mais encore faut-il disposer des compétences nécessaires pour postuler à ces nouveaux métiers.
La formation, un enjeu clef dans la lutte contre le chômage
Signe de la peur du déclassement de la part d'une frange massive des salariés : «dans l'Union européenne, 46% des adultes en emploi pensent qu'il est vraisemblable ou très vraisemblable que plusieurs de leurs compétences seront dépassées dans les cinq prochaines années», souligne Bastien Drut stratégiste chez CPR AM .
«Le remplacement total ou partiel d'emplois par l'automatisation accroît et/ou va accroître le besoin de formation en cours de carrière car les employés devront s'adapter à de nouvelles fonctions, voire à de nouveaux secteurs d'activité. L'OCDE estime par exemple que 14% des emplois dans les pays membres de l'organisation sont automatisables et que 32% supplémentaires pourraient être modifiés de façon substantielle.»
Dans ce contexte, et alors que les évolutions technologiques précipitent l'«obsolescence» des compétences «la formation tout au long de la vie est l'une des solutions qui permettra de résoudre l'inadéquation entre l'offre et la demande de compétences dans les pays développés. La formation professionnelle deviendra de plus en plus centrale et s'imposera progressivement comme un impératif économique, notamment à cause des évolutions technologiques de l'économie mais aussi du vieillissement de la population», conclut le stratégiste de CPR AM.
Au-delà de la formation professionnelle, les experts du Cercle des économistes livrent quelques pistes pour lutter efficacement contre le chômage. Parmi les solutions, le think thank évoque les politiques locales de l'emploi, la réforme du marché locatif pour faciliter la mobilité ou encore le renforcement du rôle des pôles de compétitivité sur la thématique emploi-formation.
FL (redaction@boursorama.fr)
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