
( AFP / ALAIN JOCARD )
Deux ex-cadres de l'enseigne Bio C'Bon, Thierry Chouraqui et Jean-Bernard Brissaud, respectivement ancien dirigeant et fondateur de cette chaîne de magasins, doivent être jugés à partir de mardi devant le tribunal correctionnel de Paris pour pratiques commerciales frauduleuses.
Les deux hommes sont soupçonnés d'avoir trompé des milliers de petits investisseurs en leur vendant des produits financiers risqués, pour un préjudice estimé à environ 400 millions d'euros.
Les deux hommes avaient aussi été gérants "de droit" et "de fait" d'une société nommée Marne & Finance, liquidée fin 2023, qui a commercialisé pendant près de 10 ans des produits financiers plus risqués qu'il n'y paraissait, selon le parquet de Paris.
Il est reproché aux deux prévenus d'avoir pu induire en erreur au sujet des "caractéristiques" des produits vendus par l'intermédiaire de conseillers financiers ou en gestion de patrimoine.
Ces deux produits, "Immo Capital Builder System (ICBS)" et "Bio C Bon builder" (BCBB), devaient permettre de contribuer au développement de l'activité commerciale de Bio C'Bon, ou à acquérir des locaux commerciaux. La somme investie était assortie d'une promesse de retrouver ses fonds à terme et d'intérêts garantis, mais le risque financier était bien plus important que ne le pensaient beaucoup d'investisseurs.
Le dirigeant d'une entreprise coopérative des Côtes-d'Armor, qui n'a pas souhaité donner son identité, avait expliqué en août 2024 à l'AFP avoir été convaincu par la proposition de son conseiller financier de souscrire à l'un de ces placements, pour optimiser la trésorerie de l'entreprise, à hauteur de 500.000 euros.
"Nous avons touché les intérêts les trois premières années, trois fois 30.000 euros, et puis plus rien", a-t-il déclaré. "On a fini par passer la somme en perte exceptionnelle", obérant d'autant la participation et l'intéressement de la centaine de salariés associés.
Un retraité a témoigné auprès de l'AFP, également sous condition d'anonymat, avoir vendu en 2018 une "propriété dans le Finistère". Le produit de la vente, 200.000 euros, est investi sur le produit ICBS, sur les conseils d'amis. L'essentiel est aujourd'hui volatilisé, regrette-t-il, avec la "honte" d'avoir vu s'envoler "l'argent de notre vie".
Il est également reproché aux deux mis en cause d'avoir omis "sciemment" de signaler aux partenaires et investisseurs la présence dans l'écosystème Marne & Finance et Bio C'Bon de Jean-Bernard Brissaud, généralement connu sous le nom de Thierry Brissaud, faussant possiblement leur perception. L'homme d'affaires a en effet dirigé auparavant l'enseigne Nasa Electronique, disparue après une faillite retentissante dans les années 1980.
- Sommes vertigineuses -
Les sommes collectées sont vertigineuses: dans un tableur saisi fin 2021 par la Répression des fraudes chez Marne & Finance, il est question, selon une source proche, de plus de 7.600 investisseurs en produit ICBS pour un engagement total, intérêts inclus, de près de 330 millions d'euros. Côté BCBB, le montant collecté serait compris entre 100 et 150 millions d'euros.
Les avocats défendant certains particuliers, Philippe Julien et Dimitri Pincent, estiment que 2.800 personnes ont souscrit ce second produit. Certains ont souscrit aux deux produits.
Fin 2018, un avertissement de l'Autorité des marchés financiers (AMF) refroidit l'appétit des investisseurs et de nombreux conseillers. La situation économique de Bio C'Bon se tend en 2019 et 2020, et un vent de panique souffle chez les investisseurs demandant à se faire rembourser, infructueusement dans la majeure partie des cas.
Marne & Finance a été liquidée en décembre 2023 par le tribunal de commerce de Paris.
Quant aux biens immobiliers, d'une valeur estimée par le tribunal de commerce à 437 millions d'euros à fin 2020, ils ont été logés dans une filiale, Boissières Part renommée Pierres Investissement au premier semestre 2022, qui n'avait pris aucun engagement financier à l'égard des investisseurs.
En conséquence, il est impossible pour ces investisseurs de récupérer tout ou partie de leur mise.
Les magasins Bio C'Bon ont été rachetés par le géant de la distribution Carrefour en novembre 2020.
Le procès est prévu jusqu'au 28 mai.
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