Le président du Conseil d'orientation des retraites estime que supprimer l'abattement d'impôt des retraités aurait un rendement annuel d'environ 4 milliards d'euros.

( AFP / ETIENNE LAURENT )
C'est une idée qui pourrait rapporter, mais dont le prix politique est très élevé. Car, si supprimer les 10% d'abattement d'impôt sur les revenus des retraités rapporterait plusieurs milliards chaque année, les syndicats et plusieurs forces politiques ont déjà annoncé qu'il s'agissait d'une ligne rouge.
Le président du Conseil d'orientation des retraites, Gilbert Cette, avait jugé dès janvier qu'il s'agirait "d'une mesure forte, d'un rendement annuel d'environ 4 milliards d'euros". Une idée défendue aussi au même moment par le président du Medef Patrick Martin, qui, après 13 milliards d'euros de prélèvements sur les entreprises en 2025, selon ses calculs, souhaite que le gouvernement trouve d'autres moyens pour combler un déficit public qu'il entend ramener de 5,8% du PIB l'an dernier à 5,4% cette année, 4,6% en 2026 et moins de 3% en 2029.
"Les entreprises font face à des incertitudes, elles disent qu'elles en ont assez. Effectivement, on doit regarder ailleurs, d'où le débat sur les pensions", acquiesce auprès de l' AFP Charlotte de Montpellier, économiste chez ING, qui trouve "justifié que ce débat arrive enfin".
Car, relève-t-elle, "les retraités français ont un pouvoir d'achat plus élevé que dans les autres pays européens, ce n'est pas soutenable" sur le long terme.
Sylvain Catherine, professeur en finance à la Wharton School (université de Pennsylvanie), estimait la semaine dernière dans Les Échos que "de petits ajustements" sur les "380 milliards d'euros" de pensions versés chaque année aux retraités français pourraient avoir "des effets significatifs" sur les finances publiques.
"Des évolutions extrêmement impopulaires"
"Mais ce sont des évolutions extrêmement impopulaires et les retraités forment une grande part de l'électorat", remarque Charlotte de Montpellier. L'ancien Premier ministre Michel Barnier a ainsi été censuré en décembre, précisément quand son projet de budget de la Sécurité sociale pour 2025 prévoyait de rehausser les pensions moins vite que l'inflation.
Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics, a relancé le sujet samedi : "On ne peut pas indéfiniment mettre à contribution les actifs pour financer les nouvelles dépenses sociales liées au vieillissement", a-t-elle dit au Parisien, ajoutant que "ce n'est pas votre âge qui doit définir votre contribution, mais aussi les moyens dont vous disposez."
Le chef de file des députés LR Laurent Wauquiez a prévenu que son groupe ne voterait "pas de budget qui comporte" une telle mesure, sur franceinfo mercredi.
Fin mars déjà, sept syndicats (CGT, FO, CFTC, FSU, Solidaires, la Fédération générale des retraités de la fonction publique (FGR-FP), Ensemble et Solidaires) avaient dénoncé l'idée de supprimer l'abattement de 10% pour les retraités, estimant que cela "conduirait à majorer fortement le taux d'imposition des personnes retraitées et à rendre imposables" des retraités qui ne l'étaient pas.
"Rabots systématiques"
Le ministre de la Justice Gérald Darmanin a à son tour contesté l'idée jeudi sur franceinfo : "Ce n'est pas en faisant des rabots systématiques y compris sur nos retraités" qu'on va trouver 40 milliards d'euros.
Mais il a plutôt relié ce débat budgétaire à l'actuelle discussion entre partenaires sociaux sur la réforme des retraites. "Il y a un sujet de retraite, pas forcément de retraités", a déclaré Gérald Darmanin. "Il est temps de changer de modèle : je suis pour un système avec une grande partie de capitalisation ", c'est-à-dire où les personnes épargneraient pour leur propre retraite , une idée à laquelle souscrit le patronat.
Dans ce contexte, les retraités conserveront-ils leur abattement ? "Rien n'est arbitré aujourd'hui, tout est ouvert" , a assuré jeudi la porte-parole du gouvernement Sophie Primas, sur CNews / Europe1.
Interrogé par l' AFP à Washington, en marge des réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale, le ministre de l'Économie Éric Lombard, qui jugeait en février "raisonnable" de "rééquilibrer le niveau de vie entre les retraités et les salariés" , a cette fois indiqué jeudi vouloir laisser "le débat se faire entre les partenaires sociaux, les partis politiques".
"Ensuite, le gouvernement prendra ses responsabilités mais le moment n'est pas venu de trancher sur cette question", selon lui.
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