Agnès Buzyn a été mise en examen en raison de sa gestion de la pandémie par la Cour de justice de la République. Une décision annulée par la Cour de cassation.

Agnès Buzyn à Paris, le 30 juin 2020. ( AFP / BERTRAND GUAY )
Il ne reste qu'un "immense regret". Dans son "Journal" (Flammarion), l'ancienne ministre de la Santé décrit son expérience au sein du premier gouvernement d'Emmanuel Macron depuis 2017 jusqu'à sa démission en février 2020 pour mener la campagne catastrophe de la majorité pour les municipales à Paris. Une "histoire folle" dans laquelle elle n'aura pas réussi à convaincre le président de la gravité de la situation, jusqu'au "traumatisme" d'être désignée comme la responsable des erreurs de gestion dans la pandémie.
"Il m'a fallu du temps pour mettre à distance le traumatisme initial et pouvoir faire un vrai travail de réflexion sur ce qui nous est arrivé collectivement", explique l'ancienne présidente de la Haute autorité de Santé, un des symboles de la "société civile" dans le premier gouvernement Macron en 2017.
Ce "Journal" de près de 500 pages couvrant la période de janvier à juin 2020, qui contient nombre de SMS envoyés à Édouard Philippe et au chef de l'État , se veut "une contribution au débat public" pour un vrai "retour d'expérience" sur un sujet brûlant : "Comment une société doit réagir face aux crises. Parce qu'il y en aura d'autres", avertit-elle. Cette "histoire folle", qui a vu la France se claquemurer dans un confinement inédit, Agnès Buzyn l'a vécue "doublement": d'abord, relate-t-elle, en tentant d'alerter sur la gravité de la pandémie, sans "arriver à convaincre".
Ensuite en quittant, dans un "moment de doute extrême", le gouvernement, remplacée par Olivier Véran un mois avant le confinement. La ministre-médecin se mue alors en "bon soldat" d'une campagne municipale parisienne en perdition, le candidat Benjamin Griveaux étant hors course après la diffusion d'une vidéo à caractère sexuel. La "pression" était grande sur les épaules de celle qui avait déjà décliné la campagne des élections européennes de 2019. "On vous fait comprendre que vous avez une chance inouïe. On me dit : 'On t'a donné ta chance, on t'a nommée ministre...'" , explique-t-elle.
"On vous demande de vous comporter comme un politique pur"
"C'est toute l'ambiguïté d'être un ministre de la société civile : on vous choisit pour votre expertise, pour une compétence, et on vous demande de vous comporter comme un politique pur", estime Agnès Buzyn. Jusqu'au "traumatisme" : "être devenue l'ennemie publique N.1 en France" après avoir dénoncé dans la presse la "mascarade" de ces élections et révélé avoir averti, dès janvier 2020, l'exécutif des risques de propagation du Covid, sans être entendue.
Le premier tour des municipales s'est déroulé le 15 mars dans une ambiance surréaliste, teintée d'une forte abstention. Le surlendemain, la France entrait en confinement, et les urnes étaient suspendues jusqu'au mois de juin. À l'arrivée, Agnès Buzyn ne sera pas même élue conseillère de Paris.
La Cour de justice de la République l'a mise en examen en raison de sa gestion de la pandémie. Puis la Cour de cassation a annulé cette décision en janvier 2023. L'ex-ministre est placée sous le statut de témoin assisté dans une enquête pour "abstention volontaire de combattre un sinistre". La CJR mène également une instruction concernant Olivier Véran et Édouard Philippe.
Dans ce livre, Agnès Buzyn raconte comment, dès le 25 décembre 2019, depuis la Corse où elle passe ses vacances, elle commence à s'intéresser à un mystérieux virus qui vient d'apparaître en Chine. Tout au long du mois de janvier 2020, alors que son agenda explose -loi bioéthique, réforme des retraites déjà très contestée, grève des praticiens hospitaliers-, la ministre s'inquiète de ce virus puis commence à sonner l'alarme et à préparer son ministère. Jusqu'à décrire le "tsunami" qui attend le pays lors d'une conversation téléphonique avec Emmanuel Macron, depuis l'escalier d'un cinéma.
Elle insiste sur l'absence de conseillère santé auprès du chef de l'État au début de la crise, égratigne le Conseil scientifique instauré par l'Élysée et présidé par Jean-François Delfraissy. Une "erreur organisationnelle" car l'instance "mêlait acceptabilité sociale et faits scientifiques", "comme si le Giec intégrait l'acceptabilité sociétale de la lutte contre le réchauffement climatique".
Agnès Buzyn décrit également "l'absence de soutien" de la majorité face aux attaques qu'elle a subies.
L'avenir ? "Je voudrais aller là où je peux être utile. Il me semble que j'ai acquis un certain nombre d'expériences professionnelles et qu'elles peuvent encore être utiles au collectif. Où ? Je ne sais pas", explique l'ancienne ministre, qui a intégré la Cour des comptes en juillet 2022.
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