Pourquoi l'acier européen appelle l'UE à la rescousse
Au lendemain des résultats désastreux d'ArcelorMittal, l'Union européenne tenait un conseil "compétitivité" extraordinaire cet après-midi pour faire face à la crise qui touche la sidérurgie européenne.
Après l’épisode traumatique de Florange en 2012 et la fermeture par ArcelorMittal des deux derniers hauts-fourneaux lorrains, on pensait le calme revenu sur l’acier européen. Erreur. Cet après-midi se tenait une réunion extraordinaire du Conseil "Compétitivité" de l’Union européenne consacrée à la "situation de l’industrie sidérurgique européenne". Elle déplore une première victime: l’acier anglais qui a explosé en l’espace de quelques semaines. Le 28 septembre, le groupe thaïlandais SSI supprimait 1.700 postes dans son aciérie du Nord-Est de l’Angleterre. Le 19 octobre, le sidérurgiste britannique Caparo Industries étaient placé en redressement judiciaire menaçant 1.700 emplois. Le 20 octobre, Tata Steel annonçait la suppression de 1.200 postes en Angleterre et en Ecosse. Si les préoccupations sont particulièrement aigües outre-Manche - dont l’industrie ne profite pas de l’euro faible - c’est tout l’acier européen qui est en état d’alerte. Vendredi dernier, le leader mondial ArcelorMittal présentait ses résultats des neuf premiers mois de 2015: une perte nette astronomique de 1,26 milliard de dollars. Les trois quarts imputables au seul troisième trimestre qui a vu le chiffre d’affaires du géant chuté de 22% et son résultat d’exploitation de 29%.
L'acier chinois à prix cassé déferle
C’est que dans le même temps, l’acier chinois a déferlé sur le continent. Un acier "made in China" que les producteurs d’acier "made in Europe" qualifient de parfaitement "déloyal", car faisant l’objet d’un "dumping" manifeste. Alors que la Chine ne produisait encore que 10% de l’acier mondial au début des années 2000, elle a fait sa révolution industrielle en accéléré, et en pèse aujourd’hui la moitié. Multipliant sa capacité de production par près de dix ! Tant que la Chine était en plein boom économique et consommait ses millions de brames sur ses milliers de chantiers d’infrastructures, le petit monde de la sidérurgie n’y trouvait rien à redire. Mais voilà que la Chine a ralenti. Et les millions de brames sont arrivés, à prix cassés. Le directeur général d’ArcelorMittal, Aditya Mittal s’alarme : "Les importations d'acier chinois ont augmenté de 40% au troisième trimestre en Europe". Son père, Lakshmi Mittal, propriétaire de 40% du géant mondial qui a accepté de suspendre le versement des dividendes, a bien reconnu l’effort européen pour rétablir l’équité des relations commerciales: "Nous sommes encouragés par les différents exemples de mesures commerciales prises face au dumping, mais la procédure doit être plus rapide afin d'être complètement effective".
Menace sur les usines européennes
D’autant que l’Europe souffle le chaud et le froid. Elle impose des taxes antidumping sur certaines importations chinoises, mais négocie aussi l’octroi à la Chine du statut d’économie de marché pour 2016. Auquel cas, toutes ces mesures protectionnistes tomberont. La Commission européenne a par ailleurs décidé cet été de revoir le système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre. Le nouvel objectif est fixé à -40% de CO2 en 2030 par rapport à 1990. De passage à Paris, le 5 octobre, Aditya Mittal n’a pas voilé sa menace : "Si cet objectif était maintenu, nous serions obligés de reconsidérer notre empreinte industrielle en Europe." Autrement dit : si ça continue, ArcelorMittal fermera à nouveau des sites de production européens ! Et comme pour appuyer encore sa menace : "Il est encore trop tôt pour dire où et quand." Comme il le rappelle, sur le continent, il a l’embarras du choix : "Nous employons 100.000 personnes, sur 400 sites déployés dans 17 pays en Europe."