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Poulaillon : une croissance solide et des comptes lisibles
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 12/09/2019 à 14:10

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Basé près de Mulhouse, Poulaillon a l'essentiel de son activité dans la boulangerie/snacking/sandwicherie, soit près de 60% de ses ventes dans un réseau de 48 boulangeries et ateliers de cuisson. (crédit : Poulaillon)

Basé près de Mulhouse, Poulaillon a l'essentiel de son activité dans la boulangerie/snacking/sandwicherie, soit près de 60% de ses ventes dans un réseau de 48 boulangeries et ateliers de cuisson. (crédit : Poulaillon)

La comptabilité est un art difficile, et les comptes d'une entreprise, les comptes consolidés d'un groupe a fortiori, ne sont jamais simples. C'est comme ça, et comme de plus le monde change tout le temps, les autorités ad hoc s'emploient en permanence, en Europe, aux Etats-Unis et ailleurs, à affiner les règles comptables pour que les entreprises, et surtout celles qui font appel public à l'épargne, donnent année après année la représentation la plus fidèle possible de leurs résultats, et de leurs actifs et de leurs passifs.

Ce qui est louable en soi, mais, voilà : l'enfer est pavé de bonnes intentions, c'est bien connu, et l'introduction presque tous les ans de nouvelles normes, au nom de la transparence, bien entendu, complique souvent la vie de l'analyste, et de l'investisseur. Un bon exemple étant la nouvelle norme européenne IFRS 16 introduite dans les résultats semestriels 2019 publiés depuis quelque temps, qui fait prendre en compte la valeur (si tant est qu'elle existe) des baux des locaux d'exploitation loués, et se traduit logiquement par l'apparition d'une ligne "droits d'usage" à l'actif du bilan consolidé, ces droits étant valorisés par un calcul théorique, en face d'une ou deux lignes de "dettes locatives" dans les dettes financières au passif, pour des montants tout autant estimés. Et elle se traduit tout aussi logiquement par des amortissements et de frais financiers fictifs à la place des loyers réellement payés dans le compte d'exploitation.

Après tout, pourquoi pas ? Mais on peut remarquer tout d'abord que cette norme repose sur une exigence : le hors-bilan doit être inclus dans le bilan, ce qui n'est qu'une pétition de principe, et reste donc très discutable. On peut remarquer ensuite qu'elle vise comme les précédentes à préciser un peu plus la "juste valeur" totale de l'entreprise en question, alors que celle-ci est pourtant déjà valorisée, puisque cotée sur un marché organisé, ce qui peut paraître curieux avec un peu de recul. Et on peut remarquer enfin que l'utilité de cette nouvelle norme peut paraître discutable : nombre de dirigeants la critiquent ouvertement dans les réunions d'analystes, et présentent le plus souvent leurs résultats en mettant ces nouveaux items bien de côté.

Une nouvelle norme IFRS chaque année

De fait, on voit apparaître une norme IFRS nouvelle presque une fois par an, obligeant les comptes de l'année précédente à être retraités à chaque fois, ce qui i) finit par nuire à la comparabilité sur plusieurs années passées, laquelle intéresse pourtant beaucoup l'investisseur, et, ii) fait que les directions d'entreprises présentent de plus en plus des comptes "ajustés" qui ressemblent de moins en moins aux comptes en normes IFRS. Celles-ci ont donc éventuellement de moins en moins de sens aussi, ce qui est dommage et ne fait que compliquer le travail des utilisateurs : les gérants actions. Voire rend les actions des entreprises toujours moins désirables en tant que support d'investissement, ce qui est plus ennuyeux encore.

Mais, bon ! qui n'aime pas les complications peut toujours se rabattre sur de belles petites valeurs cotées sur Euronext Growth, l'ex-Alternext, des valeurs de sociétés qui n'ont pas quant à elles l'obligation de publier leurs comptes aux normes IFRS. C'est notamment le cas de Poulaillon (ALPOU ; 6€), un acteur plus si petit que cela, puisqu'il devrait réaliser un chiffre d'affaires d'au moins 80 millions d'euros sur cet exercice qui clôture à la fin du mois, avec plus de 800 salariés.

Basé près de Mulhouse, Poulaillon a l'essentiel de son activité dans la boulangerie/snacking/sandwicherie, soit près de 60% de ses ventes dans un réseau de 48 boulangeries et ateliers de cuisson (contre 40 il y a trois ans), plus quelques kiosques dans des galeries marchandes, et près de 40% de ses ventes auprès de la grande distribution et de la restauration hors-foyers, toujours en boulangerie/viennoiserie, sandwicheries, ainsi qu'en pâtisserie et en produits traiteurs pour buffets, cocktails etc... Avec des gammes très larges en fait, le tout étant fabriqué dans deux usines hautement automatisées et un atelier semi-industriel. Sans sacrifier pour autant la qualité, ce qui vaut à la marque Poulaillon de bénéficier d'une très forte notoriété sur son marché domestique : le Grand Est, et de livrer en surgelés de beaux clients en "B to B" ailleurs, notamment Daily Monop, les enseignes de l'ex-division restauration de concessions d'Elior, et de grands grossistes comme Pomona.

Un endettement qui finance la croissance

Les comptes consolidés aux normes françaises de Poulaillon sont on ne peut plus clairs : le chiffre d'affaires progresse de +10,6% sur les 9 premiers mois de l'exercice en cours, après +9% sur l'exercice précédent, et +10% sur l'exercice encore d'avant, ce qui est bien, dégage une marge opérationnelle de 4,2%, ce qui n'est pas si mal, et affiche un ratio d'endettement net/Fonds Propres de 111%, ce qui peut par contre paraître un peu excessif. Mais cet endettement finance la croissance avant tout : la société a ouvert deux boulangeries au 1er semestre, dont la plus grande de France (600m2 et 170 places assises de restauration rapide), vient de reprendre six petits points de vente de galeries marchandes dans différentes villes d'Alsace, et investit lourdement (4,6 millions d'euros en tout) dans une nouvelle ligne de fabrication pour son produit phare historique, la fameuse Moricette, une création originale du président-fondateur, et un petit pain déclinable à l'infini ou presque.

La société innove de fait beaucoup dans son vieux métier, ce qui est bien aussi, et crée en permanence de nouvelles gammes : baguette bio, pain hyper-protéiné pour le troisième âge, pain sandwich et sandwiches en tous genres, etc... et trouve en permanence aussi de nouveaux débouchés B to B : chaînes de sandwicheries, réseaux de supermarchés, Ehpad, chaîne de surgelés, et, depuis peu, stations-services d'autoroutes pour un grand groupe pétrolier. Et elle s'adapte vite aux nouvelles demandes, en testant de nouveaux concepts (et en les arrêtant vite en cas d'insuccés) : snacking végétarien, qui élargit la clientèle des boulangeries, et, depuis peu, Poulaillon à la ferme, une boulangerie dans une ferme (chez un fermier associé) avec une clientèle très variées en fait, attirée par la qualité de l'environnement, des bases de préparation 100% bio, locales, et naturelles, et un espace restaurant (1 plat du jour, et 60 couverts/jour).

Diversification dans l'eau minérale

Poulaillon pourrait être plus profitable encore si ne pesait pas dans ses comptes le démarrage d'une troisième activité : l'eau minérale de Velleminfroy, produite à partir d'une source et d'un embouteillage en Haute Saône toute proche, dont les ventes sont encore anecdotiques, soit 600k euros au premier semestre, et les pertes un peu moins, soit -800k euros. Mais, après avoir revu en baisse son positionnement prix initialement trop élevé, l'eau de Velleminfroy commence à trouver de vrais clients : elle est référencée dans toute la grande distribution en France, est proposée par une force de vente dédiée aux hôtels-restaurants, et commence à s'exporter aussi. Les volumes progressent de fait très vite à présent, soit +50% en juin-juillet-août, et la direction de la société espère dépasser le point mort dans deux ans, avec un chiffre d'affaires plus que doublé d'ici là.

Que dire de plus ? sinon que la croissance semble bien maîtrisée, d'abord parce que, selon la direction, il faut du temps pour trouver et former des personnels qualifiés pour les magasins, et que cette direction étant familiale, et la famille détenant un peu plus des trois quarts du capital, la prudence est toujours de mise : on pourrait aller bien plus vite, mais il vaut mieux ne pas céder aux propositions des développeurs de grandes chaînes de restauration rapide attirés par la qualité du concept.

Mieux vaut un petit chez soi qu'un grand chez les autres, c'est bien connu.

Jérôme Lieury - Analyste senior - Olier Etudes & Recherche - Membre du Cercle des Analystes Indépendants – www.olier-etudes-recherche.fr

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