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Décentralisation : Macron veut simplifier le millefeuille territorial, les départements n'y croient pas
information fournie par Boursorama avec Media Services 10/11/2023 à 15:54

"Soit c'est une provocation, soit c'est un énième coup d'épée dans l'eau", estime Stéphane Troussel, président PS du conseil départemental de Seine-Saint-Denis.  ( AFP / JOEL SAGET )

"Soit c'est une provocation, soit c'est un énième coup d'épée dans l'eau", estime Stéphane Troussel, président PS du conseil départemental de Seine-Saint-Denis. ( AFP / JOEL SAGET )

Dans le sillage des "rencontres de Saint-Denis" fin août, le chef de l'État a confié une mission à l'ancien ministre Éric Woerth pour simplifier l'organisation territoriale.

"J'ai souhaité confier une mission relative à la décentralisation à l'ancien ministre et député Éric Woerth afin de formuler des pistes de réformes qui pourraient répondre aux objectifs partagés ensemble (simplifier, clarifier , rendre plus efficace et restaurer la confiance de nos concitoyens", écrit le chef de l'État dans un courrier aux chefs des partis représentés à l'Assemblée, le week-end dernier. Parmi les pistes de réflexion demandées à l'ancien secrétaire d'État à la Réforme de l'État, il estime qu'il faut simplifier l'organisation territoriale, "en vue de réduire le nombre de strates décentralisées aujourd'hui trop nombreuses et de mieux les articuler entre elles". Cette cure d'amincissement du fameux millefeuille territorial pourra, selon lui, "passer par des solutions différenciées selon les territoires", notamment qu'ils soient ruraux ou urbains.

Objectif, que l'action publique "gagne en efficacité" afin que les Français "puissent bénéficier de services publics à la hauteur de leurs besoins". Dans sa lettre de mission, il estime que l'organisation territoriale, "fruit de notre histoire", est devenue "trop complexe", que les Français "ne s'y retrouvent plus". Ce qui pourrait se traduire par la suppression de l'échelon départemental.

Dans son discours vendredi 10 novembre, la Première ministre a tenu d'emblée à les rassurer, en écartant cette possibilité, estimant qu'"aujourd'hui et demain, le département est un échelon indispensable pour l'action publique locale" et concluant par un "Vive les départements!".

Elisabeth Borne a également annoncé une enveloppe de plus de 230 millions d'euros pour les soutenir financièrement, notamment en matière de protection de l'enfance et d'aide à l'autonomie des personnes âgées.

Le sens originel de la décentralisation s'est perdu en route

Les départements, issus de la Révolution française et essentiellement dotés de compétences sociales, sont régulièrement menacés de disparition. En 2010 déjà, une loi prévoyait de remplacer les conseillers généraux et régionaux par des conseillers "territoriaux". Une disposition finalement abandonnée, avant d'être reprise aujourd'hui par Emmanuel Macron, tandis que Manuel Valls avait proposé en 2014 de rayer de la carte les conseils départementaux .

Les départements, réunis en congrès à Strasbourg, se disent perplexes. "Si on veut renforcer la République, c’est en s’appuyant sur le socle des communes et des départements. Quand je vois se rouvrir un débat sur la décentralisation en se posant la question du nombre de strates, je pense qu’on va droit dans le mur", a réagi François Sauvadet (UDI), président de Départements de France (DF), jeudi 9 novembre.

Quarante ans après les grandes lois de décentralisation, les départements estiment que le sens originel de la décentralisation, à savoir plus de pouvoir politique donné aux collectivités, s'est perdu en route. "Alors que nous étions au départ dans une démarche ascendante de responsabilisation des collectivités, nous sommes devenus des agences d'exécution avec une somme de contrôles et un étranglement financier", fustige Jean-Léonce Dupont, président centriste du conseil départemental du Calvados, "très en colère" contre la "technocratie d'État".

Une tendance "nocive"

"Après un nombre délirant de réformes institutionnelles depuis 2010, avec la création des métropoles puis des régions, cantons et intercommunalités XXL, les élus souhaitent aujourd'hui une pause" , relève Arnaud Duranthon, maître de conférences à l'Université de Strasbourg et auteur d'une étude sur la décentralisation. Selon lui, le nouvel appel à supprimer une strate de collectivités se situe dans une approche "très technicienne" et "très instrumentale" du territoire, avec pour objectif principal "d'encourager la croissance économique" face à la globalisation des échanges. Cette tendance, qui renforce le pouvoir des régions et des intercommunalités au détriment des communes et des départements , peut d'après l'expert, s'avérer "nocive" si elle "écrase les autres objectifs de politique publique".

Pour Nelly Ferreira, maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise, les dernières réformes territoriales ont fait du département "la variable d'ajustement de la décentralisation en l’affaiblissant par la réduction de ses compétences, par la diminution de ses potentialités fiscales et en organisant sa concurrence par les métropoles et les régions".

Interrogés, les élus ne sont pourtant pas inquiets outre mesure. "Soit c'est une provocation, soit c'est un énième coup d'épée dans l'eau avec cette tarte à la crème du nombre des strates qui réapparaît", juge Stéphane Troussel, président PS du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, qui ne voit d'ailleurs pas quelle majorité politique le président pourrait trouver au parlement. "Quand le président est allé quémander le soutien des maires pour se sortir de la révolte des 'gilets jaunes' ou que les préfets sont allés taper à la porte des départements pour les aider à lutter contre le Covid, on ne parlait pas du niveau des strates" , ironise-t-il. Pour Antoine Duranthon, il manque par ailleurs un "cap" à ce nouvel acte : "On nous a annoncé une réforme de la décentralisation, un chamboulement pouvant aller jusqu'à la suppression d'un échelon, mais aucune idée de la décentralisation idéale n'a été définie en amont".

21 commentaires

  • 10 novembre 18:25

    Idéalement, il faudrait arriver à trois strates : la région, les agglomérations autour des grandes villes et les communes dont le nombre est à diviser par 10. Quand on en sera là, on aura fait un grand pas en avant.


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