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Bilendi : un peu en panne dans les panels, pour 2023 en tout cas
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 14/12/2023 à 10:39

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

"Bilendi a multiplié son chiffre d'affaires par 3x entre 2015 et 2022, soit un taux de croissance moyen annuel (ou CAGR, pour les fins connaisseurs) de +17%." (crédit : Boursorama)

"Bilendi a multiplié son chiffre d'affaires par 3x entre 2015 et 2022, soit un taux de croissance moyen annuel (ou CAGR, pour les fins connaisseurs) de +17%." (crédit : Boursorama)

On peut faire de bonnes marges dans la publicité, qu'on soit agence de pub au sens large, comme Publicis ou WPP ou Omnicom, spécialiste des études de marché, comme Ipsos ou Nielsen, ou encore support publicitaire comme TF1 ou M6. Ceci en travaillant pour les grands annonceurs que sont les belles marques de lessive, de cosmétique, de gastronomie industrielle, et de luxe abordable. Sans parler des Google et autres Meta qui ont sur leurs écrans internet des supports publicitaires des plus profitables, non seulement pour ces grandes marques, mais aussi pour toutes les autres, et il y en a beaucoup.

On fait de bonnes marges vraisemblablement parce que c'est avant tout un métier de prestation intellectuelle, de la création publicitaire au média planning, d'autant que l'impact d'une campagne de pub sur les ventes n'est pas toujours simple à quantifier, et que le client a quelque fois du mal à comprendre le retour sur son investissement. Comme disait Mr Ogilvy, un des pères américains de la publicité moderne : "c'est vrai que la moitié du budget d'une campagne est éventuellement gâchée, mais on ne sait pas laquelle".

Mais il y a éventuellement un hic pour ce beau métier : quand la conjoncture économique prend une drôle d'allure, et qu'il faut serrer les budgets dans les entreprise puisque les affaires peuvent devenir mauvaises, le premier budget à être coupé est justement la publicité, parce que c'est aussi éventuellement le plus facile à faire. En d'autres termes : la publicité est cyclique, sans aucun doute.
C'est ce qui arrive peut-être en ce moment, même si, comme chacun sait, il est très difficile de se faire une idée précise sur le bon fonctionnement de l'économie (ce qui pousse aussi à s'interroger sur le bon fonctionnement des économistes, mais c'est une autre histoire).

Et c'est probablement, même si ça demande à être vérifié, la cause des ennuis que l'on espère passagers d'une belle small caps du secteur : Bilendi, qui nous a fait un mauvais premier semestre 2023.

Bilendi : de la fidélisation aux panels consommateurs en ligne

Toujours dirigé pas son fondateur, qui a encore une partie du capital (et un peu plus en droits de vote), Bilendi s'est longtemps appelé Maximiles, et a été coté sous ce nom de 2005 à 2014. Mais a adopté ensuite une dénomination sociale plus internationale (et moins franglaise) après avoir élargi son champ d'action sur le vaste marché de la communication, en ayant autrement dit ajouté au métier de la gestion de la relation client/programmes de fidélisation par points celui des panels de consommateurs, qui consiste à recruter suffisamment de gens prêts à répondre de façon régulière à un questionnaire sur un produit (voire à tester le produit à la maison), une marque, etc….

Pour bien renseigner le fabricant dudit produit, ou le propriétaire de ladite marque sur comment ce produit ou cette marque sont regardés par le consommateur. Et enfin et surtout sur leur désirabilité, c'est-à-dire leur propension à générer du bon chiffre d'affaires, s'entend.

Un métier sérieux a priori : la société doit réaliser un chiffre d'affaires de 60 millions d'euros environ cette année avec plus de 400 collaborateurs, le tout avec des filiales dans 13 pays d'Europe, et des partenaires dans d'autres. Bilendi revendique plus de 1 700 clients demandeurs de chiffres, principalement des sociétés d'études de marché (Kantar, GfK, Ipsos, Ifop, Dentsu) et autres cabinets de conseil qui analyseront et préconiseront, et aussi des agences médias, des instituts de recherche universitaire (dont Harvard et Zurich), et enfin des grandes marques de produits de grande consommation qui font leurs études de marché en interne. Soit une production de plus de 30 000 études par an, en s'appuyant sur une population de 2,5 millions de panélistes recrutés selon 300 critères très rigoureux, pour des enquêtes conçues selon une méthodologie tout aussi rigoureuse pour bâtir les meilleurs échantillons possibles pour répondre le mieux possible aux questions des clients.

Inutile de préciser que ces panels fonctionnent en ligne, et inutile de préciser aussi que Bilendi s'appuie sur un outil informatique sophistiqué pour traiter de grandes masses non seulement de chiffres mais aussi de verbatim, un outil en propre développé et entretenu par 50 informaticiens en interne, peu dépendant des grands fournisseurs IT car conçu sur une base Linux/Open Source, et très sûr aussi (RGPD oblige) semble-t-il car reposant sur un cloud interne de 250 serveurs implantés à Paris et Aubervilliers en salles fermées chez l'hébergeur, avec un niveau de sécurité aux standards bancaires, ce qui n'est pas rien.

Modèle d'affaire : croissance, fusacs et techno

Bilendi a multiplié son chiffre d'affaires par 3x entre 2015 et 2022, soit un taux de croissance moyen annuel (ou CAGR, pour les fins connaisseurs) de +17%, ce qui n'est pas mal, et positionne à présent la société comme un des trois grands acteurs européens de ce métier, leader en France et en Allemagne, face à deux concurrents : Dynata et Toluna, qui ne sont pas cotés. Il convient de noter que cette croissance s'est faite en partie par acquisitions, notamment iPoints.co en Grande-Bretagne, Panelbiz en Allemagne, M3 Research en Scandinavie, iVOX en Belgique, Via! En Italie, et enfin encore en Allemagne la société respondi AG fin 2021, qui a apporté 200 nouveaux clients et 15 millions d'euros de chiffre d'affaires supplémentaires.

Ceci alors que la société a aussi dans le même temps ouvert des bureaux à Madrid, Cologne, Zurich, Casablanca (filiale 2WLS), Amsterdam et… Maurice, et lancé un site de cashback : fabuleos.fr, pour les achats en ligne chez 1 200 marchands, dont des grands (Auchan, par exemple). Bilendi ayant par ailleurs repris une plateforme de conversation et d'analyse multicanal : Discussnow, il y a deux ans, devenu Bilendi Discuss, à laquelle a intégré récemment un assistant alimenté par ChatGPT et de l'IA développée en interne : BARI, qui automatise une grande partie du processus d'analyse selon la société, et permet d'élargir l'offre vers les études dites qualitatives.

Exercice 2022 : très bien, mais 2023 nettement plus compliqué

Avec l'intégration de respondi AG en année pleine, le chiffre d'affaires 2022 a été en très forte progression, soit +39% à 61,5 millions d'euros. Mais il gagne quand même +6% à données constantes, dans un environnement décrit comme difficile par la direction. Un environnement dans lequel le groupe a dégagé une marge opérationnelle (le rapport entre le résultat d'exploitation : le solde ventes - charges qui reste avant de payer les banquiers et le fisc/chiffre d'affaires) de 12,1% en tout, ce qui est plutôt confortable en soi et semble bien dans la norme du secteur, puisque le très grand acteur du marché des études : Ipsos, affiche quant à lui une marge de 13,2%.

Bilendi finissant l'année avec un beau bilan aussi, soit un endettement net (la dette financière - les liquidités en caisse) quasiment nul. Et pour cause : Bilendi a généré du cash, autrement dit a fabriqué de la trésorerie libre, et bien assez pour rembourser rapidement le premier chèque conséquent du rachat de respondi AG.

Tout allait bien, mais les choses se sont un peu gâtées cette année, avec des résultats semestriels au 30 juin 2023 plutôt en berne, soit un chiffre d'affaires quasiment stable à +0,8% et +2% à données constantes, avec un deuxième trimestre plus faible que le premier qui plus est : la demande ralentit nettement, la conjoncture étant ce qu'elle est dans l'UE, ce d'autant plus que le 1er semestre 2022 avait été très bon, et elle devient surtout plus volatile d'un mois sur l'autre, ce qui n'aide pas.

Un ralentissement qui tombe mal en fait, car la base de coûts de Bilendi a aussi nettement augmenté, avec i) plus de personnel, la société mettant notamment plus de moyens humains en place pour continuer à enrichir son offre, et aussi pour mieux la commercialiser, ii) du personnel qui coûte (un peu) plus cher avec les augmentations de salaires accordées en 2022. Le tout ayant un effet un peu dévastateur sur la marge opérationnelle (cf plus haut), qui chute très fortement puisqu'elle passe en gros de 10% à 3%, rien que ça. Et, pour être complet, on peut ajouter que la société a brûlé un peu de cash, en payant un complément de prix pour respondi AG en plus de ses investissements "industriels".

La suite ?

La suite : toute la question est là, bien entendu. Ce d'autant plus que l'actionnaire boursier n'a en l'occurrence pas tant d'information que ça à sa disposition, et que si il y avait un vrai problème, comme par exemple, des grands clients passés à la concurrence, où une filiale en très mauvais état et devenue un foyer de perte récurrent, etc… ledit actionnaire serait vraisemblablement presque le dernier à être au courant, comme c'est le plus généralement le cas à la Bourse, hélas !. Ceci étant, si le cours de Bourse est censé contenir toute l'information publiée, il contient aussi les anticipations des investisseurs (sinon, à quoi bon ?), lesquelles semblent assez négatives à en juger d'après le mauvais parcours (-36% depuis le premier janvier) du titre cette année.

Mais toute la question est aussi de se demander si ces anticipations négatives peuvent changer pour le mieux. Ce qui n'est jamais exclu en principe. En d'autres termes, existe-t-il suffisamment d'éléments positifs pour construire un cas d'investissement contrariant ? (même si ce n'est pas toujours une bonne idée).

On peut en tout cas en aligner quelques arguments pour cela :

  • l'année 2023 toute entière devrait être un peu meilleure que le 1er semestre : parce que la marge opérationnelle devrait s'améliorer, selon la direction, au 2ième semestre, comme c'est le plus souvent le cas, et que la base de comparaison du T4-2022 est faible qui plus est,
  • de fait, l'activité semble au moins stabilisée, avec un troisième trimestre à +2% en données constantes, avec de plus une vraie accélération en France (+12%), même si ce n'est que 20% du chiffre d'affaires, et avec un quatrième trimestre attendu en légère accélération, toujours selon la direction,
  • Bilendi a de nouveaux produits qui pourraient, qui sait?, faire du bien au chiffre d'affaires consolidé, comme la nouvelle version de Discuss, qui intéresse beaucoup a priori le monde de la recherche universitaire notamment, ou encore l'offre "Niche Sampling" qui peut adresser de toutes petites audiences qui échappent aux panels classiques, notamment sur les médias sociaux, etc…
  • les clients sont très fidèles : 90% du chiffre d'affaires est réalisé avec les clients de l'année d'avant, lesquels clients ont de toute façon toujours deux fournisseurs, alors qu'il n'y en a que quatre vraiment crédibles en principe sur le marché européen.
  • la direction réitère à chaque fois dans ses communiqués son objectif de moyen-terme à savoir un chiffre d'affaires 2026 de 100 millions d'euros, soit plus de +10% de croissance par an, et une marge Ebitda/chiffre d'affaires de plus de 20%, contre 21% en 2022 et 14% éventuellement attendu pour cette année, soit le retour à un niveau de marge opérationnelle au moins égal à celui de 2022, sinon plus.
  • la situation de trésorerie nette était de plus de +7 millions d'euros à fin juin, dernier chiffre connu : il n'y a donc pas péril en la demeure, et, même avec la marge opérationnelle bien dégradé du premier semestre, Bilendi génère du cash hors acquisitions.

Le cash, c'est tout ce qui compte, finalement. On ne le dira jamais assez.

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