La prima ballerina Romina Contreras et le danseur principal Ige Cornelis du Ballet de Monte-Carlo lors de la soirée d'ouverture du ballet « Ma Bayadère », une création du danseur et chorégraphe français Jean-Christophe Maillot, à Monaco, le 26 décembre 2025 ( AFP / Valery HACHE )
Habitué à revisiter les monuments de la danse classique, Jean-Christophe Maillot, directeur des Ballets de Monte-Carlo, propose jusqu'à dimanche une Bayadère personnelle, libérée de son exotisme fantasmé cherchant à éviter un "karaoké chorégraphique où l'on redanse ce qui a déjà été fait 10.000 fois".
Depuis plus de 30 ans à la tête de la compagnie créée en 1985 par la princesse Caroline, le chorégraphe de 65 ans avait déjà apposé sa patte mêlant inventivité, virtuosité classique et vocabulaire contemporain sur Roméo et Juliette (1996), Cendrillon (1999), La Belle (2001), LAC (2011), Casse-Noisette Compagnie (2013) ou encore Coppél-I.A. (2019).
En revanche, La Bayadère, créée en 1877 au Bolchoï de Saint-Petersbourg par Marius Petipa sur une musique de Léon Minkus et reliftée en 1992 à l'Opéra de Paris par Rudolf Noureev, l'a longtemps rebuté.
Le danseur et chorégraphe français Jean-Christophe Maillot (C), du Ballet de Monte-Carlo, lors de la répétition de son spectacle de ballet « Ma Bayadère », à Monaco, le 22 décembre 2025 ( AFP / Valery HACHE )
"Minkus est considéré comme un compositeur un peu pompier", explique Jean-Christophe Maillot à l'AFP. "C'est le Claude François de la musique classique. Une musique qui intellectuellement ne me satisfaisait pas mais dont j'étais obligé de m'avouer que quand je l'écoutais, elle me faisait vibrer".
Comme tous les danseurs de formation académique, il a grandi au son des variations de La Bayadère, souvent reprises par les pianistes des cours de danse. Et c'est justement ces séances quotidiennes à la barre et les dynamiques hiérarchiques au sein d'une compagnie de danse qui ont soufflé au chorégraphe la nouvelle trame du ballet.
La prima ballerina Romina Contreras et le danseur principal Ige Cornelis, lors de la soirée d'ouverture du ballet « Ma Bayadère », une création du danseur et chorégraphe français Jean-Christophe Maillot, à Monaco, le 26 décembre 2025 ( AFP / Valery HACHE )
La version originale raconte, dans une Inde fantasmée, les affres du guerrier Solor, tiraillé entre Gamzatti, la fille du Rajah, et Nikiya, une jeune danseuse chargée d'entretenir le feu sacré. Aux fiançailles de Solor et Gamzetti, Nikiya meurt piquée par un serpent mais grâce à l'opium, Solor la retrouve au royaume des ombres.
Dans Ma Bayadère, Jean-Christophe Maillot présente une troupe de danse répétant le ballet classique, dans le décor épuré d'un studio. La barre a pris la place du feu sacré. Le Rajah est un chorégraphe exigeant, Solo un danseur au firmament avec Gamza, l'étoile magistrale, mais attiré par Niki, la petite nouvelle prometteuse.
- "mes danseurs, des Ferrari" -
Délaissée, cette dernière meurt d'une chute -- réminiscence de l'accident ayant mis un terme prématuré à la carrière de danseur du chorégraphe -- mais toute la troupe retrouve harmonie et joie de la danse le temps d'un rêve.
Des danseurs du Ballet de Monte-Carlo lors de la répétition du ballet « Ma Bayadère », une création du danseur et chorégraphe français Jean-Christophe Maillot, à Monaco le 22 décembre 2025 ( AFP / Valery HACHE )
L'exotisme ne fait qu'une brève apparition quand la troupe répète en costumes à l'opéra dans une mise en abyme saisissante où l'on voit à la fois la scène où les danseurs interprètent les variations de Petipa et les coulisses, où le reste de la troupe patiente en chuchotant.
"C'est vraiment un clin d'œil", explique Jean-Christophe Maillot, mais aussi une manière de montrer le côté suranné de l'ancienne version. "Si on balance aujourd'hui à un gamin de 17 ans La Bayadère originale, et qu'il voit ces filles en tutu, ces mecs avec ces petits collants très moulants qui marchent les pieds en dehors, j'ai du mal à croire qu'il puisse être connecté à ça".
Pour lui, revisiter les classiques est donc une manière de leur redonner vie, mais aussi de proposer à ses danseurs de participer à une réelle création, sans se contenter d'une "espèce de karaoké chorégraphique où l'on redanse ce qui a déjà été fait 10.000 fois".
C'est aussi une nécessité pratique pour les ballets de Monte-Carlo, qui comptent plus de 20 nationalités et des parcours très divers parmi la cinquantaine de danseurs.
Des danseurs du Ballet de Monte-Carlo lors de la répétition du ballet « Ma Bayadère », une création du danseur et chorégraphe français Jean-Christophe Maillot, à Monaco le 22 décembre 2025 ( AFP / Valery HACHE )
Impossible de reproduire le défilé du royaume des ombres, passage mythique du répertoire classique, où 48 danseuses identiques s'avancent en file indienne, arabesque après arabesque. Si les ombres de Jean-Christophe Maillot apparaissent elles aussi dans un mouvement hypnotique, elles sont toutes singulières.
Mais le chorégraphe a gardé la virtuosité technique de la version de Petipa, encore renforcée par Noureev. Sauts, pirouettes et prouesses sur pointes, tout le monde s'en donne à coeur joie. "Le décors de studio de répétition libère le danseur de cette espèce d'énorme angoisse de rater telle ou telle figure, explique-t-il. Et mes danseurs, ce sont des Ferrari."

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