Carmat a transféré sa production de Vélizy au Bois-d'Arcy.
PUBLIÉ LE 07/10/2019 À 18H30
Le spécialiste du cœur artificiel a agrandi ses capacités de production dans sa nouvelle usine de Bois-d'Arcy (Yvelines), alors que les développements cliniques s'intensifient. Visite guidée.
Dans l'usine, le calme prévaut. À Bois-d'Arcy (Yvelines), les opérateurs de Carmat, en combinaison bleue, travaillent sur un mode proche de l'orfèvrerie, concentrés sur différents postes en alternance avec quelques étapes robotisées. "Il y a encore beaucoup de procédés manuels, l'automatisation se fait au fur et à mesure", convient Clément Ducros, ingénieur méthodes industrielles du spécialiste français du cœur artificiel. La complexité d'assemblage de ces prothèses nécessite encore la dextérité humaine.
Fondé en 2008, introduit en Bourse en 2010, Carmat se décrit comme le concepteur le plus avancé au monde de cœur artificiel. La prothèse abrite deux ventricules, actionnés par un moteur incorporé, qui viennent remplacer les ventricules malades et se relier aux oreillettes du cœur d'un patient souffrant d'insuffisance cardiaque biventriculaire terminale. C'est la seule alternative à une transplantation cardiaque. Or, rien que sur les marchés européen et américain, il y aurait environ 200 000 patients par an, pour seulement 6 000 cœurs naturels disponibles.
La production du coeur artificiel nécessite des procédés manuels, avec de multiples postes de travail et d'assemblage.
Le 18 septembre, Carmat a levé 60 millions d'euros auprès de ses actionnaires historiques, comme Matra Défense (Airbus), le principal avec 13,3 % du capital, et quelques nouveaux investisseurs. Cette manne assurera l'autofinancement jusqu'à mi-2021. Carmat entame en Europe la deuxième phase de développement clinique, dite étude Pivot, qui doit mener à l'obtention du marquage CE, attendu l'an prochain et indispensable pour la commercialisation. L'étude a démarré en France depuis 2016, pour 11 patients. Carmat a reçu fin août l'autorisation pour lancer cette étude au Danemark et attend des feux verts en République tchèque et au Kazakhstan. En parallèle, il a obtenu le 12 septembre l'autorisation pour démarrer la première phase, l'étude de faisabilité, aux États-Unis.
Ces avancées ont conduit au transfert de la production de Vélizy (Yvelines), où restent le siège et la R & D, à Bois-d'Arcy, où sont regroupés environ 60 des 100 salariés. Mise en service au premier semestre 2018, l'usine a finalisé au printemps 2019 l'incorporation de tous les postes de production. La surface des salles blanches a été portée de 50 à 270 m2. L'usine dispose d'une capacité maximale de 700 prothèses par an, sachant que la fabrication nécessite trois semaines par unité.
Un taux de survie de 70%
La première ligne est centrée sur la partie interne, la plus critique, celle qui reçoit le sang. Dans les cavités et sur des membranes se trouve le seul élément d'origine biologique : du péricarde, tissu cardiaque issu de veau, traité pour en faire une matière quasi-synthétique et biologiquement inerte, assemblée avec les autres matériaux (PTFE et PEEK). La partie "hors sang" et isolée en polyuréthane abrite l'électronique embarquée : moteur pour le pompage du sang, carte électronique et capteurs. Ce qui permet à la prothèse de s'autoréguler, en fonction des efforts du patient. L'alimentation électrique est assurée par un câble ressortant par le côté de l'abdomen et reliant le cœur à une ceinture équipée de batteries rechargeables. Les dernières étapes, pour les tests de l'électronique et la stérilisation, sont automatisées. Le cœur de Carmat pèse environ 1 kg, soit l'équivalent d'un cœur malade.
"Aujourd'hui les résultats sont au-dessus de nos attentes", assure Stéphane Piat, le directeur général de Carmat, qui évoque un taux de survie de 70 % et une absence de complications. Mécaniquement, la prothèse dispose d'une durée de vie de cinq ans. Pour l'heure, le record d'un patient implanté est de dix-huit mois. "En moyenne, avec un greffon, un patient peut vivre sept ans", précise Stéphane Piat. À terme, c'est cette durée que vise l'entreprise.
