L'histoire est connue mais ses conséquences sont sous-estimées. C'est en tout cas l'opinion des analystes d'UBS qui considèrent que le temps est venu pour les investisseurs de s'exposer à la banque de détail en France.
Depuis plusieurs trimestres, les grandes banques françaises cotées profitent moins que leurs consours européennes de la flambée des taux d'intérêt. A cause du poids de l'épargne réglementée, "exceptionnellement élevé en France", les dépôts français "étaient les plus chers d'Europe quand les taux étaient bas et leur coût a augmenté aussi vite que la moyenne européenne alors que les taux d'intérêt et l'inflation progressaient sur 2022-2023", indiquent les spécialistes d'UBS. Le différentiel avec la moyenne de la zone euro, qui était d'un peu moins de 40 points de base (pb) en défaveur des banques françaises début 2022, a grimpé jusqu'à plus de 70 pb en 2023 avant de redescendre vers 60 pb en fin d'année.
Crédit moins cher qu'ailleurs
Pour un effet ciseau parfait, BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale ont à l'inverse vu les taux auxquels ils prêtent - qui étaient déjà parmi les moins élevés d'Europe en 2021 - augmenter moins vite que dans les autres pays. Entre mai 2022 et novembre 2023, ils sont passés de 1,59% à 2,66% en France quand ils augmentaient de 1,9% à 3,45% en moyenne dans la zone euro. La faute, cette fois, au mécanisme du taux d'usure qui a ralenti le rebond dans l'Hexagone pendant plusieurs mois.
Au global, ces évolutions ont fortement pénalisé les revenus nets d'intérêt des banques françaises. En moyenne, ils ont baissé de 5% l'an dernier, selon les données de Visible Alpha, alors qu'ils bondissaient de 62% en Irlande, 43% en Italie, 20% en Espagne, 9% en Allemagne et 7% au Royaume-Uni.
Aujourd'hui, la situation reste défavorable aux banques hexagonales. "Les données les plus récentes font état de rendement des prêts 79 points de base en deçà de la moyenne en zone euro et de coûts des dépôts 60 pb plus cher", reconnaissent les analystes. Mais "d'un point de vue tactique, l'investissement est souvent une question de dynamique et de révisions des bénéfices", ajoutent-ils. Or sur ce point, les groupes français ont l'avantage. La forte inertie qui les a empêchés de profiter de la période de hausse des taux d'intérêt pourrait leur être favorable désormais que s'initie un repli des rendements.
Société Générale grande gagnante ?
Selon le consensus Visible Alpha, les revenus nets d'intérêt sont attendus en hausse de 9% en France en 2024, alors qu'ils devraient être en baisse ou en faible hausse dans tous les autres pays européens. Et la tendance devrait se poursuivre en 2025 et 2026. Les analystes d'UBS, qui considèrent que "les investisseurs attendent trop peu des bénéfices des banques françaises", anticipent même une hausse de 11% par an du revenu net d'intérêt (RNI) de la banque de détail en France d'ici à 2026. Le retournement profiterait particulièrement à Société Générale, estiment-ils. Les spécialistes prévoient une progression de son RNI de 17% par an et une multiplication par plus de trois de son profit avant provision dans l'Hexagone en trois ans.
Outre un effet de base favorable, la banque au logo rouge et noir devrait profiter de la fusion de son réseau avec celui de Crédit du Nord. Elle est aussi la plus exposée à l'épargne réglementée. Celle-ci représente, selon UBS, près de 30% des dépôts de sa banque de détail en France, contre 15% à 20% pour Crédit Agricole et moins de 15% pour BNP Paribas. Les analystes estiment qu'une baisse du taux du Livret A de 1 point de pourcentage, qui pourrait avoir lieu à partir de février 2025, porterait le profit net de Société Générale de 3%, contre 1% pour ses deux concurrentes cotées.
Dans ces circonstances, UBS considère l'action Société Générale comme le meilleur moyen de jouer l'embellie à venir sur la banque de détail en France. L'intermédiaire recommande de l'acheter avec un objectif de cours à 27,6 euros. Il faut dire que les banques françaises ont un important retard boursier à rattraper sur la moyenne du secteur en Europe. L'indice sectoriel Euro Stoxx Banks a bondi de plus de 40% en trois ans, quand BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale ont grappillé entre 2% et 10%.
