Les minoritaires dEDF ont tout intérêt à attendre la nouvelle offre de lEtat
Bruno de Roulhac 10/10/2022 L'AGEFI Quotidien / Edition de 7H
Si le seuil de 90% nest pas atteint, lEtat «se réserve la possibilité» de déposer une nouvelle offre, qui devra nécessairement proposer un prix supérieur à 12 euros.
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LÉtat a dévoilé son projet doffre publique d'achat simplifié portant sur les 16% du capital dEDF encore cotés.
Dans lattente de la note en réponse dEDF, le projet doffre publique dachat simplifiée (OPAS) initiée par lEtat sur lénergéticien, donne du grain à moudre aux observateurs. Surtout quil sest fait attendre. Espéré initialement fin août, le projet na été publié que le 4 octobre.
Le document doffre précise que si lEtat narrive pas à atteindre le seuil de 90% du capital et des droits de vote, et donc ne peut pas mettre en œuvre un retrait obligatoire, il « se réserve la possibilité de déposer auprès de lAMF un projet doffre publique de retrait suivie le cas échéant dun retrait obligatoire ». Entre loffre actuelle et cette potentielle nouvelle offre, lEtat nexclut pas dacheter des titres sur le marché. « Une première pour un projet dOPA avec retrait obligatoire, confie Colette Neuville. Généralement, linitiateur menace les minoritaires dune fusion au même prix, ou de renoncer au retrait obligatoire ».
Pourquoi proposer une telle éventualité ? « Cette deuxième offre permettrait de désamorcer les contentieux liés à la première offre », suppose Colette Neuville. « Cet ajout pourrait aussi être une demande de lAMF, suggère Frank Martin Laprade, avocat associé chez Jeantet. Si lEtat se réserve la possibilité de déposer une offre ultérieure à un prix plus élevé, lAMF a pu lobliger à lindiquer dès maintenant au nom de légalité de traitement des actionnaires ».
Le projet ne dit pas que le prix est équitable
En attendant, les minoritaires dEDF ont tout intérêt à ne pas apporter leurs titres à loffre puisque lEtat en promet une deuxième, nécessairement mieux disante, sil veut sortir EDF de la cote. Les investisseurs pourraient aussi rapidement faire remonter le cours dEDF juste au-dessus des 12 euros, lEtat ne pouvant pas acquérir des titres au-dessus du prix doffre. Loffre sera alors un échec. Il sera alors contraint à déposer une nouvelle offre à un prix plus élevé. Du temps et de largent perdus, pour une opération présentée comme urgente en juillet dernier.
En tout état de cause, « le projet ne précise à aucun moment que le prix est équitable, souligne Colette Neuville. Or, quand une offre est suivie dun retrait obligatoire, elle doit être équitable ».
Les banquiers présentateurs de loffre, la Société Générale et Goldman Sachs, utilisent à titre principal trois critères : le cours de Bourse, les objectifs danalystes, et une valorisation par somme des parties. « On part à lenvers, sétonne Colette Neuville. Le cours de Bourse en berne est la conséquence de la politique et des décisions de lEtat sur EDF. Aussi, le cours de Bourse ne peut servir de base pour lexpropriation des minoritaires ».
Le prix ne tient pas réellement compte du préjudice invoqué par EDF
Par ailleurs, linitiateur ne prend pas vraiment en compte les 8,34 milliards deuros dindemnités réclamés par EDF, en raison du préjudice lié à la décision du gouvernement de relever le volume d'électricité nucléaire quEDF vend à prix réduit aux fournisseurs alternatifs dans le cadre de lArenh. Dans la note, lEtat précise que ce dispositif a notamment permis de « réduire significativement la facture de tous les consommateurs français ». Mais, « les minoritaires dEDF nont pas à faire les frais de cette décision de lEtat. Dautant que le Conseil dEtat a rappelé dans sa décision de juillet 2022 lintérêt général associé à cette décision, ajoute Colette Neuville. En équité, cette facture doit être payée par lEtat et les minoritaires doivent être indemnisés ». Le conseil dadministration dEDF ayant engagé ce bras de fer avec lEtat, il pourra donc difficilement apporter un avis positif sur ce projet doffre.
En outre, « la différence entre le prix de loffre par action et la valeur fondamentale de la société ressortant des analyses [] couvre la quantification maximaliste associée à ce recours », se contente de préciser lEtat. Soit 1,48 euro par action, ou 1,29 euro après actualisation à cinq ans à taux sans risque. Aussi « lexpert indépendant pourrait ajouter ce montant au prix de 12 euros. Dautant que si ce 1,48 euro est intégré dans les 12 euros, cela signifie que la prime offerte est plus faible que celle prévue initialement », ajoute Colette Neuville. En août dernier, Jean-Bernard Lévy, PDG sortant dEDF, avait écrit quil revenait à lexpert indépendant de prendre en compte limpact de la demande dEDF.
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