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"Ce procès est une infamie" : La défiance entre classe politique et justice perdure
information fournie par Boursorama avec Media Services 06/11/2023 à 16:55

Le procès du garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, jugé pour prise illégale d'intérêts, s'est ouvert lundi 6 novembre. Sous la Ve République, les relations sont historiquement compliquées entre les politique et l'autorité judiciaire.

Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, le 5 janvier 2023 à son ministère, à Paris.  ( AFP / LUDOVIC MARIN )

Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, le 5 janvier 2023 à son ministère, à Paris. ( AFP / LUDOVIC MARIN )

En mars 2017, Emmanuel Macron, alors candidat à l’Élysée, reprenait le principe selon lequel un ministre mis en examen devrait quitter son gouvernement. Dans une campagne marquée par l'affaire Fillon , il s'affichait comme le défenseur de la moralisation. Six ans et une réélection plus tard, son garde des sceaux en exercice, Éric Dupond-Moretti, comparaît depuis lundi devant la Cour de justice de la République (CJR). Jugé pour "prise illégale d’intérêts", il est soupçonné d'avoir utilisé sa fonction de ministre pour régler des comptes avec quatre magistrats , avec qui il avait eu des différends quand il était avocat. Un dossier inédit, qui fait de lui le premier ministre de la Justice en exercice à être jugé. Maintenu en fonction, Éric Dupond-Moretti encourt cinq ans de prison, 500.000 euros d'amende, ainsi qu'une peine complémentaire d'inéligibilité et d'interdiction d'exercer une fonction publique. Une situation totalement inédite.

"Je voudrais brièvement vous dire dans quel état d'esprit je me trouve devant vous... Pour moi et pour mes proches, ce procès est une infamie" , a-t-il déclaré lors de sa première prise de parole devant la CJR. "Jusqu'à ces dernières heures, je ne me suis pas défendu", a poursuivi le ministre à la barre, "au fond pour ne pas que mon ministère et mon action soient éclaboussés". "J'entends me défendre dignement, complétement, mais j'entends me défendre fermement". "Monsieur le président, ce procès à mes yeux est d'abord un procès en illégitimité" , a encore estimé l'ex-vedette du barreau.

Hollande et Macron voulaient supprimer la CJR

La CJR avait été créée en 1993, après l'affaire du sang contaminé. Chargée de juger les ministres pour des actes commis dans l'exercice de leurs fonctions, elle est critiquée tant pour sa clémence que pour sa composition. La suppression de cette cour figurait en bonne place dans les projets de réforme du nouveau président Macron. Comme dans ceux de son prédécesseur, François Hollande.

Mais "les circonstances rendent cette réforme caduque aujourd'hui", a reconnu le président lors des états généraux de la Justice en 2021. Entre-temps, la CJR, saisie de nombreuses plaintes, s'est emparée de la gestion de la crise du Covid par le gouvernement d'Édouard Philippe. Réforme de la justice, une nouvelle présidence pour rien ? Emmanuel Macron, qui célébrait, le 4 octobre, le 65e anniversaire de la Constitution de la Ve République, n'en a quasiment pas parlé. Tout juste a-t-il mentionné la "réforme du parquet" pour une plus grande indépendance des procureurs - une autre réforme annoncée de longue date, qu'Éric Dupond-Moretti avait promis de mener à bien lors de son arrivée Place Vendôme, en 2020.

Les cas Bayrou et Ferrand

Pas d'avancées institutionnelles, donc, mais la présidence Macron a débouché sur une augmentation du budget de la Justice , administration historiquement paupérisée en France. Elle est passée de 6,9 milliards d'euros en 2017 à 9,6 milliards en 2023. Et bientôt au-delà des 10 milliards annuels, après vote de la loi de programmation sur la justice, portée par Éric Dupond-Moretti. Pour le reste, le "nouveau monde" n'a pas vraiment modifié les rapports, empreints de grande défiance, entre la classe politique et les magistrats. Et la doctrine sur les ministres mis en cause a sensiblement évolué.

En 2017, deux des principaux soutiens politiques du président, François Bayrou et Richard Ferrand, ont dû quitter leur ministère au bout de quelques semaines, après l'ouverture d'enquêtes judiciaires les concernant.

Les ministres mis en examen ne démissionnent plus

Mais depuis, le ministre délégué aux PME Alain Griset a pu rester en poste jusqu'à sa condamnation à six mois de prison avec sursis, pour "déclaration incomplète ou mensongère" de patrimoine. Il n'est pas non plus question de démission pour le ministre du Travail Olivier Dussopt avant son procès à venir (27-30 novembre), pour un soupçon de favoritisme . Lundi, la Première ministre Élisabeth Borne a de nouveau invoqué "la présomption d'innocence". "L'alternative, c'est de condamner les gens avant le procès, une démission systématique, ce qui ne me paraît pas non plus très bon pour le fonctionnement de nos institutions", fait valoir un ministre. La plupart des politiques ont la dent dure contre la magistrature, et la macronie ne fait pas exception. Un important dirigeant des dernières années brocarde leur "corporatisme invraisemblable". "Pour un magistrat, un élu est présumé pourri", maugrée-t-il.

Une "confusion entretenue de manière irresponsable entre le champ juridictionnel et le champ politique" aux yeux de Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche). "Les juges des tribunaux ne font pas de politique, ils jugent des hommes politiques, qui comme tous les citoyens sont amenés à répondre de délits qui leur sont reprochés". Après adoption de nombreuses loi sur la transparence des élus, "le politique se trouve dans le rôle de l'arroseur-arrosé" , modère une source qui a exercé dans les deux milieux. "À force d'égratigner l'image de la justice, on ne peut pas s'étonner que tout le monde en France ensuite crache dessus", s'inquiète cette source, qui recommande aux grands décideurs politiques un stage de "deux jours dans un parquet, pour voir comment ça se passe".

14 commentaires

  • 07 novembre 08:52

    merci NYORKER !!!


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