La musicienne franco-camerounaise Ann Shirley se produit lors d'une cérémonie marquant une décennie depuis les attentats du 13 novembre 2015
par Lucien Libert
La France a marqué jeudi le 10e anniversaire des attentats du 13 novembre 2015, au cours desquels des commandos de l'organisation Etat islamique armés de kalachnikovs et de ceintures d'explosifs avaient attaqué des restaurants, des terrasses de café et la salle de concert du Bataclan à Paris, faisant 130 morts au cours d'une soirée de violence.
Dans un pays toujours profondément meurtri, les commémorations en présence d'Emmanuel Macron ont débuté en fin de matinée par une première cérémonie aux abords du stade de France à Saint-Denis, où cette vague d'attaques coordonnées a commencé lorsque des kamikazes ont fait sauter leurs ceintures d'explosifs à l'extérieur de l'enceinte pendant un match de football entre la France et l'Allemagne.
Elles se sont poursuivies toute la journée sur chacun des sites visés par les djihadistes, des terrasses des cafés des Xe et XIe arrondissements de Paris à la salle de concert du Bataclan, où les noms de chacune des victimes ont été égrenés en présence du chef de l'Etat et de la maire de Paris, Anne Hidalgo.
"C'est important de les citer, pour moi c'est un peu les faire revivre, ils sont là parmi nous", a déclaré à Reuters Sébastien Lascoux, qui a vu un de ses amis tomber sous les balles des assaillants au Bataclan alors qu'ils écoutaient un concert du groupe de rock Eagles of Death Metal.
"Entendre le nom de Chris, Christophe Lellouche, c'est toujours beaucoup d'émotion, d'entendre aussi tous les autres noms, et c'est long ce temps-là...", souffle le podcasteur, aujourd'hui âgé de 46 ans, qui souffre encore de stress post-traumatique, dix ans après.
"On se rend compte encore plus du nombre (de victimes). On le connaît, ce nombre, mais quand ça égrène un par un tous les noms, on se rend compte du nombre de personnes qui sont décédées ce soir-là."
"CEUX QUI ONT PRIS DES BALLES À NOTRE PLACE"
Pour les associations de victimes, le bilan des attentats est de 132 morts après le suicide de deux rescapés au cours des années qui ont suivi.
"Au-delà de ces (commémorations des) 10 ans, les victimes vont continuer à porter leur fardeau et vont avoir besoin qu'on ne les oublie jamais", souligne Marianne Mazas, veuve de Fred Dewilde, qui s'est suicidé en mai 2024.
"Ça marque une page très importante et on le voit bien au monde qu'on est aujourd'hui. On est beaucoup plus nombreux que les autres années", constate-t-elle devant la salle de spectacle où 90 personnes sont tombées sous les balles des djihadistes.
"C'est dire à quel point c'est une date qui nous rappelle à tous, au-delà du cercle premier des impactés, cette nuit terrible pendant laquelle la nation a communié en émotion avec tous ceux qui ont pris des balles à notre place."
Plus tôt dans la journée, Emmanuel Macron avait entamé cette journée mémorielle en déposant une gerbe de fleurs au pied d'une plaque posée en hommage à Manuel Dias, premier mort de ces attentats, au Stade de France.
"Le choc est intact et l'incompréhension règne toujours", a dit la fille de ce chauffeur d'autocar. "Puissions-nous sensibiliser les jeunes générations, leur transmettre les valeurs de notre République, leur rappeler tous ces innocents tombés comme mon papa, parti bien trop tôt, sans raison aucune."
"Puissions-nous vivre dans un pays libre et serein", a-t-elle souhaité.
Perpétrés dix mois après le massacre dans la rédaction de Charlie Hebdo et les attaques à Montrouge et au supermarché Hypercacher de la porte de Vincennes, les attentats du 13-Novembre sont les plus meurtriers qu'ait connus la France contemporaine.
"LA VIE REPREND"
Après l'attaque aux abords du stade de France, plusieurs équipes d'assaillants ont mitraillé des restaurants et des terrasses de café dans le centre de Paris avant l'assaut dans le Bataclan, fauchant des dizaines de personnes sorties dîner, prendre un verre entre amis ou écouter de la musique.
"La singularité du 13-Novembre, c'est que toute personne pouvait potentiellement être une victime", souligne l'historien Denis Peschanski. "Soit parce qu'elle était en âge d'être sur les lieux, soit, comme moi, parce qu'elle était en âge d'avoir des enfants qui auraient pu être sur les lieux."
Pour Catherine Bertrand, rescapée de l'attaque au Bataclan et vice-présidente d'une association de victimes, "ça nous a marqués à jamais". "On est profondément traumatisés, tous, par cette soirée, on pense forcément aux victimes et leurs proches", dit-elle.
Mais "la vie reprend", ajoute-t-elle, en évoquant les lieux attaqués. "On n'est pas sur des cimetières. On est sur des lieux vivants, il y a des concerts au Bataclan (...), les amis se retrouvent en terrasse."
Cette vague d'attentats a entraîné la mise en place de mesures de sécurité d'urgence, dont certaines ont ensuite été inscrites dans la loi même si dix ans plus tard, la menace terroriste en France a évolué.
"Le type d'attaque comme celle qu'on a connue malheureusement il y a 10 ans, le 13 novembre, est moins probable. Une équipe projetée avec des djihadistes venus de Syrie, d'Irak, projetée sur le territoire national pour commettre un attentat est moins probable", a déclaré jeudi le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, sur BFMTV/RMC, en soulignant "l'affaiblissement de l'Etat islamique".
"Maintenant, la menace reste élevée parce qu'elle est toujours très endogène avec des individus présents sur le territoire national, qui se radicalisent très vite et qui fomentent des projets d'actions violentes", a-t-il ajouté, en recensant six attentats déjoués depuis le début de l'année en France.
(Reportage de Lucien Libert, avec la contribution d'Elissa Darwish et Ingrid Melander, rédigé par Bertrand Boucey et Tangi Salaün, édité par Blandine Hénault et Sophie Louet)

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