L'Assemblée nationale, à Paris. (Crédits: L. Grassin)
Est-il encore possible pour un économiste d'émettre un avis, sur les mesures adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture en matière de taxation du capital et des entreprises, sans être traité de communiste, de mélenchoniste, d'ultra-libéral ou de macroniste ? Bien sûr, l'économiste, pour justifier cette clémence idéologique, ne doit pas lui-même mêler des avis scientifiques et des opinions de nature politique.
S'agissant des mesures votées, il nous semble que nombre d'entre elles peuvent être défendues isolément sur le plan économique, même s'il est illusoire d'y trouver une puissante logique d'ensemble. Le théorème d'Arrow a encore frappé, car il met en évidence le manque de rationalité des décisions collectives en l'absence de majorité et d'opposition clairement définies.
Ainsi, la surtaxe à l'impôt sur les sociétés des grandes entreprises peut être justifiée par la rente monopolistique que confère la taille de ces entreprises. De plus, elle est en partie compensée par la baisse de la CVAE pour 1 milliard d'euros. Plus on taxe une base proche du résultat, moins la taxation distord les choix de l'entreprise.
Les correctifs apportés au dispositif Dutreil sont les bienvenus pour éviter les abus et sont assez similaires à ceux introduits dans des dispositifs comparables dans d'autres pays européens.
Les députés ont acté mercredi dernier une hausse de 1,4 point du taux de la CSG pesant sur les revenus du capital pour le porter de 9,2 % à 10,6 %. Là aussi, ce n'est pas le grand soir.
Le remplacement de l'IFI par l'impôt sur la fortune improductive, en revanche, n'a pas de sens économique et est sans doute mort-né en raison d'une malformation congénitale.
On peut aussi regretter que la taxe de 2% sur les holdings familiaux portée par le gouvernement ait été considérablement affaiblie par un amendement qui limite la taxe « aux seuls actifs qui ne pourraient manifestement pas être affectés à une activité économique réelle ». Cette formulation introduit une incertitude quant à la qualification qui ouvrira la porte aux redressements et au contentieux. C'est fort dommage, car l'incendie est parti de techniques d'optimisation fiscale qui se sont développées dans le cadre des holdings patrimoniaux. Éviter les fuites était le moyen le plus évident de couper l'herbe sous le pied à l'argumentaire menant à la taxe Zucman qui génère une très forte charge symbolique positive comme négative.
Au total, la description clinique des changements apportés à la taxation du capital pourrait faire penser à une crise d'urticaire. Toutefois, deux points posent problème pour l'avenir et indiquent que l'on a sans doute affaire à une maladie plus profonde de type zona.
D'une part, le narratif n'a pas été le bon et a fait penser à la pièce de théâtre « Scènes de chasse en Bavière ». Il aurait fallu évoquer la nécessaire participation des plus riches à l'effort de défense. À chaque fois dans l'histoire où il a fallu augmenter ce type de dépenses, les plus fortunés ont été sollicités. L'acceptabilité de l'impôt est cruciale pour empêcher l'exode fiscal. Or, l'effort demandé aux plus riches couvre grosso modo l'augmentation des dépenses militaires, 6 milliards d'€.
D'autre part, la question de la taxation des ultra-riches n'a pas été purgée et l'argumentation n'a pas été poussée à fond de part et d'autre. Elle reviendra lors de la discussion budgétaire pour 2027. Et la discussion reprendra comme si la taxation du capital n'avait pas été alourdie cette année, car aucune mesure adoptée n'a une valeur symbolique forte.
Peut-être que le coche a été manqué d'introduire une taxe Zucman à un taux faible, par exemple 0,5 %. Généralement, quand on veut introduire un nouvel impôt, on commence par en instaurer le principe en se contentant d'un taux faible, comme l'a fait Michel Rocard avec la CSG. Les promoteurs de la taxe Zucman n'ont pas eu cette sagesse. Cela aurait eu une vertu pédagogique, car il aurait permis de faire atterrir le débat fiscal sur des réalités tangibles, tant en termes de montant à engranger que de réponses comportementales des intéressés.
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