Paris et Berlin ont notamment convenu de mettre en place un "conseil de défense et de sécurité franco-allemand". Entre programmes industriels et parapluie nucléaire, les dossiers ne manquent pas.

Friedrich Merz et Emmanuel Macron, le 7 mai 2025, à Paris ( POOL / LUDOVIC MARIN )
Le "retour du réflexe franco-allemand" prôné par la présidence française passera aussi par la défense. Après quatre année souvent compliquées avec le social-démocrate Olaf Scholz, Emmanuel Macron a accueilli mercredi 7 mai à Paris le nouveau chancelier Friedrich Merz, dans le but d'envoyer un "signal très fort et immédiat de renouveau dans la relation franco-allemande et pour l'Europe", selon l'Elysée.
A l'heure où l'écosystème européen de la défense est appelé à remonter en puissance face au désengagement américain en Europe plaidé par l'administration Trump et la menace russe, les questions de coopération militaire figurent en bonne place. Le nouveau chancelier allemand a ainsi indiqué vouloir "parler avec la France et la Grande-Bretagne" de la question de la "dissuasion" nucléaire.
Cette discussion est "vue de façon explicite comme complément à ce que nous avons déjà avec nos partenaires américains au sein de l'Otan", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse Emmanuel Macron. "Nous allons donner mandat à nos ministres respectifs d'entamer cette discussion". Il ne s'agit "pas de nous substituer aux garanties de sécurité offertes par les Etats-Unis à l'Europe", a-t-il par ailleurs prévenu.
Devant le spectaculaire rapprochement des Etats-Unis de Donald Trump avec la Russie et le spectre d'un désengagement américain d'Europe, Friedrich Merz avait en février appelé Paris et Londres, les deux puissances nucléaires européennes, à une discussion pour voir si l'Allemagne pouvait "bénéficier du partage nucléaire, au moins de la sécurité nucléaire". Renforcer "le pilier européen de l'Otan" n'affaiblit pas l'Alliance atlantique, au contraire, (c'est) une plus grande prise de responsabilité pour eux-mêmes des Européens, a abondé de son côté Emmanuel Macron. "Il est tout à fait naturel que tous les sujets soient discutés, y compris celui de la dissuasion nucléaire, avec nos histoires, nos spécificités".
Char MGCS, projet SCAF, artillerie de longue portée... Des dossiers épineux en cours
Depuis son origine, la dissuasion française se veut complètement indépendante et repose sur l'appréciation par un seul homme, le président, d'une menace contre les intérêts vitaux du pays. Au cours de leur entretien, le premier après la prise de fonction la veille de Friedrich Merz, les deux hommes ont également évoqué le renforcement de la coopération de défense alors que Paris et Berlin renforcent leurs budgets militaires. "Nous allons donc accélérer nos programmes franco-allemands, développer des capacités nouvelles", notamment avec les futurs chars, avions de combat et "missiles de longue portée", a expliqué le chef de l'Etat français.
Deux programmes industriels majeurs sont menés entre France et Allemagne, avec des incertitudes persistantes. Le programme SCAF (système de combat aérien du futur) a pour ambition de doter les forces françaises allemandes et espagnoles d'un nouvel avion de combat nouvelle génération ("NGF", dont Dassault a été désigné maitre d'oeuvre) assisté de drones d'ici à 2040. Les prochaines étapes de son développement restent pour l'heure incertaines. Auditionné à l'Assemblée nationale le 9 avril dernier, le PDG de Dassault-Aviation a ainsi affiché ses réserves quant au projet, déclarant qu'il n'est "pas facile de lever des doutes quand on en a soi-même".
Le programme MGCS (Main Ground Combat System) a lui pour vocation d'élaborer le "char du futur" franco-allemand. Mi-avril, une société de projet baptisée "MGCS Project Company GmbH" a été créée, réunissant KNDS, Rheinmetall et Thales. Lancé à l'initiative des gouvernements français et allemand, le programme MGCS vise à remplacer à l’horizon 2040 les chars de combat Leopard 2 et Leclerc par un système de combat terrestre multiplateformes d'ici 2040.
Du côté de l'artillerie, Rheinmetall et l'américain Lockheed Martin ont récemment annoncé une collaboration visant à développer un "centre européen d'excellence" pour la production et distribution de différents missiles, au coeur de l'Europe de la défense. Cette annonce impliquant un géant américain du secteur a tranché avec les déclarations politiques appelant à une Europe souveraine en matière de défense. Fin février, Friedrich Merz avait encore affiché comme "priorité absolue" le renforcement de la défense européenne afin que le Vieux continent atteigne "progressivement l'indépendance vis-à-vis des États-Unis". Sur le court-terme, l'Europe fait cependant face à des problématiques en matière d'armement, notamment en matière de capacités de frappes dans la profondeur .
Paris et Berlin ont par ailleurs convenu de mettre en place un "conseil de défense et de sécurité franco-allemand". Celui-ci "se réunira régulièrement pour apporter des réponses opérationnelles à nos défis stratégiques communs", selon Emmanuel Macron. Les deux pays ont enfin décidé de "coordonner" et partager leurs analyses stratégiques, ainsi que de lancer un "programme franco-allemand d'innovation de défense pour permettre les innovations de rupture nécessaires à la guerre de demain".
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