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Amiante : un ancien responsable SNCF sera jugé, plus de 25 ans après les faits
information fournie par Boursorama avec Media Services 01/10/2024 à 14:41

Pour une source proche du dossier, Gilles L. est un "fusible" alors que c'est la responsabilité de la SNCF en tant que personne morale qui aurait dû être retenue, ce que les juges n'ont pas fait.

( AFP / CHARLY TRIBALLEAU )

( AFP / CHARLY TRIBALLEAU )

Il est accusé de n'avoir pas mis en œuvre les recommandations anti-amiante dans le centre de maintenance de la SNCF qu'il dirigeait. Plus de 25 ans après les faits, un ancien cadre du groupe ferroviaire comparaîtra devant le tribunal correctionnel de Paris, soupçonné d'avoir exposé à l'amiante des agents de Charente-Maritime entre 1998 et 2000, ont indiqué mardi 1er septembre des juges d'instructions à l' AFP .

Fin 2001, le syndicat SUD-Rail ainsi que trois cheminots de l'Établissement industriel de maintenance du matériel (EIMM, ancien nom des Technicentres) de Saintes avaient déposé une plainte contre X pour "mise en danger de la vie d'autrui". Dans cet établissement, des employés assuraient notamment la maintenance du matériel ou procédaient à des transformations. Or, tout le matériel construit avant 1991 contenait un isolant, l'isoson, avec de l'amiante à l'intérieur.

Les plaignants estimaient la SNCF défaillante notamment au regard d'un décret de 1996 renforçant la protection des travailleurs exposés à l'amiante, une fibre interdite en 1997. "Jusqu'à la fin de 1999, à Saintes, les cheminots ne bénéficiaient pas de protections individuelles" , masques, tenues spécifiques ou port de gants, d'après les plaignants. En juillet 1998, la SNCF a diffusé une note interne listant les recommandations à suivre pour protéger les employés, qui selon des éléments de l'enquête dont l' AFP a eu connaissance "n'avait jamais été mise en application" à Saintes "et n'avait été communiquée au personnel que 14 mois plus tard" et "après réclamation".

Un ex-directeur de l'EIMM, Gilles L., 79 ans, à la retraite depuis mars 2000 à cause d'une pathologie elle-même liée à l'amiante, a été mis en examen en 2010. L' AFP a appris mardi que deux juges d'instruction du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris ont décidé le 6 septembre de le renvoyer en procès pour mise en danger d'autrui .

Dans leur ordonnance dont l' AFP a eu connaissance, les juges estiment qu'"il ressort des auditions des médecins du travail que plus d'une centaine d'agents de l'EIMM de Saintes ont été exposés à l'amiante et ont eu des suivis post-expositions". Lors de ses interrogatoires, Gilles L. a affirmé avoir rempli ses obligations en la matière et souligné qu'il manquait de moyens financiers pour mettre en œuvre les recommandations anti-amiante. Pour les juges, Gilles L. "avait conscience du risque et du péril à ne pas faire appliquer dès juillet 1998 les recommandations" de la note et aurait "dû être pro-actif" en faisant des "demandes pour pallier le manque" de moyens. Sollicité par l' AFP , Me Pierre Bonneau, avocat de Gilles L., n'a pas souhaité commenter.

Un "fusible" qui protège la SNCF ?

Pour une source proche du dossier, Gilles L. est un "fusible" alors que c'est la responsabilité de la SNCF en tant que personne morale qui aurait dû être retenue, ce que les juges n'ont pas fait. Contacté, le transporteur n'a pas souhaité commenter.

Pour SUD-Rail, "cette instruction n'a pas été longue car elle aurait été particulièrement bien menée" et aurait permis "de déconstruire un système et désigner des responsabilités pénales tant individuelles que de la personne morale". Il s'agit plutôt pour le syndicat d' "un sabotage en règle du dossier pour ne laisser subsister qu'un seul prévenu pour une seule infraction -la plus basse" . Pour SUD-Rail, "le scandale du non-procès de l'amiante, depuis 25 ans, est presque pire et plus révoltant que le scandale de l'amiante lui-même !".

L'Andeva, l'association de victimes de l'amiante s'est "félicitée" via son avocat Me François Lafforgue de ce renvoi en procès dans un dossier lié à la SNCF, "utilisateur massif de l'amiante". Cette autre partie civile dans le dossier espère toujours un "grand procès des industriels de l'amiante" pour "que les responsables de ce drame sociétal, quels qu'ils soient, viennent s'expliquer devant les victimes pour des expositions passées."

Les juges d'instruction, également saisis d'une plainte pour homicide involontaire par les ayants droits d'un ex-salarié de l'EIMM décédé en 2008, ont prononcé sur ce point un non-lieu, suivant en la matière la jurisprudence actuelle selon laquelle faute de pouvoir déterminer la date de contamination exacte, il n'est pas possible de retenir une faute pénale individuelle.

Au moins deux condamnations ont déjà été prononcées en France pour mise en danger d'autrui relative à l'amiante: Alstom Powers Boilers en mars 2008, et le centre hospitalier régional universitaire de Besançon en octobre 2018.

1 commentaire

  • 01 octobre 16:50

    le choix est donc : être pro-actif envers sa hiérarchie ou être condamné 20 ans plus tard. Messieurs les juges, êtes-vous pro-actifs envers votre hiérarchie quand c'est nécessaire ? ou préférez-vous attendre d'être condamnés par de jeunes collègues ?


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