par Andrew Osborn
L'Azerbaïdjan et l'Arménie ne sont plus qu'à quelques pas d'une paix définitive qui pourrait constituer un "changement de paradigme" pour le Caucase du Sud, a affirmé samedi un haut diplomate azerbaïdjanais après la signature la veille à Washington d'un accord en vue d'une cessation des hostilités dont les modalités d'application restent à définir.
Sous les yeux de Donald Trump, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian ont paraphé une déclaration prévoyant notamment la création d'un couloir de transit contrôlé par les Etats-Unis à la lisière des deux anciennes républiques soviétiques, dans une région que Moscou considère comme relevant de sa sphère d'influence.
Le ministère russe des Affaires étrangères a salué tout effort visant à promouvoir la stabilité et la prospérité dans la région tout en estimant que "l'implication d'acteurs non régionaux doit renforcer la paix et ne pas créer de divisions", Moscou espérant éviter "la malheureuse expérience" des efforts de médiation occidentaux au Moyen-Orient.
La Russie préconise "des solutions durables développées par les pays eux-mêmes avec le soutien de leurs voisins immédiats : la Russie, l'Iran et la Turquie", a-t-il ajouté.
"L'IRAN BLOQUERA" LE CORRIDOR DE TRANSIT
L'Iran, qui voit d'un mauvais oeil le rapprochement de Bakou avec les Etats-Unis et Israël, redoute en outre un isolement de l'Arménie, pays avec lequel il entretient de bonnes relations.
Ali Velayati, conseiller du guide suprême Ali Khamenei, a même averti qu'"avec ou sans la Russie, l'Iran bloquera" le couloir de transit prévu par la déclaration de Washington.
"Est-ce que le Caucase du Sud est une sorte de no man's land à louer pour Trump ? Le Caucase est une des régions géographiques les plus sensibles au monde et ce corridor ne deviendra pas une possession de Trump, mais plutôt un cimetière pour ses mercenaires", a déclaré le conseiller.
Le ministère iranien des Affaires étrangères a quant à lui prévenu que toute intervention étrangère près de ses frontières pourrait "menacer la sécurité et la stabilité" de la région.
Selon l'accord signé à Washington, l'Arménie a cédé aux Etats-Unis des droits de développement exclusifs sur un couloir de transit stratégique censé relier l'Azerbaïdjan à son exclave du Nakhitchevan en passant par le territoire arménien, le long de la frontière avec l'Iran.
Ce corridor de Zanguezour, une liaison à la fois routière, ferroviaire, énergétique et commerciale, traverserait sur une trentaine de kilomètres la province arménienne de Siounik et permettrait de relier directement l'Azerbaïdjan à son allié turc, ce dont s'est réjoui Ankara en espérant l'ouverture rapide de ce couloir de transit.
Donald Trump a indiqué que Bakou et Erevan s'étaient engagés à cesser les hostilités, à établir des relations diplomatiques et à respecter l'intégrité territoriale de chacun.
"Le chapitre de l'inimitié est clos et nous avançons vers une paix durable", a estimé Elin Souleimanov, ambassadeur d'Azerbaïdjan à Londres. "Le fait que cela ait été signé à Washington renforce l'irréversibilité du processus."
"C'est un changement de paradigme. L'Arménie et l'Azerbaïdjan ne seront plus des adversaires mais des voisins et des partenaires potentiels."
OBSTACLE CONSTITUTIONNEL
Les tensions entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan remontent à la fin des années 1980, lorsque le Haut-Karabakh, une région montagneuse peuplée majoritairement d'Arméniens, a fait sécession avec le soutien d'Erevan. L'Azerbaïdjan a repris le contrôle total du territoire en 2023 avec l'aide de la Turquie, entraînant l'exil de près de 100.000 Arméniens vers l'Arménie.
Elin Souleimanov n'a pas souhaité s'avancer sur la date à laquelle pourrait être conclu un accord de paix définitif.
Il reste un obstacle à lever, a-t-il expliqué, à savoir la référence au territoire du Haut-Karabakh dans la Constitution arménienne.
"L'Azerbaïdjan est prêt à signer à n'importe quel moment dès que l'Arménie aura rempli son engagement à retirer de sa Constitution cette revendication territoriale", a-t-il dit.
Nikol Pachinian a appelé cette année à l'organisation d'un référendum pour amender la Constitution mais aucune date n'a encore été arrêtée.
On s'attend à ce qu'un projet de nouvelle loi fondamentale soit présenté avant les prochaines élections législatives en Arménie, en juin 2026.
L'inauguration du couloir de transit, baptisé "Route Trump pour la paix internationale et la prospérité", dépendra de la coopération entre les Etats-Unis et l'Arménie, qui sont déjà en discussion, a précisé Elin Souleimanov.
Des sociétés privées américaines seraient amenées à assurer la sécurité du corridor mais de nombreuses questions demeurent, selon Joshua Kucera, analyste à l'International Crisis Group et spécialiste de la région.
"Il manque des points essentiels, notamment la manière dont s'effectueront les contrôles douaniers et de sécurité, et la nature réciproque de l'accès de l'Arménie au territoire de l'Azerbaïdjan. Ce pourraient être de sérieux obstacles", dit-il.
(Avec Tuvan Gumrukcu; Jean-Stéphane Brosse pour la version française)
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