Des touristes visitent les catacombes de Paris, le 12 août 2025 ( AFP / Dimitar DILKOFF )
Le plafond suinte à grosses gouttes sur ce qui reste des dépouilles de millions de Parisiens entassés ici depuis deux siècles et demi. Dans quelques jours, le musée des Catacombes de Paris doit fermer pour six mois de travaux de restauration.
"C'est mauvais pour conserver la matière osseuse... et pour mes cheveux", relève en plaisantant Isabelle Knafou, les yeux tournés vers de larges bassines discrètement posées sur un mur d'ossements humains.
L'incroyable typologie du lieu, des galeries creusées à 20 mètres sous terre, oblige parfois à "bricoler" pour conserver cet endroit "fragile", résume l'administratrice du plus célèbre musée-cimetière parisien.
Un tuyau chemine entre les crânes et les fémurs pour déverser l'eau dans un seau, bientôt relayé par des caniveaux. Un "système à l’ancienne", inspiré des techniques médiévales des châteaux forts, où des drains intégrés aux murs permettaient d'évacuer l'eau de pluie.
Dans ce réseau de galeries creusées dès le XIIe siècle pour en extraire du calcaire pour le bâtiment devenu ossuaire municipal, ont été entreposés les restes de plusieurs millions de personnes mortes dans la capitale entre le Xe et le XVIIIe siècles, en provenance de différents cimetières parisiens.
Dans ces galeries, l'humidité favorise le développement de micro-organismes qui se déposent progressivement sur les ossements. L'atmosphère des Catacombes se transforme aussi sous l'effet des bactéries et du CO2 dégagés par ses 600.000 visiteurs annuels.
Des graffitis dans les catacombes de Paris, le 20 avril 2024 ( AFP / MIGUEL MEDINA )
À partir de lundi, le musée ferme son souterrain au public pendant six mois environ, le temps d'importants travaux de "conservation". La balade "méditative et spirituelle" entre les morts reprendra au printemps 2026.
"Si on ne veut pas devenir une grotte de Lascaux (fermée au public, NDLR), on doit prendre des mesures drastiques", explique Mme Knafou.
Au-delà de la refonte des installations techniques -électricité, système d’aération, etc.- , une "scénographie renouvelée" sera proposée aux visiteurs, se réjouit Hélène Furminieux, chargée de communication et des publics. Sans pour autant trahir l'esprit "authentique" et même "un peu brut" du lieu, ajoute Isabelle Knafou.
Les matériaux nécessaires aux travaux seront acheminés par les mêmes puits qui ont servi à remonter les pierres au Moyen Âge ainsi qu'à descendre les ossements aux XVIIIe et XIXe siècles.
Au total, le coût des travaux est estimé à 5,5 millions d'euros.
Les tags griffonnés un peu partout vont être ôtés. Beaucoup "écrivait sur les murs au XIXe siècle", explique l’administratrice, en longeant les gaines électriques toutes crayonnées d'un étroit couloir. "Ça fait presque partie de la culture, même si on lutte contre ça."
Un registre, l'ancêtre du livre d'or, avait pourtant été mis en place dès le premier jour de l'ouverture des Catacombes en 1809, "pour que les gens puissent y écrire dedans plutôt que sur les murs", ajoute Hélène Furminieux.
- Eviter les vols -
Sur près de 800 mètres, les visiteurs cheminent à quelques centimètres seulement des ossements, sans qu'aucune barrière ne les sépare de leurs lointains ancêtres, des restes humains datant du Moyen Âge jusqu'à la Révolution française.
Les hagues, nom donné aux plus de 200 murs d'ossements humains sur le site, sont formées de fémurs et tibias empilés les uns sur les autres. Les crânes, eux, servent uniquement à l'aspect décoratif, trop fragiles pour soutenir la structure.
Des ossement entreposés dans les catacombes de Paris, le 12 décembre 2023 ( AFP / JULIEN DE ROSA )
Seuls quelques panneaux précisent qu'il est interdit de les toucher. Mais la tentation de s'emparer d'un cubitus ou d'écrire sur un crâne est parfois trop forte pour une poignée de visiteurs. "Pour éviter les vols", les os sont cimentés, "car le grand sport national était de repartir avec un cadeau souvenir", détaille Mme Knafou.
"Des visiteurs, Américains notamment, viennent un peu pour se faire peur, sans avoir conscience que ce sont de vrais ossements", raconte-t-elle. "Ce sont nos aïeux, on explique que personne n'aimerait qu'on aille tripoter ou jouer avec le crâne de sa grand-mère."
Sans comprendre les citations philosophiques gravées en français le long du circuit, Ricardo et Cintia Morales ont parfaitement saisi la solennité du lieu. "Nous organisons une messe ou une fête (pour le jour des morts, NDLR)" pour nos ancêtres, explique le couple d'Américains d'origine mexicaine pour qui "préserver" leur mémoire est une longue tradition.

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