Crédit : Stéphane Bonnel
Les prochains jours vont être déterminants dans le dossier de rachat d'Opel par PSA dont les discussions sont en passe d'aboutir. De Paris à Francfort et Londres, tous les feux sont au vert pour que le groupe automobile français mette la main sur la filiale européenne de l'américain General Motors. Patrice Geoffron liste les défis, et explique en quoi l'opération prend tout son sens sur le plan industriel.
Pour avoir redressé plus rapidement que prévu PSA, Carlos Tavares peut prétendre s'attaquer à la question de la taille critique du groupe, pour assurer son ancrage dans « l'oligopole » international de l'automobile. Dans cette optique, les marques européennes de General Motors constituent la cible, avec Opel et Vauxhall (dénomination d'Opel outre-Manche) dont le groupe américain entend se délester, 90 ans après son entrée en Europe. Les discussions en cours ne constituent pas une surprise, GM et PSA s'étant déjà essayé à un rapprochement et des coopérations étant en cours (SUV et véhicules utilitaires).
Cette ambition permet de mesurer le chemin parcouru depuis 2014, quand la crise conduisit à l'entrée au capital de l'État français et du chinois Dongfeng. PSA a affiché en 2016 un volume record de ventes, avec 3,15 millions de véhicules (+5,8 %), un bénéfice net de 1,73 milliard d'euros (doublé par rapport à 2015) et une marge de 6 %. Cette trajectoire a permis à PSA de constituer une trésorerie de près de 7 milliards d'euros, permettant d'envisager des opérations de croissance externe, que Carlos Tavares, reconduit pour quatre années à la tête de l'entreprise, sera en charge d'orchestrer.
La stratégie de PSA est de monter d'une « division » parmi les groupes automobiles mondiaux : le nouvel ensemble visera un volume de cinq millions de véhicules par an (4,3 en cumul aujourd'hui), restant à distance toutefois de la Champions League dont l'accès se situe à dix millions et qui restent limités à Volkswagen, Toyota, GM et Renault-Nissan (Mitsubishi compris).
Le modèle adopté par PSA est inspiré de celui de Volkswagen qui gère un large portefeuille de marques, dotées d'une identité propre (outre VW, Seat, Skoda, Audi, …). Le groupe, pour avoir fait cohabiter Peugeot et Citroën depuis 1976, dispose d'un indéniable savoir-faire. La création de la marque premium DS en 2015 poursuit cette même logique ; par ailleurs, Carlos Tavares met en avant l'intérêt de disposer d'une marque de nationalité allemande en portefeuille. Cette approche, que General Motors n'était pas en mesure d'adopter, permet d'envisager des synergies dans de nombreux domaines : développements technologiques, plateformes, achats, optimisation de la charge des usines. Il faudra que ces synergies présentent un levier significatif, car Opel affiche plus d'une dizaine d'années de pertes en continuité. La direction de PSA considère que leur potentiel avoisine les 2 milliards d'euros.
A la différence de Volkswagen, l'ancrage de PSA-Opel restera largement européen, mais avec une bonne complémentarité sur les principaux marchés nationaux et un risque de cannibalisation assez maîtrisé. La pénétration du marché chinois, malgré le soutien de Dongfeng, s'avère délicate (-16% en 2016) ; quant au marché américain, même si une coopération avec General Motors est envisageable, la perspective de développements significatifs reste hypothétique.
La stratégie de PSA, durablement ancrée dans l'Union, passera par une délicate restructuration d'un vaste outil industriel, alors que les premiers contacts avec les autorités allemandes et britanniques ont surtout consisté à rassurer sur le maintien de la production (et de capacités d'ingénierie du côté allemand). En visant un volume accru de 20%, il est possible que tous les bassins de production bénéficient à terme de cette dynamique d'ensemble. D'ici là, PSA aura dû pratiquer le dialogue social dans une bonne demi-douzaine de langues européennes. Et, du côté de britannique, déjouer les pièges du Brexit…
Patrice Geoffron
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