"On commence par dire que les collectivités gèrent mal, puis on leur donne moins de moyens", tacle un autre élu local.
( AFP / SEBASTIEN BOZON )
"On ne peut pas demander aux collectivités de faire plus d'efforts. On est déjà pressés comme des citrons". Le maire Horizons de Sablé-sur-Sarthe, Nicolas Leudière, s'inquiète des perspective d'économies budgétaires qui attendent les collectivités -de 5 à 7 milliards d'euros, du jamais-vu- dans le cadre du budget 2025, et alors que l'État doit redresser les comptes publics.
"Lissage des dépenses", "mécanismes de résilience", selon les mots de Bercy, ou réduction progressive de 100.000 emplois dans la fonction publique territoriale comme le préconise la Cour des comptes : sur l'effort massif de 60 milliards d'euros prévu dans le projet de budget 2025 par le gouvernement, au moins 5 milliards devraient incomber aux communes, départements et régions. "C'est inconcevable, on nous demande de travailler sur les mobilités ou la rénovation énergétique des bâtiments publics avec de moins en moins de moyens", s'énerve Nicolas Leudière en marge du congrès de l'association Villes de France à Sélestat (Bas-Rhin).
Pour ces élus des villes moyennes et zones périurbaines, cette France des "gilets jaunes" où le vote Rassemblement national a été le plus puissant aux dernières législatives , "la ficelle est un peu grosse", juge Jean-François Debat, président par intérim de l'association.
Début septembre, les collectivités ont été accusées par les anciens ministres des Finances et des Comptes publics, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, de faire déraper le déficit public de la France, attendu à 6,1% du PIB cette année, en dépensant trop. "On a d'abord eu ce tacle par derrière les deux pieds décollés . Le but de l'opération était d'orienter les coups vers nous et de nous placer en position d'accusés", poursuit l'élu socialiste de Bourg-en-Bresse. Une polémique "aberrante et indigne", accuse-t-il en comparant l'emprunt net de 5,5 milliards d'euros des collectivités en 2023 au déficit de 155,7 milliards de l'État.
Sorti à point nommé, le rapport de la Cour des comptes publié mercredi préconise lui une potion encore plus amère, entre réduction drastique d'effectifs, limitations de l'évolution des recettes, voire nouvel encadrement des dépenses de fonctionnement. À Douai (Nord), réduire le nombre de fonctionnaires supposerait de se séparer de 60 agents sur 800, selon la règle de trois appliquée par le maire Frédéric Chéreau. Il rappelle que la ville a déjà "un taux d'encadrement de 14 fonctionnaires pour 1.000 habitants, contre 20 en moyenne pour cette strate de collectivités".
"Alors faut-il fermer des crèches ?"
"Les fonctionnaires, ce ne sont pas des gens dans des bureaux qui font des cocottes en papier , mais le gros de mes effectifs ce sont des agents qui nettoient les écoles, qui encadrent les enfants dans les crèches. Alors faut-il fermer des crèches?", interroge l'élu socialiste. Idem pour les jardiniers. "Est-ce que la population accepterait que je laisse en friche la moitié des espaces verts de la ville?", questionne-t-il.
Certains maires sont plus philosophes, pointant des scénarios qui sont "toujours les mêmes".
"On commence par dire que les collectivités gèrent mal, puis on leur donne moins de moyens" , relativise Christine Guillemy, maire centriste de Chaumont (Haute-Marne), pour qui les collectivités sont d'abord "une cible facile, dans la mesure où nos concitoyens ne comprennent pas toujours ce que nous faisons". Raison de plus selon elle pour rappeler les services rendus par les villes moyennes à la population, notamment "l'importance des investissements pour l'économie locale".
"Nous sommes les acteurs du maillage territorial et de l'aménagement du territoire", poursuit l'élue, qui se dit malgré tout "prête à retarder certains investissements" mais "pas à baisser le service à la population" .
Mais pour Jean-François Debat, les mesures de restrictions budgétaires visant les collectivités ne sont "ni acceptées ni comprises".
"Cela conduirait à une remise en cause du service public du quotidien qui contribue à la cohésion sociale et territoriale du pays", tranche-t-il, prenant l'exemple des 200.000 places en crèche souhaitées par Emmanuel Macron d'ici 2030. "On ne peut pas nous reprocher de dépenser l'argent qu'on nous demande de dépenser" , ironise l'élu de l'Ain, appelant le gouvernement à "dire quels sont les services publics qu'il faut affaiblir".
29 commentaires
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer