Le redémarrage d'une centrale existante apparaît comme la voie la plus rapide et la moins chère, alors que la guerre en Ukraine a bouleversé l'équilibre énergétique mondial.

La centrale de Three Mile Island, à Etters, aux États-Unis, le 21 septembre 2024. ( GETTY IMAGES NORTH AMERICA / MATTHEW HATCHER )
Face aux besoins croissants en énergie croissants, deux énergéticiens américains ont pour projet de redémarrer des centrales nucléaires hors service depuis plusieurs années. Une opération inédite, au coût et aux risques a priori limités.
Constellation Energy a dévoilé vendredi son projet de redémarrage, en 2028, d'un réacteur du site de Three Mile Island (Pennsylvanie), à l'arrêt depuis 2019 "pour raisons économiques". Le site est connu pour avoir été le théâtre, en 1979, de l'incident le plus grave de l'histoire du nucléaire américain sur un autre réacteur, qui avait provoqué son arrêt définitif à l'époque. L'initiative s'inscrit dans le cadre d' un contrat de fourniture d'électricité passé avec Microsoft pour une durée de 20 ans .
En octobre 2023, Holtec avait initié le mouvement en déposant un dossier auprès de la Commission américaine de régulation du nucléaire (NRC) pour reprendre l'exploitation du site de Palisades, dans le Michigan, interrompue en 2022. Selon plusieurs spécialistes, la remise en service de cette centrale serait une première mondiale.
"Tout le monde scrute ce que nous faisons de ce projet pour voir s'il est viable", explique Patrick O'Brien, porte-parole d'Holtec. "C'est important pour les États-Unis et, si on montre que c'est faisable, la communauté internationale pourrait envisager de s'y mettre. "
Contactée par l' AFP , la NRC a indiqué qu'une seule demande de redémarrage lui avait été soumise à ce jour, celle d'Holtec, qui vise fin 2025.
"Beaucoup de choses à réutiliser"
Le démantèlement d'une centrale s'inscrit sur plusieurs décennies et, dans le cas de Palisades, il n'en était qu'à ses balbutiements. À Three Mile Island, le combustible a été extrait du réacteur, mais "le démontage ou la démolition des équipements principaux n'a pas démarré", a précisé une porte-parole de Constellation.
"Il y a beaucoup de choses à réutiliser sur un site, même si vous deviez reconstruire la centrale", décrit Jacopo Buongiorno, professeur de science et ingénierie nucléaires à la Massachusetts Institute of Technology (MIT). Holtec estime le coût de l'opération à environ deux milliards de dollars , selon son porte-parole, tandis que Constellation évalue la facture pour Three Mile Island à 1,6 milliard. Par comparaison, la construction des deux plus récents réacteurs aux États-Unis, raccordés au réseau en 2023 et 2024 sur le site de Vogtle, en Géorgie, a coûté plus de 30 milliards.
L'invasion russe en Ukraine a bouleversé l'équilibre énergétique mondial et donné un coup de fouet au nucléaire, qui perdait de l'élan. Et les politiques de transition énergétique intègrent maintenant plus fréquemment et plus largement la fission, en particulier pour faire face à l'augmentation prévue de 15% de la consommation entre 2022 et 2050 , selon l'Agence américaine d'information sur l'énergie (EIA).
Quelque 56% des Américains sont favorables au développement de l'énergie nucléaire aux États-Unis, contre 43% il y a quatre ans, selon une enquête de l'institut Pew Research Center publiée en août.
L'avenir semblait réservé aux petits réacteurs de nouvelle génération, les SMR (small modular reactors), aux délais de construction resserrés et offrant la possibilité de production en série. Mais la conception et la construction initiales de ces centrales de poche sont onéreuses car il s'agit de prototypes. Le premier Natrium de la start-up TerraPower, actuellement positionné pour être le premier SMR opérationnel aux États-Unis, en 2030, devrait coûter environ 4 milliards de dollars.
Plus rapide et moins cher
Le redémarrage d'une centrale existante apparaît donc comme la voie la plus rapide et la moins chère. "Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de centrales à l'arrêt qui puissent être remises en route" , avertit Jacopo Buongiorno.
Sollicité par l' AFP , le groupe NextEra Energy Resources a indiqué qu'il "étudiait l'opportunité" de relancer la centrale Duane Arnold (Iowa), fermée en 2020, mais qu'il n'avait pas formalisé "de plans à ce stade".
Quant au site d'Indian Point, au nord de New York, arrêté en 2021, "rien n'est impossible avec du temps et des ressources, mais ce serait beaucoup plus compliqué que Palisades ou Three Mile Island", selon Patrick O'Brien. Réactiver une installation existante pose la question de la sûreté , pour des centrales qui, au départ, avaient une durée de vie de 40 ans. "La plupart ont déjà vu leur permis d'exploitation prolongé de 20 ans, donc ce n'est pas nouveau", rappelle Jacopo Buongiorno.
"Les gens se disent : ça ne doit pas être sûr, ça doit tomber en ruines. Ce n'est pas vrai", dit-il, "parce qu'à part l'enceinte de confinement en béton et la cuve, tout a déjà été remplacé. Les centrales nucléaires sont parmi les sites industriels les mieux entretenus aux Etats-Unis" .
Le réacteur de Palisades a été mis en service en 1971 et celui de Three Mile Island en 1974.
Derrière les opérateurs privés, la puissance publique est à la manœuvre, comme en témoigne le prêt de 1,5 milliard de dollars consenti à Holtec pour Palisades. "Le gouvernement Biden/Harris est déterminé" , selon un porte-parole du ministère de l'Energie, "à faire en sorte que l'énergie nucléaire joue un rôle croissant dans la transition historique de notre Nation vers un avenir tourné vers une énergie propre et sûre".
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