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« Une histoire suisse » par Eric Galiègue (Cercle des analystes indépendants)
information fournie par Boursorama 21/01/2015 à 17:05

La décision brutale et inattendue de la Banque nationale suisse (BNS) aura des conséquences négatives pour l’économie helvétique. Elle ruine la crédibilité de cette banque centrale explique Eric Galiègue, président du bureau de recherche Valquant et membre du Cercle des analystes indépendants.

L’année 2015 a déjà montré une volatilité extrême . En seulement 3 semaines, la fourchette de variation du CAC 40 atteint déjà 10 % …Il est vrai que le marché a du digérer des informations particulièrement importantes. Il y a les nouveaux développements en Grèce, un vent de panique sur les marchés de matières premières, et surtout, la semaine dernière, l’annonce par la Banque Nationale Suisse (BNS) de la fin de la parité « forcée » à 1,2 FS pour un €. Venant du pays de la sécurité et de la sérénité, cette nouvelle a eu l’effet d’un véritable krach monétaire inversé sur le franc suisse, qui a flambé de 15 % contre € et $. …et krach tout court des actions suisses, qui ont chuté dans les mêmes proportions.

Taux de change de l'euro en Francs Suisses (échelle inversée)

Taux de change de l'euro en Francs Suisses (échelle inversée)

De quoi s’agit-il ? La Suisse, on le sait peu, a mis en œuvre une politique monétaire particulièrement audacieuse depuis le début de la crise. Depuis septembre 2011, elle pratiqué un Quantitative Easing massif, pour empêcher le Franc Suisse de s’apprécier excessivement contre €. Elle a donc mis en place un « PEG », une parité fixe de 1,2 FS pour un €, qu’elle a défendu en achetant massivement des € et en émettant des Francs Suisses. D’un point de vue comptable, elle a augmenté son passif (émission de Francs suisses « scripturaux »)  et son actif (augmentation des placements en € et $).  Le bilan de sa banque centrale (la BNS) est ainsi passé de 126 à 525 milliards de Francs Suisses : il a quadruplé entre fin 2007 et fin 2014, et  représente aujourd’hui plus de 80 % du PIB helvète. Cette pratique a été très critiquée en suisse, depuis longtemps. En effet, ce Quantitative Easing sur devises fait courir un risque significatif à l’institut d’émission. Même si son pouvoir de création de monnaie n’a pas de limite, les pertes comptables qui lui sont associées n’en ont pas non plus….Surtout, la BNS risquait, sur le marché des changes, de se retrouver face à une autre banque centrale, la BCE , dont le bilan est 5 fois plus lourd, et qui surtout doit augmenter de 1.000 milliards d’€, c’est-à-dire près de 2 fois la taille actuelle du bilan de la BNS. Face à la perspective d’une dépréciation supplémentaire de l’€, la BNS a décidé d’abandonner la parité de 1,2 FS pour un €. Elle s’est ainsi coupé un bras, de peur de perdre plus encore…Ce faisant, elle encaisse une perte de change considérable, qui est probablement de l’ordre de ses fonds propres, soit 75 milliards de Francs Suisses.

Les conséquences dans la sphère réelle sont négatives pour la suisse, dont 60 % des exportations sont destinées à la zone €. Le patronat suisse est atterré par cette décision : l’industrie suisse voit ses recettes d’exportations réduites de 15 %, alors que les grandes entreprises suisses réalisent souvent moins de 10% de leurs ventes dans la Confédération…C’est un choc déflationniste majeur, car les entreprises vont devoir immédiatement comprimer leurs coûts en Francs Suisses, qui sont constitués essentiellement de salaires. Même si M. Jordan, le président de la BNS, estime que les entreprises  suisses peuvent « tenir » jusque 0.9, le choc est particulièrement violent… Surtout dans un monde déflationniste. Evidemment, l’appréciation du Franc Suisse est, à l’opposé, une bonne nouvelle pour les concurrents basés en zone €, notamment dans le secteur du luxe et de l’industrie exportatrice en général…

Les conséquences dans la sphère financière sont nombreuses . Evidemment, le choc boursier est lourd pour la Suisse : sa capitalisation boursière en FS a chuté de 15 %, ce qui n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour les actionnaires suisses. Le choc sur le marché des changes a été bien plus considérable, car pendant la journée de l’annonce de la décision de la BNS, le cours de l’euro baissé en deça de 0.9 FS, avant de remonter vers la parité…Dans une telle volatilité jamais observée, les courtiers ont forcément souffert. Certains ont carrément fait faillite, d’autres ont dû faire appel  à des financements d’urgence pour respecter leurs ratios réglementaires…Du côté des « hedge funds », il est difficile de savoir s’il faut déplorer des sinistres, mais cela semble probable. Sur le marché des obligations souveraines, la demande d’obligations françaises et allemande par la BNS va stopper net. On a considéré que la chute accélérée des taux des OAT et des Bund était en partie liée aux achats de la BNS. Evidemment, elle ne va plus acheter d’obligations souveraines de la zone €, ce qui pourrait contribuer à la stabilisation des taux, voire à leur reprise…

La vraie conséquence est la perte de crédibilité de la BNS , et dans une moindre mesure,  des banques centrales. En effet, la décision « sauvage » de la Banque Centrale Suisse va à l’encontre des pratiques récentes. La BCE et la Fed ont soin de ne pas brusquer les marchés financiers, de les préparer à des modifications de politique monétaire. Or, ici, c’est tout le contraire. On a l’impression d’une banque centrale aux abois, prise au piège, qui se comporte comme un vil trader et veut « limiter la casse » sans aucune concertation avec les acteurs du marché et, surtout, avec les autres banques centrales. La BNS aurait parfaitement pu annoncer la fin de la parité à 1,2 pour fin 2015 par exemple, et organiser, en accord avec la Fed et la BCE, un couloir de fluctuation du FS, façon serpent monétaire européen (ce que fait toujours le Danemark). Au contraire, la BNS s’est comportée comme un acteur normal, alors que les  banques centrales  ne sont pas des acteurs « normaux ».

Grace à une action concertée au plan mondial, les banques centrales ont évité les effets de contagion habituels en période de panique (2007-2009, crise de l’€ en 2011), en assurant une abondante liquidité de marché. Elles sont aujourd’hui considérées comme le dernier rempart face à la déflation, en maintenant des politiques monétaires  très accommodantes. Gageons que la Fed et la BCE ne se comporteront pas comme la BNS…

Eric Galiègue

Le Cercle des analystes indépendants est une association constituée entre une douzaine de bureaux indépendants à l'initiative de Valquant, la société d’analyse financière présidée par Eric Galiègue, pour promouvoir l'analyse indépendante.

8 commentaires

  • 22 janvier 15:43

    Bof ..on n'en parlera plus dans 2 ans ...ils ont eu raison les Suisses .;!


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