( AFP / DENIS CHARLET )
Départ surprise de la figure médiatique de l'enseigne, contexte social tendu et appel à la grève vendredi: le discounter d'origine allemande Lidl traverse un début d'année 2025 houleux en France, à quelques semaines du Salon de l'agriculture dont il a fait un puissant vecteur de son imposante communication.
"Selon nous, vous ne devez pas compenser la baisse de la marge issue de la guerre des prix par la réduction de la masse salariale": le comité social et économique central du distributeur Lidl a franchement critiqué l'enseigne au logo bleu, jaune et rouge, dans un avis datant du 10 décembre 2024.
L'instance représentant les quelque 46.000 salariés de l'enseigne aux 1.600 magasins en France regrettait que ces derniers soient "la seule variable d'ajustement de l'entreprise", et la situation ne s'est pas améliorée depuis, aux yeux de cinq organisations syndicales représentatives, la CFTC, la CGT, la CFDT, FO-FGTA et SNCDD CFE-CGC.
- Départ surprise -
Après une réunion sur les salaires (NAO) qui ne les a pas satisfaites mercredi, elles ont appelé à "une grève illimitée" à partir de vendredi pour une revalorisation des salaires et contre un projet d'ouverture généralisée le dimanche.
Le premier syndicat, Unsa, a lui indiqué privilégier "pour le moment le dialogue" à la grève.
L'enseigne a dit jeudi à l'AFP proposer "des mesures permettant de maintenir le pouvoir d'achat de ses salariés malgré un contexte économique complexe" et assure que "l'ouverture généralisée le dimanche dans tous ses supermarchés s'accompagne de la majoration à 50% des heures travaillées le dimanche".
Ce mouvement de grève intervient quelques jours après l'annonce surprise du départ début mars du médiatique représentant de l'enseigne, Michel Biero.
Entré chez Lidl en 2001, il a été le directeur exécutif achats et marketing de Lidl France de 2011 à 2024, puis l'éphémère président et vice-président. Il a accompagné un important changement de stratégie de l'enseigne.
A l'époque, l'année 2011 est une année noire pour ce qui est alors un "hard discounter", implanté en France depuis 1989: une quinzaine d'enfants sont victimes d'une grave intoxication alimentaire après avoir mangé des steaks hachés achetés chez Lidl. L'un d'entre eux est décédé en septembre 2019 des séquelles de son intoxication.
Lidl n'a pas été inquiété par la justice - contrairement à son fournisseur - mais a décidé de "sortir de ce modèle" en mettant en vente des produits de meilleure qualité, expliquait en 2021 Michel Biero à l'AFP.
- Salon de l'agriculture -
L'enseigne commercialise en très grande majorité des produits sous marque propre et peut donc en fixer le cahier des charges, à la manière d'un Picard. Les distributeurs généralistes ont aussi des marques distributeurs qui leurs sont propres, généralement plus rentables pour eux que les produits de grande marque.
Les raisons du départ de M. Biero ne sont pas connues.
Mais il intervient alors que Lidl n'a pas énormément capitalisé sur la période de forte inflation alimentaire pour assoir son emprise en France. L'enseigne est passée de 7,5% de part de marché fin 2020 à 8,1% fin 2024, quand le leader E.Leclerc glanait plus de 2,3 points, passant de 22,1 à 24,4%.
Lidl fait certes mieux que son rival discounter Aldi, qui n'a progressé que de 0,4 point dans le même temps (2,9% du marché fin 2024). Mais cela lui coûte beaucoup plus cher en publicités diverses, puisqu'il est le principal annonceur en France, au coude à coude avec Leclerc.
Le nouveau patron, John Paul Scally, se montre pour l'heure plus discret médiatiquement. Sur son compte LinkedIn, il a indiqué mercredi avoir rencontré la ministre de l'Agriculture Annie Genevard en revendiquant son soutien au monde agricole, à quelques semaines du Salon de l'agriculture où l'enseigne fêtera cette année ses 10 ans de présence.
Michel Biero, "hyper sympathique et à l'écoute", "a incarné tout ce qui fait Lidl France aujourd'hui", a estimé auprès de l'AFP Mohammed Sylla, secrétaire général Unsa-Lidl. S'il est actuellement question d'un "retour aux fondamentaux", il attend "un an pour savoir où nous en serons sans lui".
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