Le directeur de l'Agence spatiale européenne a évoqué le "changement de paradigme" qui s'impose à l'Europe de l'espace, qui se prépare à une prochaine génération de lanceurs "très différente". Il fait le point sur le programme de constellation de satellites Iris², crucial pour s'affranchir de la domination de Starlink.

Deux autres lancements d'Ariane 6 sont prévus avant la fin de l'année (illustration) ( AFP / JODY AMIET )
L'Europe de l'espace prépare demain. Face à la domination de SpaceX et d'Elon Musk, l'Agence spatiale européenne vise le lancement de fusées réutilisables pour l'après-Ariane 6, a indiqué le directeur de l'ESA Josef Aschbacher. "Nous devons rattraper une situation où nous voyons qu'il y a un acteur dominant, SpaceX, et arriver sur le marché avec un lanceur réutilisable relativement rapidement. Nous sommes sur la bonne voie pour y parvenir", a-t-il souligné.
L'ESA a présélectionné cet été cinq entreprises: les allemandes Isar Aerospace et Rocket Factory Augsburg, la française Maiaspace, la britannique Orbital Express Launch et l'espagnole PLD Space pour son projet European Launcher Challenge (Défi des lanceurs européens). Leur nombre sera réduit à terme à deux, voire à une, a souligné M. Aschbacher.
Ce projet est destiné à ouvrir le marché des lancements institutionnels européens — jusque-là réservé aux grands programmes comme Ariane ou Vega — à de nouveaux acteurs privés qui développent de petits lanceurs réutilisables. "En même temps que nous avons décidé de lancer ou relancer Ariane 6 et Vega‑C, nous avons aussi décidé un changement de paradigme. La prochaine génération de lanceurs sera très différente", a déclaré M. Aschbacher.
Ariane 6, dont le vol inaugural a eu lieu en juillet 2024 et qui en est à deux vols commerciaux, a été conçue comme une évolution d’Ariane 5, visant avant tout la fiabilité pour les missions institutionnelles et commerciales. "Ariane 6 est une excellente fusée. Elle est très précise. Nous avons effectué trois lancements, deux autres sont prévus avant la fin de cette année", a rappelé le directeur de l'ESA.
Le prochain vol doit partir de Kourou, en Guyane française, le 4 novembre à 21H03 GMT: Ariane 6 placera en orbite le satellite Sentinel- 1D pour le programme d'observation de la Terre Copernicus de l'Union européenne. Compte tenu du nombre de lancements prévus pour Ariane 6, la réutilisation a été jugée non rentable à court terme. Ajouter la réutilisabilité aurait encore retardé la mise en service de cette fusée lourde, élément-clé de l'accès souverain de l'Europe à l'espace dont elle a été privée pendant un an. Elle est critiquée pour son coût face aux concurrents réutilisables comme SpaceX avec Falcon 9.
Le chantier Iris², un "bond en avant"
Outre ses lanceurs réutilisables, Elon Musk s'est également imposé dans l'espace via son réseau de télécommunications par satellite Starlink, utilisé désormais dans de nombreux domaines y compris sur le champ de bataille d'Ukraine. Face à cette domination, "nous n'avons pas d'autre choix que de devenir plus indépendants", a insisté Josef Aschbacher.
L'Europe développe ainsi sa propre constellation de satellites, baptisée Iris². "Iris² est très différent de Starlink, qui dispose d'environ 8.000 satellites en orbite aujourd'hui. Iris² en aura beaucoup moins, mais nous n'avons pas besoin d'autant. Nous avons besoin de communications sécurisées. Et en ce sens, nous ferons un bond en avant en termes de technologie. Et c'est là que l'Europe est vraiment forte", a t-il abondé. Le programme européen de constellation satellitaire de connectivité sécurisée a été décidé en mars 2023. Selon le CNES, IRIS² (Infrastructure de résilience, d’interconnectivité et de sécurité par satellite) constituera à l'horizon 2030 le premier réseau de satellites multi-orbitaux en Europe, avec environ 300 satellites.
Le directeur de l'ESA pointe par ailleurs les chantiers passés de l'Europe de l'espace, gages selon lui de sa capacité à combler le retard pris sur les autres grandes puissances. "Avec les programmes d'observation de la Terre Copernicus et de navigation Galileo, nous avons rattrapé un retard de 10 à 15 ans par rapport au système américain GPS, ou à Landsat dans le domaine de l'observation de la Terre. Aujourd'hui, ces deux programmes européens sont les meilleurs au monde", a t-il ainsi fait valoir.
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