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Cinq arguments pour des taux durablement élevés
information fournie par Reuters 13/05/2024 à 10:45

par Yoruk Bahceli

Si les paris des opérateurs de marché sont justes, les taux d'intérêts ne seront pas élevés uniquement en 2024 mais le resteront plus longtemps, peut-être pour toujours.

Le retour de l'inflation a mis fin aux taux d'intérêt ultra-accommodants, et les marchés envisagent désormais un scénario pour lequel le taux neutre, le taux directeur corrigé de l'inflation et qui permet à l'économie d'atteindre l'équilibre, serait structurellement plus élevé.

Les opérateurs parient ainsi sur des taux américains à environ 4% à horizon 2030, contre 2,6% prévus par les responsables de politique monétaire. Les taux en zone euro sont attendus à 2,5%, supérieurs à leur moyenne historique.

Pour autant, trouver le bon niveau du taux neutre, ou R*, est un casse-tête pour les investisseurs et les responsables de politique monétaire. De nombreux économistes estiment que R* est inférieur à son niveau d'avant la crise de 2008, mais ne s'accordent pas sur la manière de le calculer, d'estimer son niveau actuel ou de savoir s'il est en hausse ou non.

Shamik Dhar, chef économiste de BNY Mellon IM, considère que R* est plus élevé et "(s')inquiète que les marchés actions et immobiliers ne l'aient pas suffisamment pris en compte".

Cinq facteurs pourraient influer sur R* à terme:

1/ FACTURE SALÉE

Les gouvernements continueront à beaucoup emprunter, les besoins d'investissements dans la défense ou la transition énergétique étant importants.

Les économistes ne sont pas certains de l'impact d'une hausse de l'endettement, mais certains estiment que des dépenses en hausse soutiendront les taux.

Le déficit budgétaire des économies avancées, qui a atteint 5,6% du PIB en 2023, a presque doublé depuis 2019, lorsqu'il atteignait 3%. En 2029, le déficit resterait élevé à 3,9% du PIB, selon les projections du FMI.

Des déficits plus élevés renchériraient les coûts d'emprunts pour des gouvernements, selon Ed Hutchings, responsable des taux chez Aviva Investors.

Pour autant, les gains de productivité ont décéléré des deux côtés de l'Atlantique tandis que la croissance pourrait ralentir, ce qui limiterait l'investissement, selon les économistes.

"Cela signifierait que les taux neutres progresseraient moins qu'attendu", estime Idanna Appio, gérante chez First Eagle IM.

2/ DÉMOGRAPHIE

Les perspectives démographiques sont l'une des principales incertitudes pour les taux à long terme, explique Shamik Dhar.

Les observateurs estiment que les économies importantes des futurs retraités des pays riches ont écrasé les taux.

La situation ne devrait pas s'améliorer: en 2050, 16% de la population mondiale aura plus de 65 ans, contre 10% en 2022, selon les projections réalisées par les Nations Unies, et les chiffres pour l'Europe seront probablement pires.

Pour autant, le rapport entre personnes dépendantes, retraités inclus, et actifs progresse et augmente les dépenses liées à l'âge, ce qui réduit les volumes d'épargne et soutient donc les taux, selon les économistes Charles Goodhart et Manoj Pradhan.

Emprunter pour financer les dépenses de retraite soutiendrait aussi les taux, estime Nomura.

3/ TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Mesurer l'impact du changement climatique sur l'économie est un autre défi.

La transition énergétique implique des investissements importants qui pourraient pousser les taux à la hausse, a déclaré la cheffe économiste de la Banque centrale européenne, Isabel Schnabel, jugeant que l'échelle de la transition est comparable à la reconstruction de l'Europe après la Seconde Guerre mondiale.

Les conséquences du changement climatique pourraient par ailleurs rendre les prix plus volatils et déclencher des poussées d'inflation. Pour autant, la production mondiale pourrait reculer de jusqu'à 17% d'ici 2050 à cause du réchauffement, ce qui pousserait R* à la baisse, selon une analyse de la BCE.

Une énergie plus coûteuse pourrait réduire la demande et donc les taux, argue par ailleurs le Fonds monétaire international.

L'impact du changement climatique sur les taux est un "grand débat qui reste ouvert", constate Soeren Radde, responsable de la recherche économique pour l'Europe au sein du hedge fund Point72.

"Des chocs négatifs détruiront la demande, et il n'est pas certain que cela soutienne R*", ajoute-t-il.

4/ FIÈVRE DE L'IA

L'impact de la technologie sur la productivité et les taux demeure un sujet de débat.

Goldman Sachs calcule qu'une hausse de la productivité déclenchée par l'intelligence artificielle (IA) pourrait rajouter 0,4 point de pourcentage à la croissance américaine, contre 0,3 point pour les autres économies. La banque estime que les taux seront poussés à la hausse, surtout si l'adoption de l'IA se fait rapidement.

Si cette adoption est comparable dans son impact à celui de la deuxième révolution industrielle, qui a vu la généralisation de l'usage de l'électricité, l'IA pourra alors compenser le ralentissement démographique. En revanche, un impact comparable à celui d'Internet ou des ordinateurs serait plus faible et pourrait décevoir.

5/ NOUVELLE DONNE

La guerre en Ukraine, les retombées de la pandémie de COVID-19 et les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis font craindre de nouveaux chocs sur les chaînes d'approvisionnement.

"Si les banques centrales doivent agir sur ces chocs (…) cela peut aussi contribuer à soutenir le niveau des taux", explique Soeren Radde.

La tendance au "friendshoring", qui consiste à favoriser les échanges commerciaux avec ses alliés plutôt qu'avec la Chine, pourrait aussi mener à des taux plus élevés. Le Mexique est ainsi devenu le premier partenaire commercial des États-Unis.

"Ce processus est par nature inflationniste, car ce ne sera pas l'endroit le moins cher pour produire qui sera choisi", souligne William Davies, responsable de l'obligataire chez Columbia Threadneedle.

(Reportage Yoruk Bahceli, avec Naomi Rovnick, version française Corentin Chappron, édité par Blandine Hénault)

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