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Après avoir souligné dans mon précédent message les atouts d'Edenred, notamment l'originalité de son "business model" et les très importantes perspectives de développement de ses activités, examinons les faits et les enseignements qu'il est possible d'en tirer :
a) Les données
Ci-après sont repris les principaux indicateurs des 5 dernières années :
2015
Volume d’émission : +8.7% (variation organique - à périmètre et taux de change constants)
Chiffre d'affaires total : +6.4% (variation organique - à périmètre et taux de change constants)
Résultat d'exploitation courant total : +9.7% (variation organique - à périmètre et taux de change constants)
Un résultat net part du Groupe : +7.7% (variation publiée)
2014
Volume d’émission : +12%
Chiffre d'affaires total : +8.3%
Résultat d'exploitation courant total : +14.4%
Un résultat net part du Groupe : +2.5%
2013
Volume d’émission : +11.8%
Chiffre d'affaires total : +6.7%
Résultat d'exploitation courant total : +10.9%
Un résultat net part du Groupe : -12.6%
2012
Volume d’émission : +10.1%
Chiffre d'affaires total : +7.3%
Résultat d'exploitation courant total : +8.7%
Un résultat net part du Groupe : -5.9%
2011
Volume d’émission : +9.7%
Chiffre d'affaires total : +9.7%
Résultat d'exploitation courant total : +11.2%
Un résultat net part du Groupe : +185.1%
b) Les constats
La croissance annuelle moyenne du chiffre d'affaires sur ces 5 exercices a été de près de +8 %.
Le volume d'affaires est, pour l'essentiel, récurrent : sauf pertes de contrats d'une ampleur qui serait inédite, l'activité, de par sa nature (avantages aux salariés), est stable et résistante dans la durée.
La croissance annuelle moyenne du résultat d'exploitation courant (R.E.C.) s'est établie sur cette même période à +11%.
La rentabilité opérationnelle a progressé plus vite que le chiffre d'affaires et cette progression s'est accélérée sur ces 3 dernières années, représentant 1,5 fois celle du C.A. (en 2015, C.A. +6.4% // R.E.C. +9.7%).
En améliorant régulièrement sa rentabilité opérationnelle, Edenred démontre que sa position sur ses métiers reste forte par rapport à la concurrence.
L'évolution du résultat net ne reflète pas la croissance du chiffre d'affaires et l'amélioration continue de la rentabilité du Groupe.
En l'absence d'événements particuliers (conjoncturels, exceptionnels,...) qui auraient pu nettement dégrader le résultat net, celui-ci est passé de 194 M€ en 2011 à ...177 M€ en 2015, soit -9% !
c) Les raisons de la baisse : des effets de change fortement négatifs
Extraits :
<< En raison de la présence opérationnelle du Groupe dans 42 pays, un grand nombre d’agrégats financiers est impacté inévitablement des variations de devises aux effets de traduction comptable, en particulier par les fluctuations du réal brésilien, du peso mexicain et du bolivar vénézuélien. Une part importante des titres de services du Groupe est émise dans des pays où l’euro, devise de reporting du Groupe, n’est pas la monnaie fonctionnelle. La politique du Groupe est de placer la trésorerie générée par l’activité dans la devise du pays d’émission de ces titres de services. >> (rapport annuel 2015, p59)
<< Une profitabilité maintenue à un niveau élevé avec un résultat d’exploitation courant publié stable par rapport à 2014 malgré des effets de change défavorables sur l’exercice.>> (communiqué résultats annuels 2015, p1)
<< En 2015, le résultat d’exploitation courant total de 341 millions d’euros est stable en données publiées. En données comparables, il augmente de 33 millions d’euros, soit une hausse de +9,7%. Les effets de périmètre contribuent positivement à hauteur de 6 millions d’euros, tandis que les effets de change ont un impact négatif de 41 millions d’euros.>> (communiqué résultats annuels 2015, p5)
Avec des bénéfices moindres en 2015 en comparaison de 2011, cette apparente contre-performance tient au fait que le Groupe s'est fortement développé en Amérique du Sud (Amérique latine = 48% du volume d'émission, Brésil : 1er pays en termes d'activité), continent dont certaines devises locales ont violemment chuté au cours de ces dernières années.
A titre d'exemple, le réal brésilien :
cours au 31/12/2011 : 1 réal = 0.41 euro
cours au 31/12/2012 : 1 réal = 0.37 euro
cours au 31/12/2013 : 1 réal = 0.31 euro
cours au 31/12/2014 : 1 réal = 0.31 euro
cours au 31/12/2015 : 1 réal = 0.23 euro
En termes concrets, 100 réals brésiliens qui équivalaient à 41 euros en 2011 ne valaient plus que 23 euros en 2015, soit une baisse de 44% !
Un handicap essentiellement "facial" lors de l'établissement des comptes du Groupe (conversion des comptes des filiales en devises locales vers les comptes consolidés en euros) tant que les sommes concernées sont conservées et réinvesties localement.
d) Une estimation théorique
A titre indicatif, il est possible d'estimer grossièrement, à l'aide des informations à notre disposition, l'impact de la chute du réal brésilien sur les bénéfices du Groupe entre 2011 et 2015 :
il est indiqué que le résultat d'exploitation courant total 2015 est de 341 M€ et que l'Amérique latine représente 202 M€ sur ce total.
Sachant qu'Edenred réalise au Brésil 45% de son résultat opérationnel (*) (source : Berenberg), le résultat d'exploitation courant publié se monte donc pour le Brésil à 341*45% = 153 M€ (+).
Retraduit au taux de clôture réal/euro de 2011 (-), le résultat d'exploitation courant se monte à : (153/0.23)*0.41 = 273 M€, soit un manque à gagner théorique au taux de conversion de 2011 de 273 - 153 = 120 M€ !
En appliquant un taux d'impôt sur les sociétés de 33.33%, il peut être très approximativement estimé que le résultat net a été amputé par la chute du réal depuis 2011 de : 120 - (120*33.33%) = 120 - 40 = 80 M€.
Le résultat net du Groupe, hors variation de la devise brésilienne au cours de ces 4 dernières années, aurait été alors de : 177+80 = 257 M€. (/)
Soit un PER de 4000/257 = 15.56 contre un PER actuel de 4000/177 = 23.
Il s'agit ici à l'aide d'un calcul rapide de donner un ordre de grandeur du très fort impact des différents taux de change sur les résultats d'Edenred, calcul qui ne prend notamment pas en compte la forte baisse sur la même période du peso argentin (divisé par 3) et l'effondrement du bolivar vénézuélien.
(*) selon le rapport annuel, le R.E.C. de l'Amérique latine représente 45% du chiffre d'affaires de cette zone en 2015 (202 M€/451 M€) et représente 59% du R.E.C. total
(+) cohérent avec les 202 M€ pour l'ensemble de l'Amérique latine
(-) pour être exact, il faudrait disposer des taux moyens utilisés pour convertir les postes du compte de résultat du réal en euro. Hypothèse : leur variation est similaire à celle des taux au 31 décembre.
(/) à titre de contrôle de cohérence, si le résultat net avait progressé, à taux de change constants, au même rythme que le résultat d'exploitation [voir taux de croissance par exercice ci-dessus], son montant théorique serait de +293 M€
e) Les revenus revenant aux actionnaires
Un des points forts d'Edenred, c'est que les résultats obtenus le sont avec peu de capitaux.
Il n'y a pas pour le Groupe l'obligation d'investir constamment dans de nouveaux et coûteux équipements pour maintenir la compétitivité de l'entreprise.
La trésorerie générée est alors disponible soit pour de nouveaux développements et de nouvelles acquisitions, eux-mêmes générateurs de profits futurs, soit pour distribution aux actionnaires.
Les flux de trésorerie des activités opérationnelles se sont élevés pour 2015 à 368 M€ (rapport annuel, p168).
En soustrayant les décaissements liés à des "investissements récurrents" d'un montant de 57 M€, les revenus revenant aux actionnaires (*) se montent à 368 - 57 = 311 M€
La supériorité de ce dernier par rapport au résultat net provient en 2015 essentiellement de l'importante diminution du besoin en fonds de roulement pour 129 M€ (en fait il s'agit chez Edenred d'un dégagement en fonds de roulement ou fonds de roulement négatif [un facteur là aussi très positif !] - les clients règlent leurs factures avant qu'Edenred ait à régler ses fournisseurs + absence de stocks).
Les revenus revenant aux actionnaires sont ainsi très élevés de manière pérenne.
(*) bénéfice net + les amortissements, dépréciations +/- autres éléments calculés - les investissements nécessaires pour permettre à l'entreprise de rester compétitives (hors ajout de capacités supplémentaires).
f) Une valorisation raisonnable
Avec un PER actuel proche de 23 et un PER de 20 au moment de mon investissement, Edenred fait partie des sociétés les plus fortement valorisées en comparaison de mes autres investissements (sur 10 sociétés au total).
A partir des arguments présentés ci-avant, il est indiscutable que les effets de change, fortement négatifs, comptent pour beaucoup dans cette appréciation.
Même si, comme déjà mentionné, des facteurs adverses ne sont pas à négliger :
- le passage au numérique fragilise les barrières à l'entrée (organisation et logistique puissantes pour imprimer les tickets, les distribuer aux entreprises, les récupérer auprès des commerçants, etc...)
- le développement d'une concurrence plus agressive (souvent des anciens d'Edenred et de ses concurrents historiques qui connaissent bien le métier et qui profitent de la dématérialisation pour investir le secteur)
- une enquête en cours de la direction générale de la concurrence dont les conclusions devraient être rendues au cours du 1er semestre 2016 (source : rapport annuel 2015). Risque, pour moi, indéterminé et donc mal maîtrisé...
Pour autant, un investissement dans Edenred me semble opportun pour les raisons suivantes :
- un "business model" original ;
- N°1 mondial sur le secteur des services prépayés ;
- une récurrence de l'activité synonyme de sécurité dans le temps ;
- une croissance importante et régulière ;
- les solutions de gestion des frais professionnels représentent d'ors et déjà un fort relai de croissance (+21,5% en 2015) ;
- des marges opérationnelles (32% !) et nettes (17% !) élevées malgré des effets de change fortement négatifs ;
- un "business" peu capitalistique réduisant les risques (frais fixes faibles) et permettant le développement des activités et une distribution généreuse aux actionnaires ;
- un dividende appréciable (autour de 5%) ;
- de nombreuses perspectives de développement, le passage au numérique multipliant les marchés et les opportunités ;
- le redressement à venir des pays d'Amérique du sud.
Les situations économiques et politiques difficiles de certains pays d'Amérique du Sud pénalisent considérablement les résultats d'Edenred. D'où la prudence accrue dont font actuellement preuve les investisseurs.
Un retournement probable à meilleure fortune pour ces États au cours des prochaines années est pour ma part une hypothèse parfaitement crédible (et surtout souhaitable - pas seulement pour Edenred !).
Dans cette attente, mieux vaut pour les sociétés qui ont investi sur place se développer localement, contournant ainsi les écueils des changes.
Cette stratégie est présentement celle d'Edenred à travers le fort développement de la gestion des frais professionnels au Brésil.
Aussi, la croissance de l'ensemble de ses activités devraient globalement se poursuivre.
Les investisseurs de long terme devraient être largement récompensés de leur patience à terme.
Myownway