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Comment les partis populistes allemands pourraient entraver le Parlement
information fournie par Reuters 17/02/2025 à 16:17

par Thomas Escritt

Les partis populistes allemands semblent en passe de remporter suffisamment de sièges lors des élections législatives anticipées du 23 février pour potentiellement entraver le travail du Parlement, même s'ils ne font pas partie du prochain gouvernement.

QUELLE EST LEUR POPULARITÉ ?

L'Alternative pour l'Allemagne (AfD), parti d'extrême droite, arrive en deuxième position dans les sondages derrière les conservateurs avant les élections fédérales.

Même si des changements de tendances ou des erreurs de sondages voyaient l'AfD faire finalement jeu égal avec le bloc conservateur dirigé par Friedrich Merz le soir des élections, il est très peu probable qu'il accède au pouvoir, tous les autres partis ayant déclaré qu'ils refuseraient de gouverner avec lui.

Mais l'AfD, qui veut arrêter d'armer l'Ukraine et rétablir les relations de l'Allemagne avec la Russie en matière d'énergie, pourrait avoir d'autres moyens d'entraver la prochaine coalition.

Selon la loi électorale allemande, un score de 20% dans les urnes pourrait lui permettre de remporter un quart voire un tiers des sièges au Parlement si plusieurs autres partis s'approchent sans l'atteindre du seuil de 5%, en-deçà duquel ils n'obtiennent aucun siège.

L'Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), parti populiste de gauche qui partage le point de vue de l'AfD sur la Russie et l'Ukraine et s'oppose à l'augmentation des dépenses militaires, pourrait par ailleurs franchir le seuil des 5% et unir ses forces à celles de l'AfD pour bloquer le Parlement.

L'AfD détient déjà une minorité de blocage d'un tiers dans deux parlements régionaux, ce qui lui a donné le pouvoir de perturber et ralentir la formation d'un nouveau gouvernement et laisse les exécutifs régionaux face au casse-tête de la nomination de nouveaux juges et de responsables des questions de sécurité.

QUE POURRAIT FAIRE L'AFD AVEC UN TIERS DES VOIX ?

Un vote des deux tiers des membres du Parlement est nécessaire pour amender la constitution allemande, ce qui signifie qu'un bloc disposant d'un tiers des voix peut empêcher tout changement en la matière.

Ce point est particulièrement important dans le contexte du "frein à l'endettement" en vigueur en Allemagne, une règle constitutionnelle de plafonnement des dépenses qui limite la hausse des emprunts du pays.

Les sociaux-démocrates du chancelier Olaf Scholz, les conservateurs de Friedrich Merz et les Verts se sont dits ouverts à une réforme du frein à la dette afin d'augmenter les dépenses militaires et de soutenir l'Ukraine, étant donnée l'urgence de la menace russe pour la sécurité européenne.

Une alliance de blocage de l'AfD et de la BSW rendrait le financement d'une hausse des dépenses militaires quasiment impossible.

Les économistes affirment qu'une réforme du "frein à l'endettement" pourrait, en ouvrant les vannes des dépenses publiques dans l'une des nations industrielles les plus frugales au monde, constituer un moteur de croissance majeur.

Les échecs répétés pour contourner les contraintes en vigueur ont largement contribué à la chute de la coalition d'Olaf Scholz.

L'AfD pourrait également bloquer la nomination de nouveaux juges à la Cour constitutionnelle, sapant progressivement une institution considérée comme le principal garant de l'ordre démocratique en Allemagne.

Un amendement constitutionnel adopté à la hâte dans les derniers jours de cette législature, précisément par crainte que l'AfD n'obtienne une minorité de blocage, a cependant considérablement limité leur capacité à agir de la sorte.

Les partis traditionnels ont d'autres projets qui nécessiteraient une réforme du frein à l'endettement : le SPD veut par exemple emprunter pour créer un fonds d'investissement afin de revigorer l'économie, tandis que les projets de dépenses des conservateurs pourraient s'avérer ingérables sans nouveaux recours à la dette.

QUE POURRAIENT FAIRE L'AFD OU BSW AVEC UN QUART DES VOIX ?

Il est beaucoup plus probable que l'AfD, éventuellement alliée avec le BSW, remporte un quart des sièges, ce qui lui donnerait le pouvoir de créer une commission d'enquête parlementaire, qui aurait elle-même la possibilité de convoquer des témoins, y compris des fonctionnaires.

Si les partis détiennent un quart des sièges au sein d'une commission parlementaire, ils peuvent également voter pour rendre publiques les procédures confidentielles de la commission, afin par exemple d'influencer l'agenda politique.

L'AfD et la BSW réclament depuis longtemps une enquête sur la gestion par l'État de la pandémie de COVID-19, mais des commissions d'enquête pourraient potentiellement être décidées sur n'importe quel sujet, comme le soutien à l'Ukraine, la politique énergétique ou le soutien à la Russie.

L'AFD ET LA BSW AURAIENT-ELLES INTÉRÊT À AGIR ENSEMBLE ?

La BSW a déclaré qu'elle ne travaillerait pas avec l'AfD, mais les programmes des deux partis se recoupent largement et ils ont chacun intérêt à affaiblir le courant politique dominant.

"L'AfD et la BSW ont très peu d'intérêt à aider le gouvernement", a écrit Jan Techau, analyste chez Eurasia Group, dans une note. "Leur intérêt réside dans le fait de tout faire pour que les partis centristes paraissent incompétents et comme une force épuisée."

(Reportage de Thomas Escritt, version française Benjamin Mallet, édité par Augustin Turpin)

1 commentaire

  • 17 février 18:19

    Ce qui me surprend le plus c'est le silence apparent des américains opposants. Comment peuvent-ils accepter d'être mis au ban des nations. Il faut appeler les choses par leur nom.


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