Les près de 5,4 millions de salariés des "très petites entreprises" (TPE) ou employés chez des particuliers ont de nouveau boudé les élections destinées à choisir indirectement leurs représentants syndicaux, un scrutin qui a placé vendredi la CGT à la première place.

( AFP / SAMEER AL-DOUMY )
Seuls 218.926 sur près de 5,4 millions de salariés ont participé à ce scrutin, qui s'est tenu du 25 novembre au 9 décembre, soit une participation de 4,07% (contre 5,44% en 2021), selon la Direction générale du travail (DGT) rattachée au ministère du Travail.
Ainsi, la CGT arrive première (27,64% des suffrages exprimés), devant la CFDT (14,86%), l'Unsa (14,38%) et FO (11,69%), a indiqué le ministère, qui a du reporter l'annonce des résultats de jeudi à vendredi après plusieurs erreurs informatiques empêchant le décompte des votes par correspondance.
Une surprise: le syndicat des Gilets jaunes, autorisé in extremis par la Cour de cassation à se présenter, a décroché 6.846 voix (3,26%), "un résultat exemplaire, sans campagne électorale, sans financement public ni subvention !", se réjouissent ses représentants dans un communiqué.
Pour Sophie Binet, "c’est une très belle victoire parce que la CGT progresse encore chez les salariés des TPE. Ça démontre la confiance qu’(ils) ont dans la CGT pour défendre leurs droits", se félicite-t-elle dans une déclaration transmise à l'AFP.
Néanmoins, la syndicaliste estime que "les leçons sur le taux de participation doivent être tirées" et réclame "des modifications profondes dans l'organisation du scrutin".
Les spots radios, podcasts, la publicité sur les réseaux sociaux ou la campagne d'affichage, lancés par le ministère du Travail à quelque jours du lancement du vote, n'auront pas suffi à convaincre les salariés.
Même l'organisation patronale U2P, qui représente "les employeurs de l’artisanat, du commerce de proximité et des professions libérales", s'était impliquée. En vain.
"Je ne sais pas ce qu’on peut faire de plus, on a fait de la communication, on a incité les gens. Après on ne peut mettre un revolver derrière la tête d’un salarié pour lui dire +vas-y vote+", relève auprès de l'AFP le président de l'U2P, Michel Picon.
- "J'avoue, j'ai oublié" -
"La plupart des salariés des TPE ne voient pas très bien en quoi ils sont concernés par ces élections et pour l'immense majorité d'entre eux, ils n'ont affaire aux syndicats que quand éventuellement ils vont aux prud'hommes", estime Thomas Coutrot, chercheur associé à l'Ires (Institut de recherches économiques et sociales).
Interrogée par l'AFP en amont du scrutin, Inès (prénom d'emprunt), 26 ans et salariée dans une boîte de production de moins de 11 salariés, n'a pas voté et confesse "avoir eu d'autres choses plus urgentes et importantes à gérer. J'avoue, j'ai oublié".
"J'ai parlé du scrutin avec mes amis et les réactions étaient les mêmes: +C'est triste qu'on ne s'y intéresse pas+ mais personne dans mon entourage n'y a participé", confie la jeune femme, pourtant politisée.
"On n'a pas réussi à faire connaître ce scrutin, à expliquer ses enjeux et pourquoi ces élections ont du sens pour les salariés des TPE", regrette Luc Mathieu (CFDT).
Pour Karen Gournay (FO), "toutes les organisations syndicales ont souffert d'un contexte économique et social morose et d'un désintérêt plus global des électeurs pour le processus démocratique".
"Les salariés ne comprennent pas à quoi ça sert", déplore Julie Ferrua, co-déléguée de Solidaires. "Peut-être faut-il des délégués syndicaux de proximité ? Créer des permanences syndicales dans les préfectures ?"
Le Secrétaire général de l'Unsa, Laurent Escure, suggère, lui, qu'il y ait "des élections CSE dans les entreprises" et pourquoi pas "une sorte de scrutin général (dans les secteurs public et privé) qui déterminerait la représentativité dans chaque secteur".
Reste que l'enjeu est essentiel pour les organisations syndicales: les résultats permettent de définir la répartition des sièges dans les Commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) - chargées du dialogue social en local - et aux prud'hommes.
Mais surtout, ils permettront d'établir, dès avril, la représentativité de chaque organisation syndicale pendant quatre ans dans les branches, au niveau national.
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