Dans le collimateur de la Commission européenne en raison de ses déficits, la France risque de se faire sanctionner financièrement si elle ne rentre pas dans les clous. Mais son poids politique pourrait lui permettre d'y échapper.
( AFP / BERTRAND GUAY )
Pourquoi la France est-elle en procédure?
Avec un déficit public de 5,5% en 2023 et une dette supérieure à 100% du PIB, la France fait partie depuis juillet d'une liste de huit pays européens en procédure pour déficits excessifs, les règles européennes instaurées en 1997 les limitant respectivement à 3% et 60%.
Le gouvernement sortant s'est engagé à revenir sous le seuil de 3% de déficit en 2027, un objectif jugé peu crédible et obsolète par la plupart des experts.
Cette procédure n'est pas nouvelle pour Paris habituée à être pointée du doigt par Bruxelles: elle a figuré sur la liste des pays poursuivis seize années entre 1999 et 2024, soit davantage que tous les autres membres de l'UE.
Quelles sont les règles ?
Elles ont été modifiées cette année par l'UE car jugées inefficaces et risquant d'installer l'austérité. Désormais, un Etat doit s'engager à revenir dans les clous budgétaires mais avec un peu plus de flexibilité qu'auparavant, notamment sur les dépenses d'investissement, et risque aussi des amendes moins lourdes. L'ajustement peut aussi être allongé à sept ans au lieu de quatre.
Concrètement les Etats membres, y compris ceux qui ne sont visés par aucune procédure, devaient présenter vendredi un plan budgétaire à la Commission européenne, mais Paris, comme la plupart de ses partenaires, n'a pas respecté ce délai. Aucune date n'est encore fixée pour la France, qui tarde à nommer un gouvernement. Le pays doit en tout cas théoriquement remettre le plan budgétaire avant la fin novembre, date de remise d'un avis par Bruxelles.
Les institutions européennes feront ensuite des recommandations à la France qui aura alors six mois pour prendre des mesures correctrices, détaille auprès de l'AFP Andreas Eisl, chercheur à l'institut européen Jacques-Delors, puis deux mois si le premier coup de semonce n'a donné lieu à aucun ajustement.
Dette et déficit publics de la France en % du PIB depuis 1990 ( AFP / Bertille LAGORCE )
Si elle ne fait aucun effort, la France pourrait alors selon les textes et très théoriquement être sanctionnée à l'été prochain: jusqu'à 0,1% de son PIB sur un an, soit 2,8 milliards d'euros, calcule le chercheur.
Sont-elles efficaces ?
Aucun Etat de l'UE n'a été sanctionné depuis l'instauration de ces règles, en partie parce que l'idée d'imposer des sanctions financières lourdes à un pays en difficulté budgétaire est jugée par beaucoup contre-intuitif.
"C'est devenu plus facile et plus incitatif de mettre des amendes financières" depuis la réforme, souligne Andreas Eisl car celles-ci sont moins élevées. En tout état de cause, l'applicabilité des sanctions "reste une question très, très politique" selon le chercheur qui rappelle que les Etats restent souverains sur la question du budget.
Quoi qu'il en soit, les règles européennes gardent une vertu d'après les experts: "l'histoire suggère que les pays ont en général essayé de parvenir à un terrain d'entente avec l'UE, c'est-à-dire de s'ajuster dans la bonne direction sans pour autant aller à la vitesse réclamée par la Commission", analyse auprès de l'AFP Lucio Pench, ancien directeur pour les politiques macroéconomiques de la Commission, aujourd'hui membre du groupe de réflexion européen Bruegel.
La France pourrait donc échapper aux sanctions en proposant des mesures d'économies, même si celles-ci ne vont pas au rythme demandé par les instances européennes.
La France bénéficie-t-elle d'un statut particulier ?
Le record français pour déficits excessifs interroge sur une certaine mansuétude de la Commission européenne, résumée par l'ancien président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, interrogé en 2016 sur la raison des multiples dérogations accordées à Paris: "Parce que c'est la France", avait-il répondu, estimant qu'"on ne peut pas appliquer le Pacte de stabilité d'une façon aveugle".
Membre fondateur et moteur de l'économie européenne avec l'Allemagne, la France jouit d'un pouvoir d'influence propre aux grands pays de l'UE.
"Il y a généralement plus de pression sur les petits pays", souligne Andreas Eisl, selon qui la France, à travers la puissance et l'influence de son ministère des Finances, fait partie des Etats qui peuvent aller jusqu'à contester les évaluations de la Commission.
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