
Une musulmane bosniaque prie parmi les tombes du cimetière commémoratif de Potocari, près de Srebrenica, en Bosnie orientale, le 11 juillet 2025 lors du 30e anniversaire du génocide commis par les forces serbes de Bosnie ( AFP / Andrej ISAKOVIC )
Des milliers de personnes endeuillées ont commémoré vendredi à Srebrenica le génocide commis il y a trente ans par les forces serbes de Bosnie, l'un des pires massacres perpétrés sur le sol européen depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Les restes de sept victimes ont été inhumés pendant les commémorations de cet épisode le plus sanglant du conflit intercommunautaire bosnien des années 1990.
Ils comprenaient ceux de Sejdalija Alic, qui faisait partie des plus de 8.000 musulmans tués par les combattants serbes de Bosnie qui venaient de s'emparer de cette ville de l'est du pays, le 11 juillet 1995.
- "Pas de mots pour le décrire" -
Sa petite-fille, Anela Anic, dont le père a aussi péri dans ce massacre et a été enterré plus tôt, assiste aux funérailles: "Je n'ai jamais vu mon père (...) et, aujourd'hui, mon grand-père est enterré, juste quelques ossements, à côté de son fils", dit-elle.

Des musulmanes bosniaques prient parmi les tombes du cimetière commémoratif de Potocari, près de Srebrenica, en Bosnie orientale, le 10 juillet 2025, à la veille du 30e anniversaire du génocide commis par les forces serbes de Bosnie ( AFP / ELVIS BARUKCIC )
"C'est une profonde tristesse (...). Je n'ai pas de mots pour le décrire", ajoute cette femme de 32 ans en pleurs. Elle est née au début de l'année 1994 après l'évacuation de sa mère enceinte hors de Srebrenica par un convoi de la Croix-Rouge.
Les corps des personnes tuées dans cette ville, à l'époque une enclave protégée par les Nations unies, avaient été jetés dans des fosses communes.
A ce jour, 7.000 d'entre elles ont été identifiées et enterrées tandis que quelque 1.000 autres sont toujours recherchées.
Essayant de dissimuler la gravité des crimes, les forces serbes bosniennes avaient organisé des opérations de déplacements de cadavres, souvent déchiquetés par les machines lourdes et transportés vers plusieurs fosses communes dites "secondaires", selon les experts.
- "Une pierre tombale à caresser" -
"Depuis trente ans, nous portons la douleur dans nos âmes. Nos enfants ont été tués innocents dans la zone protégée de l'ONU. L'Europe et le monde ont observé, muets, la tuerie de nos enfants", explique Munira Subasic, la présidente de l'association des mères de Srebrenica, dont le mari Hilmo et le fils Nermin, 17 ans, ont alors péri.
Un homme et une femme respectivement âgés de 19 ans et de 67 ans au moment du massacre font aussi partie des sept victimes enterrées sous des pierres tombales blanches après une prière commune au cours des commémorations au Centre mémorial Srebrenica-Potocari.

Mevlida Omerovic lors d'une interview avec l'AFP à Srebrenica, en Bosnie, le 7 juillet 2025, devant une image composite numérique de son mari Hasib, tué en 1995 ( AFP / ELVIS BARUKCIC )
Leurs familles ont patienté pendant plusieurs années avant de les inhumer, espérant que d'autres restes seraient retrouvés.
Mais Mevlida Omerovic a décidé de ne plus attendre et a donné son accord pour l'enterrement des restes de son mari, Hasib, tué à 33 ans sur l'un des cinq lieux d'exécutions de masse au moment de ce massacre, le seul épisode du conflit bosnien (1992-1995) qualifié de génocide par la justice internationale.
"Trente années sont passées et je n'ai plus rien à attendre", raconte Mme Omerovic, 55 ans, qui souhaite pouvoir se recueillir sur la tombe de son mari, même si, dans le cercueil, il n'y aura que sa mâchoire.

Des experts internationaux exhument les corps de victimes présumées du massacre de Srebrenica, le 24 juillet 1996 dans le village de Pilica, à 300 km au nord-est de Sarajevo ( AFP / Odd ANDERSEN )
En se rendant sur leurs sépultures, les proches des victimes essaient de trouver du réconfort.
"Je n'ai que cette pierre tombale à caresser, pour prier", déplore Sefika Mustafic, debout à côté des tombes de ses fils Enis et Salim, tous les deux adolescents quand ils ont perdu la vie. "J'aimerais rêver d'eux mais je n'y arrive pas," ajoute-t-elle.
- Une "profonde cicatrice" -
L'ancien combattant canadien Daniel Chénard, déployé sur place avec les forces de maintien de la paix de l'ONU d'octobre 1993 à mars 1994, a assisté aux commémorations. Depuis des décennies, il est hanté par un sentiment de culpabilité.

Des musulmans bosniaques portent des cercueils contenant les restes de victimes avant une cérémonie d'enterrement au cimetière commémoratif de Potocari, près de Srebrenica, dans l'est de la Bosnie, le 10 juillet 2025, à la veille du 30e anniversaire du génocide commis par les forces serbes de Bosnie ( AFP / Elvis BARUKCIC )
"Je me suis pardonné (...). J'ai trouvé la paix. J'ai toujours voulu leur dire (aux familles) je suis désolé (...), je suis désolé de vous avoir abandonnés", dit-il.
Avec les troupes de l'ONU, "on a fait ce qu'on pouvait (...) mais en vrai la tragédie est arrivée", confie cet homme de 58 ans, en pleurs.
"Srebrenica reste une profonde cicatrice dans l'histoire européenne", a résumé la commissaire européenne à l'Elargissement Marta Kos, qui a assisté aux cérémonies. "Il est de notre devoir de nous en souvenir", a-t-elle ajouté.
Les anciens chefs politiques et militaires des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, ont été condamnés à la perpétuité par la justice internationale pour crimes de guerre et génocide.
Mais la gravité de ce crime continue à être relativisée par de nombreux dirigeants politiques serbes, en Bosnie et en Serbie.

Une femme regarde un reportage à la télévision, le 2 juillet 2005 à Belgrade, qui montrerait des paramilitaire serbes exécutant six Bosniaques musulmans de Srebrenica ( AFP / KOCA SULEJMANOVIC )
L'ONU a créé en 2024 une Journée internationale de commémoration du génocide de Srebrenica, le 11 juillet, malgré les protestations de Belgrade et des Serbes de Bosnie.
Le président de la Serbie Aleksandar Vucic a présenté vendredi ses condoléances aux familles des personnes tuées à Srebrenica au nom des citoyens de son pays, qualifiant le massacre de "crime terrible".
"Nous ne pouvons pas modifier le passé mais nous devons changer l'avenir", a-t-il posté sur X.
Dans la soirée, plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées à l'appel d'organisations non gouvernementales dans le centre de Belgrade pour allumer des bougies à la mémoire des victimes de la tuerie de Srebrenica.
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