Il ne quitte jamais ses lunettes à soleil. Car ici la lumière est aveuglante, omniprésente. Valerio Fernández Quero déambule entre les centaines de miroirs géants qui parsèment la plateforme Solucar, près de Séville. Entre deux coups de téléphone, le directeur des opérations explique : « En ce moment, nous générons de l'électricité pour environs 15'000 maisons. » Sur le site on développe plusieurs technologies d'énergie solaire.
La plus prometteuse, ce sont les miroirs paraboliques. Le principe est simple: les rayons du soleil sont concentrés en un point précis et chauffent ainsi un fluide à plus de 400 degrés Celsius. Ce fluide produit ensuite de la vapeur d'eau sous pression. Celle-ci va faire tourner une turbine, ce qui finalement produit de l'électricité. Avec un avantage de taille par rapport au photovoltaïque. « On peut stocker la vapeur pendant la journée et produire de l'électricité quand il n'y a plus de soleil », se réjouit Valerio Fernandez Quero.
La distance n'est pas un problème
Abengoa Solar est l'un des 12 partenaires du projet pharaonique Desertec. Objectif: utiliser le soleil du Sahara pour alimenter l'Europe en électricité. D'ici 2050, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient fourniraient 15% des besoins de l'Europe. Même le coût du kWh est prometteur: à peine plus cher que l'énergie hydraulique.
En Espagne, on teste aussi d'autres techniques pour fabriquer de l'énergie verte. Comme les tours solaires de puissance. Des miroirs géants suivent la progression du soleil et renvoient ses rayons vers un récepteur au sommet des tours. Ensuite, même technique que pour les miroirs paraboliques.
Mais cette électricité, il faudra aussi la transporter. C'est là que le groupe ABB entre en scène. Et la distance n'est pas un problème. « Il y a deux ans, nous avons installé un câble sous-marin de 580 km entre la Norvège et les Pays-Bas, raconte Bernhard Eschermann, le directeur d'ABB Semiconductors, donc pour nous la distance entre l'Europe et l'Afrique n'est pas insurmontable. »
Un marché inestimable
Pour comprendre comment cela est possible, il faut pénétrer dans le saint des saints de l'usine d'ABB à Lenzbourg. On fabrique ici des semiconducteurs qui transforment le courant alternatif en courant continu et vice-versa. Cela n'a l'air de rien, mais cela permet de limiter très fortement les pertes d'énergie.
Les semiconducteurs représentent un marché inestimable pour ABB, qui vient tout juste d'investir 150 millions de francs suisses pour en doubler la production. Car les enjeux économiques sont énormes. La société espagnole, elle, a déjà pris les devants. « Nous construisons deux nouvelles installations au Maroc et en Algérie, lâche Valerio Fernándes Quero, et nous utilisons la technologie des miroirs paraboliques. »
Si la technologie est déjà bien aboutie, il faudra encore faire face aux problèmes politiques et économiques. Quelle rôle joueront les pays producteurs ? Jusqu'à quel point l'Europe peut-elle dépendre de ressources étrangères ? Ces questions n'ont pas encore trouvé réponse