Pensez-vous que les banques européennes aient besoin d'être recapitalisées, comme le préconise la directrice générale du Fonds monétaire international ?
Ce qui me frappe dans le discours de Christine Lagarde prononcé à Jackson Hole fin août, c'est que l'appel à la recapitalisation des banques européennes intervient après le constat de l'immobilisme de certains Etats face à la crise. C'est parce qu'il n'y a pas d'avancée politique au niveau international qu'il est devenu nécessaire, selon le FMI, de renforcer le niveau de fonds propres des banques européennes pour éviter la contagion. Le chiffre de 200 milliards d'euros avancé est calculé sur la base des CDS. Les études de courtiers fin juillet faisaient état pour leur part de 60 à 80 milliards d'euros, chiffre déjà très élevé, mais toutefois gérable dès lors qu'on se situe dans une perspective de moyen terme. En outre, les provisionnements calculés à partir de la seule référence des CDS souverains ne sont pas pertinents dès lors qu'ils s'appliquent à l'ensemble du portefeuille bancaire. Certaines banques de taille moyenne en Italie, en Espagne ou en Allemagne ont peut-être besoin d'être recapitalisées, mais il faut se garder d'en faire une règle générale.
Les banques françaises sont particulièrement visées par ces craintes, du fait de leur exposition aux dettes souveraines de la Grèce et de l'Italie. N'est-ce pas justifié ?
Les banques françaises sont correctement capitalisées dans un contexte de gestion normal. La volatilité observée sur les valeurs bancaires est en ce moment souvent fondée sur des rumeurs. La cristallisation autour de la Société Générale est à situer dans ce contexte dépourvu, à ma connaissance, de fondement rationnel. Le problème principal pour les banques en général tient à l'enlisement de la situation politique au niveau européen. Si l'accord du 21 juillet n'était pas complètement appliqué, nous ne sommes pas à l'abri d'un clash. Il suffit qu'une banque de taille moyenne connaisse des difficultés et l'on peut aboutir à des réactions en chaîne difficilement prévisibles.
Quelles sont les solutions pour éviter une telle situation ?
Je ne crois guère au scénario d'une recapitalisation générale. Beaucoup d'actionnaires ont vendu pour limiter leurs pertes et ceux qui restent n'investiront vraisemblablement pas. En France, le soubassement actionnarial n'est pas aussi large qu'aux Etats-Unis, la dilution serait trop énorme et donc difficilement acceptable. Autre solution : céder les actifs ? C'est une voie déjà empruntée par certains, mais délicate actuellement, car les acheteurs sont peu nombreux. Réduire les actifs pondérés et restructurer ? C'est un chemin déjà suivi par la plupart des banques, mais cela n'est pas forcément suffisant. Quant à la nationalisation évoquée par certains, c'est une solution extrême. Quel pays peut aujourd'hui l'envisager ? Cela dépend bien sûr des montants en cause, mais c'est une décision difficile à prendre alors que les échéances électorales se rapprochent en Europe et aux Etats-Unis. Les citoyens n'ont sans doute pas envie de soutenir les banques. Reste le Fonds européen de stabilité financière. Mais là encore, on en revient à la capacité de l'Europe à prendre des décisions rapides.
Pensez-vous possible un adossement de la Société Générale à BNP Paribas, comme certains l'évoquent ?
Cela créerait un très grand éta-blissement de caractère systémique auquel seraient appliquées des contraintes additionnelles de fonds propres élevées (sans doute de l'ordre de 3,50 %). La tendance des régulateurs est plus à la maîtrise de la taille des établissements qu'à un encouragement à la concentration.
Cette volatilité extrême peut-elle durer encore longtemps ?
Jusqu'à la fin de l'année, cela semble possible. Après cette date, les banques devront mettre en place leurs programmes de refinancement à long terme pour 2012. Si, d'ici là, la situation sur les marchés n'a pas évolué, d'autres solutions de refinancement devront être trouvées.