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Aurea : de belles petites niches dans le recyclage
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 13/01/2022 à 08:42

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Aurea est un pôle de regroupement de PME spécialisées dans le développement durable. (Crédit photo : Aurea)

Aurea est un pôle de regroupement de PME spécialisées dans le développement durable. (Crédit photo : Aurea)

C'est sympa, la Bourse : on y entre et on en sort comme on veut. En prenant son gain ou en y laissant des plumes, c'est selon, mais la question de base, c'est de déterminer pour combien de temps on y reste, autrement dit à quel horizon on veut placer son argent avant de le reprendre pour faire autre chose avec. Question indispensable, mais dont on connait déjà la réponse en principe, et qui détermine aussi éventuellement le support d'investissement sur lequel on veut se placer.

En fonction aussi, bien entendu, de la réponse à une autre question importante, qui est celle de la résistance à la douleur, autrement dit de combien je suis prêt à perdre pendant un certain temps sans lâcher l'affaire, ou encore, en termes plus châtiés, la question de l'aversion au risque. Ce qui est moins évident, on s'en doute, mais, ce qui est primordial, c'est l'horizon, l'horizon, l'horizon de placement avant tout.

Les actions, c'est bon de toute façon

Surtout dans un monde où investir pour 10 ans avec un rendement assuré : investir dans une bonne vieille obligation (des familles) à taux fixe, a moins de sens. Puisque les retours sur les placements obligataires sont restés globalement négatifs ou faibles en 2021, comme c'est le cas depuis un certain temps déjà, soit en gros -3% sur les emprunts d'Etats, +0% pour les obligations d'entreprises bien notées, et enfin +5% sur les obligations dites "high yield" d'entreprises mal notées, ou pas notées du tout, et donc plutôt risquées, même si tout est relatif. Sans parler des rendements réels, c'est-à-dire défalqués de l'inflation, qui ne sont pas vraiment joyeux.

Que nous reste-t-il alors sinon les actions, qui ne sont toutefois pas toujours de tout repos, c'est bien connu. Les actions ayant l'avantage d'être quasi perpétuelles, contrairement aux obligations, qui sont des prêts et ont donc une durée de vie limitée, mais l'inconvénient d'être, comme on le dit dans la bonne théorie financière, des titres "à revenus variables". Ce qui n'est pas grave, toutefois, pour peu qu'on les garde un certain temps : si le cours de Bourse d'une société ne progresse pas de façon très régulière, il finit toujours par refléter la richesse, autrement dit les flux de trésorerie libre à la disposition de l'actionnaire, générée par son exploitation au fil du temps. Parce que les marchés sont efficients (le plus souvent), et parce que les gens qui travaillent (vraiment) dans une société y créent de la valeur tous les jours (ou presque). C'est aussi simple que cela.

Enfin, presque…

Même si les actions ont aussi, selon la mauvaise théorie financière cette fois-ci, l'inconvénient d'être plus risquées que les obligations, puisque plus volatiles. Surtout en ce moment, à l'heure où nous écrivons ces lignes, où l'ambiance agréable qui régnait depuis un certain temps sur les marchés d'actions a l'air de vouloir se dégrader quelque peu : cette bonne humeur générale ne serait que de l'euphorie, finalement, alors que l'inflation, qui est le pire ennemi du rentier comme chacun sait, redresse sa tête hideuse, et que les Banques Centrales s'apprêtent en conséquence à fermer brutalement le robinet de l'argent facile. Pour mettre (enfin !) le holà à cette légèreté coupable des investisseurs (les spéculateurs, on n'en parle même pas) saisis par la débauche financière.

Mais, correction, crise boursière voire krach ou pas, rien ne doit nous ôter de l'esprit le fait que c'est dans la durée qu'un (bon) investissement porte ses fruits. C'est un fait. Et, pire encore, une statistique.

Ce qui peut aussi inciter à rechercher des sociétés qui ont des stratégies de long-terme clairement affichées, et aussi des histoires passées (des "track-records" en bon français financier) qui le démontrent.

Aurea, qui se construit manifestement dans la durée, opère tout aussi manifestement dans le durable, puisque centré sur le recyclage, et est mené par une direction des plus stables, peut éventuellement rentrer dans cette catégorie.

Un petit groupe industriel centré sur le recyclage

Aurea est une PME familiale, contrôlée par son dirigeant actuel, qui a construit en moins de vingt ans un petit groupe industriel à partir d'une coquille vide ou presque cotée en Bourse, et d'une activité de recyclage d'huiles usagées :  Eco Huile, avec bien d'autres acquisitions réalisées depuis lors. La société devrait réaliser un chiffre d'affaires de 200 millions d'euros environ sur l'exercice 2021 avec plus de 550 salariés, lesquels opèrent 18 sites industriels dans des filiales aux activités plutôt variées, mais centrées sur le recyclage qui est, comme chacun sait, un très bon sujet. Avec ses sites industriels très spécialisés, et semble-t-il très performants, Aurea revendique des positions de n°1, 2 ou 3 en France ou en Europe sur chacun de ses marchés, qui sont donc plutôt des marchés de niche.

Le groupe a environ les 2/3 de son activité dans les métaux & alliages, principalement avec trois sociétés : Regeal-Affimet, qui récupère des déchets d'aluminium, et les transformes en alliages utilisés par les fonderies qui produisent des pièces pour l'automobile et autres, soit 60 à 70 000 tonnes par an, mLego, qui fait de même avec le cuivre, et le revend sous formes de barres transformées ensuite par toutes sortes d'industries, de l'aéronautique-spatial-défense à la connectique en passant par le Luxe, et enfin PoudMet, qui produit des poudres métalliques d'alliages de cuivre ou d'étain pour toutes sortes d'applications aussi, avec des clients industriels dans le monde entier.

Aurea recycle aussi les dérivés du pétrole, qui contribuent pour un gros quart de l'activité, avec sa grande usine Eco Huile, qui peut traiter 125 000 tonnes de lubrifiants usagés par an, soit la moitié de ce qui est collecté en France annuellement, et en récupère 70% environ sous forme d'huiles minérales régénérées et réutilisables. Une autre filiale implantée près d'Eco Huile : E.P.R. retraite toutes sortes de déchets industriels liquides dangereux contenant des hydrocarbures, valorisés éventuellement sous forme de combustibles de substitution. Le groupe recycle aussi le PVC utilisé auparavant dans le bâtiment, avec sa filiale belge Rulo, ainsi que les plastiques alimentaires avec Plastineo, des matériaux qui sont revendus en granulés et transformé à nouveau.

Mais ce n'est pas tout : la filiale Roll-Gom récupère le caoutchouc des vieux pneus et fabrique avec des roues à bandage plein et des roulettes utilisées principalement pour les engins de manutention, Meta Régénération extrait et raffine le mercure contenu dans toutes sortes de déchets, des piles usagées aux amalgames dentaires, avec une position unique en France dans ce métier, et Flaurea Chemicals, en Belgique aussi, retraite et recycle le zinc, le plomb et le cadmium pour en faire des sels de métaux non-ferreux, qui vont notamment dans les piles, les cellules photovoltaïques et les batteries.

Enfin, en février 2021, Aurea a racheté à Suez un site industriel à Beaufor dans l'Aisne, qui retraite et régénère les solvants, soit une nouvelle activité qui doit bien s'insérer a priori dans le large portefeuille du groupe. Cette nouvelle filiale a été rebaptisé Sargon, et fait à présent partie d'une nouvelle branche : chimie-pharma, avec Flaurea.

Aurea ne dépend pas de quelques gros clients en principe, puisque le premier contribuait pour 10% des ventes en 2020, et le second pour 6% seulement. Mais Aurea peut avoir des difficultés pour trouver suffisamment de matières à retraiter, et a de gros concurrents aussi pour ses approvisionnements, tel Osilub (filiale commune de TotalEnergies et de Veolia) pour l'huile moteur usagée.

Rentabilité : le meilleur après le pire

Inutile de préciser qu'Aurea a subi un choc violent avec le confinement de mars-avril-mai 2020 en France, avec une activité pratiquement arrêtée quelques temps chez Regeal et mLego, qui fournissent l'industrie automobile avant tout, ainsi que chez Eco Huile, touché à la fois par le manque de volumes et des prix en forte baisse avec la chute des cours du pétrole. Et même si Flaurea Chemicals a bien travaillé en tant que fournisseur "stratégique" de chlorure de zinc pour le traitement des eaux et la fabrication de médicaments (insuline, vaccins, etc…), et si le quatrième trimestre a été solide dans un contexte de forte reprise générale, le chiffre d'affaires consolidé a reculé de -22% sur l'année, dont -29% au premier semestre, et le groupe a été en perte sur l'année.

Et inutile de préciser aussi qu'Aurea a bénéficié des aides gouvernementales en France comme en Belgique pour le chômage partiel, ainsi que de reports d'échéances pour ses dettes bancaires, sociales et fiscales. Tout ceci assorti d'un PGE de 20,5 millions d'euros (remboursable dans 5 ans) : la société n'a donc pas eu de soucis de trésorerie, d'autant que ses clients, logés à la même enseigne, ont payé leurs factures en temps et en heure (ce qui n'était peut-être toujours le cas avant, comme quoi la crise sanitaire peut avoir du bon aussi).

De fait, Aurea, qui avait manifestement ramené ses investissements au strict minimum, a fini l'année 2020 avec un bon bilan, soit un ratio dette financière nette/fonds propres de 22%, ce qui est bien, et ce même si le levier Dette Nette/Ebitda est de 3,6x, ce qui est un peu beaucoup aux yeux de la théorie financière moderne. Et avec une situation de trésorerie nette largement positive, qui est indéniablement la chose à regarder de très près en période de crises économiques, lesquelles arrivent de temps à autres.
Pour être complet, on notera que cette mauvaise année 2020 suivait une année 2019 très médiocre, avec un chiffre d'affaires en baisse de -15%, pénalisé par un ralentissement de la production automobile (chiffre d'affaires du pôle métal : -20%), des prix en baisse, pour cause de cours mondiaux un peu déprimés, et une concurrence plus agressive. Le tout se traduisant par un résultat d'exploitation tout juste à l'équilibre, soit une marge opérationnelle (résultat d'exploitation/chiffre d'affaires) de 0,5% seulement.

Mais voilà : tout change tout le temps, et le 1er semestre 2021 a été très bon, même en tenant compte d'une base de comparaison exceptionnellement favorable, avec non seulement un chiffre d'affaires en progression de +51%, mais aussi et surtout une marge opérationnelle à un niveau étonnant de 7,2%, ce qui est bien en valeur absolue, et encore plus par rapport à l'historique. Du fait du levier des volumes en forte hausse sur des charges bien maîtrisées, qui joue à plein sur la rentabilité. Et une marge nette (résultat net/chiffre d'affaires) de 4%, en très forte progression aussi malgré la hausse significative des frais financiers liée au PGE. Ce qui fait qu'Aurea a généré de la trésorerie libre après investissements, des investissements revenus au niveau normatif a priori, et s'est désendetté encore un peu, ce qui ne gâte rien.

La suite à l'avenant ?

Ce beau rebond semestriel, et une direction confiante pour la fin de l'exercice, a été salué par le marché, avec une progression du cours de Bourse de +38% sur l'année 2021, qui rattrape allègrement les -14% de 2020. Et si l'on ne sait pas de quoi l'avenir est fait (sinon, ce serait trop facile), Aurea semble toujours bénéficier de bonnes perspectives, avec des carnets de commandes bien orientés, des développement de capacités, notamment dans la collecte des déchets, et des nouveaux produits de recyclage aussi.

D'autant que les prix des matières premières sont plutôt hauts en ce moment, tirés par une conjoncture porteuse qui, pour le moment en tout cas, bat (une fois de plus) les prévisions des économistes. Avec de plus des pénuries çà et là, et, il faut le dire, une certaine psychose du manque, surtout pour qui croit que l'électrification accélérée de tout, et surtout de l'automobile, est la solution. Alors que cette électrification requiert beaucoup de métaux, à commencer par le cuivre, et que les ressources de la planète ne sont pas infinies.

Ce qui n'aide pas il est vrai, mais est bon pour les recycleurs, on s'en doute. Lesquels bénéficient de plus du durcissement graduel des règlementations, avec, entre autres, la mise en place en 2022 de la Responsabilité Elargie des Producteurs dans l'Union, qui renforce bien le déjà ancien principe du pollueur-payeur, ce qui devrait stimuler l'activité, dans les huiles usagées notamment.

Et ainsi de suite. Vraisemblablement.

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2 commentaires

  • 21 mars 18:07

    Très bonne analyse. Ok, je prends aussi.


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