La bulle boursière naffole pas tout le monde mais elle intrigue Le Monde.
Nous nhésitons pas à laisser la parole à nos lecteurs lorsquils expriment mieux que nous ne saurions le faire les questions que suscitent le comportement des élites (politiques et économiques) et des marchés.
M. Bruno C. nous a adressé ce mail et il ma été proposé dy répondre.
En 2013, la dette globale na jamais été aussi énorme.
On comprend bien que cela ne peut durer indéfiniment. Mais les technocrates européens, avec leur habileté à planquer la poussière sous le tapis, arrivent encore, avec leurs MES, FESF et autres entourloupes, à entretenir lillusion et amuser la galerie.
Dès lors, quel va être lélément déclencheur dune correction majeure, si à chaque alerte, on sort lartillerie monétaire ?
Ce système de Ponzi ne peut-il pas continuer indéfiniment ?
Cest sûr, les agios de la dette mangeront progressivement toute la recette publique, et les moyens qui permettaient de faire tourner les administrations seront petit à petit laminés
mais combien de temps cela prendra-t-il (un an, cinq ans) ?
Quels éléments vont pousser les marchés à corriger
à chaque fois quune petite correction démarre, un flux acheteur se rue sur les prétendues bonnes affaires.
Les gérants sont-ils crédules à ce point ?
Va-t-on encore assister, durant des mois, à cette mascarade ? Faut-il une guerre ou un événement catastrophique majeur de type Fukushima ?
Et de conclure par Jaimerais comprendre.
▪ Il faudrait une croissance digne des Trente Glorieuses pour redresser la barre
Que notre lecteur se rassure, du côté de la finance, chacun comprend très bien ce qui se passe et se réjouit de cette aubaine, de ce marché gouverné par les flux (de fausse monnaie) qui monte irrésistiblement sans cause économique réelle.
Il y a beaucoup de faux naïfs qui prétendent que les marchés se réjouissent par avance de lembellie qui se profile pour 2014/2015.
Personne nen sait rien, mais si cétait vraiment le cas, il faudrait une croissance digne des Trente Glorieuses et les banques centrales seraient contraintes de reprendre la liquidité en excédent. Il faudrait alors sortir du schéma des taux zéro et des QE illimités qui permettent aux institutionnels de contrôler les marchés via des effets de levier qui tendent symétriquement vers linfini.
Sans oublier que des produits obligataires mieux rémunérés feraient chuter fortement la prime de rendement des actions.
Personne ne connaît à lheure actuelle le timing dun retournement.
Quand le marché reflétait de la psychologie, même lors du plus échevelé des rally, on voyait parfois surgir le doute puis de nouveau leuphorie (ouf, fausse alerte, on a eu chaud !)
puis de nouveau le doute (bigre, il y a donc un vrai problème) avant que initiés deviennent structurellement vendeurs et amènent les permabulls à retourner leur veste.
▪ Quand est-ce que les marionnettistes vont arrêter de tirer les cours à la hausse ?
Dans des marchés (qui nen sont plus) où la Fed rachète par exemple 100% des émissions obligataires américaines de 10 à 30 ans (un acheteur unique donc), comment savoir à quel moment ceux qui font la hausse vont arrêter de tirer les cours ?
Daprès les discours que certains stratèges tiennent en off, les sherpas du marché (les institutions financières qui travaillent en étroite collaboration avec la Fed) attendent manifestement que les naïfs et les muppets (daprès la terminologie de Goldman Sachs pour désigner les pigeons) rentrent dans le marché.
Mais cette fois-ci, allez comprendre pourquoi, ils ont un problème : les volumes démontrent que les épargnants, les assureurs et les gérants dOPCVM sabstiennent de payer au plus haut.
Ils ont beau instituer depuis deux mois un marché qui gagne à tous les coups, les pigeons ne se laissent toujours pas séduire par des séries hallucinantes de séances de hausse. Nous assistons tout de même à une onzième hausse sur une série de 13 pour le S&P 500. De surcroît, ces hausses ne débouchent jamais sur la moindre consolidation mais sur toujours plus dexcès.
Le Dow Jones (+0,5%) se retrouvait hier soir à 1,5% de sa meilleure clôture historique du 9 octobre 2007.
A force de sacharner à trop bien faire, ils induisent le soupçon parfaitement justifié que cest trop beau pour être vrai
ou que la roulette du casino est truquée.
▪ Les pigeons ne viennent plus picorer
Alors, quand et comment les manipulateurs de tendance vont-ils pouvoir sortir tout le papier quils ont accumulé depuis six mois (et surtout depuis la mi-novembre) si les escadrilles de pigeons quils pensaient voir revenir début 2013 continuent de voler vers dautres cieux (or, immobilier
ou pire : désendettement) ?
Comme ils nen savent rien, ils optent pour la fuite en avant. Après tout, ils ne risquent pas grand-chose à gonfler un peu plus les bulles dactifs puisque si tout seffondre, cest encore le contribuable qui paiera les pots cassés.
Parmi les raisons de labsence des investisseurs individuels, nous proposons lexplication suivante. Chaque mois, et malgré la création de 160 à 180 000 emplois, les salariés partant en retraite sont plus nombreux que les entrants sur le marché du travail.
Lépargne retraite structurellement vendeuse déséquilibre négativement le solde mensuel des souscriptions/rachats du fameux plan dépargne 401(k) ou des PSP (profit-sharing plan, ou régime dintéressement). Cest la conséquence implacable de la pyramide des âges et du papy boom.
Par ailleurs, les nouveaux entrants nont quune capacité dépargne limitée, surtout sils sont jeunes diplômés, du fait du poids des remboursements lié au financement de leurs études. Il leur faut plus de 10 ans en moyenne à lheure actuelle avant datteindre une pleine capacité dépargne contre cinq il y a 10 ans.
Ce ne sont donc pas ceux-là qui vont investir massivement à Wall Street quand bien même lappétit pour le risque serait apparemment sans limite. Ils nen ont tout simplement pas les moyens.
Alors qui soutient les cours avec une telle opiniâtreté et pour combien de temps encore ? Quelle porte de sortie se sont-ils ménagée ?
Et sil nen existait pas davantage que lors de leffondrement des subprime ?
Le même cocktail dabus de dette dEtat
de fausse monnaie
de prix qui mentent (comme laffirmaient Charles Gaves et Alain Madelin sur BFM mardi matin), de bulle dactifs sciemment orchestrée comme le soupçonne le journal Le Monde, ne risque-t-il pas de déboucher sur le même genre de catastrophe ?
Les seuls qui survivront sont comme dhabitude ceux qui seront sortis discrètement de la discothèque avant que la foule des fêtards se rue vers la sortie parce quelle aura enfin perçu lodeur de brûlé au travers du nuage de fumée bleue.