
Hatice Levent tient une photo de sa fille Fadime qui aurait rejoint le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) interdit
Quelques heures après l'annonce de la décision du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) de se dissoudre et de mettre fin à sa lutte armée contre l'Etat turc, des familles se sont rassemblées lundi dans la ville de Diyarbakir, dans le sud-est du pays, la plupart les larmes aux yeux et des photos à la main.
Certaines ont évoqué les chances de paix, mais beaucoup avaient à l'esprit des préoccupations personnelles plus pressantes : des enfants et d'autres proches partis rejoindre les rangs de la lutte armée au fil des décennies et dont ils espèrent désormais le retour à la maison.
"Je n'ai pas vu mon fils depuis dix ans", a déclaré Sevgi Cagmar, dont le garçon avait 19 ans lorsqu'il a rejoint le PKK. "Je suis restée éveillée pendant des nuits entières en attendant cette nouvelle. S'il revient, le monde m'appartiendra."
Sevgi Cagmar était aux côtés de dizaines d'autres personnes qui attendaient des nouvelles de leurs proches devant un bureau géré par le parti pro-kurde DEM, dans la plus grande ville du sud-est de la Turquie, à majorité kurde.
Tous gardaient l'espoir de retrouver leurs parents et amis, car ceux dont des proches ont rejoint le PKK sont généralement informés lorsque ceux-ci sont décédés.
Parmi les personnes présentes devant le bureau du DEM, Hatice Levent tenait une photo de sa fille Fadime, qui selon elle a rejoint le PKK il y a 11 ans alors qu'elle était étudiante à l'université.
"Ils ont volé ses rêves, notre avenir. Je veux juste la serrer à nouveau dans mes bras. Je l'attends à bras ouverts", a-t-elle déclaré, accusant le DEM d'avoir participé à l'organisation du départ de sa fille et remerciant le président turc Recep Tayyip Erdogan pour ce qu'elle espère être un dernier effort pour instaurer la paix.
De nombreuses informations font état de militants du PKK ayant perdu tout contact avec leurs familles depuis des années. Après s'être principalement concentré dans les zones rurales du sud-est de la Turquie, le conflit s'est déplacé ces dernières années vers le nord de l'Irak, où le PKK dispose de bases dans les montagnes.
"TOUS SONT NOS ENFANTS"
La Turquie contrôle pour sa part des dizaines de postes avancés sur le territoire irakien et surveille sa frontière avec le pays pour empêcher des combattants du PKK de faire leur retour.
"Cette guerre doit cesser. Les soldats, les policiers, ceux qui sont dans les montagnes, tous sont nos enfants", a déclaré Sultan Guger, dont le fils a rejoint le PKK il y a dix ans. "Des frères ont tué leurs frères. Nous ne voulons plus souffrir."
Dans d'autres villes de la région, les habitants ont accueilli la nouvelle de la fin du PKK avec un espoir prudent, se félicitant des espoirs de paix mais craignant pour l'avenir après plus de 40 ans de conflit.
"Le PKK était une organisation qui a mis les questions kurdes sur le devant de la scène", a déclaré Ihsan Ergiz, habitant de la ville de Batman, dans le sud-est du pays.
"Si les droits démocratiques sont enfin accordés, le démantèlement est naturel. Ce sera mieux pour notre pays", a-t-il ajouté.
Selon un autre habitant, qui n'a pas souhaité donner son nom, "déposer les armes est une bonne chose, mais nous ne savons pas ce qui va se passer ensuite".
"Les prisonniers seront-ils libérés ? Nous n'avons pas de vue d'ensemble de la situation."
Le chef emprisonné du PKK, Abdullah Öcalan, avait invité l'organisation à déposer les armes fin février. Le PKK a ensuite déclaré un cessez-le-feu, en mars, laissant entrevoir la fin de son insurrection armée, qui a fait plus de 40.000 morts.
Le PKK, considéré comme une organisation terroriste par la Turquie et ses alliés occidentaux, a engagé son combat en 1984, cherchant à créer une patrie pour les Kurdes.
Il s'est ensuite éloigné de ses objectifs séparatistes et a tenté d'obtenir davantage d'autonomie et de droits pour les Kurdes dans le sud-est de la Turquie.
(Reportage de Sertac Kayar, rédigé par Ece Toksabay, version française Benjamin Mallet, édité par Kate Entringer)
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