La Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) a saisi la Commission européenne pour dénoncer les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) qui bénéficient, selon elle, de privilèges et de subvention indus pour l’achat et la vente de propriétés rurales.
Mais que vont donc chercher les agents immobiliers dans la croisade qu’ils viennent de lancer contre ce qu’ils estiment être une «dérive» des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) ? Sur le papier, ces structures ont notamment pour mission de faciliter l’installation d’agriculteurs, le maintien des exploitations et si possible l’accroissement de leur superficie. Pas de quoi les mettre en concurrence avec les agents immobiliers. Sauf que les compétences des Safer se sont progressivement élargies et qu’elles s’accompagnent de privilèges tels que l’exonération de droits de mutation ( «frais de notaire» dans le langage courant) aussi bien à l’achat qu’à la revente. Il semblerait que l’après-Covid ait envenimé la situation avec le retour en grâce des propriétés rurales dont les Safer profiteraient à fond. Selon les chiffres avancés par la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), le marché des maisons rurales représente près de 40% des transactions de la Safer Bretagne avec près de 13.291 transactions ou encore 32% en Auvergne-Rhône Alpes pour 13.760 ventes.
C’est pourquoi la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) a annoncé ce mercredi avoir déposé deux plaintes auprès de la Commission européenne. La première vise directement les Safer pour abus de position dominante, la seconde étant tournée contre l’État français pour dénoncer le versement de subventions illégales. « Grâce à leurs prérogatives exorbitantes et à des avantages fiscaux injustifiés, les Safer faussent le jeu de la concurrence, au détriment des agences immobilières, des notaires et des particuliers» dénonce la Fnaim dans un communiqué.
« Premier marchand de biens de France »
Parmi les prérogatives exorbitantes visées, il y a notamment cette information privilégiée dont disposent les Safer auxquelles doivent être signalées toutes les transactions foncières rurales (sous peine de nullité de la transaction et d’une amende pouvant atteindre 2 % du prix du bien). Et bien sûr, l’exemption de droits de mutation, dont elles font profiter aux acquéreurs. «La Safer est devenue le premier marchand de biens de France, il suffit de se rendre sur leur portail Proprietes-rurales.com pour s’en rendre compte» , s’emporte Loïc Cantin, président de la Fnaim qui dénonce un «hold-up rural sur des recettes fiscales» . Selon lui, rien qu’en Bretagne, ce mécanisme prive la région de 150 millions d’euros de rentrées fiscales. Un mécanisme qui profite aux acheteurs même s’il versent à la Safer un commissionnement plutôt supérieur aux frais d’agence (de l’ordre de 7%).
Des accusations qui font réagir très vivement le président de La Fédération nationale des Safer, Emmanuel Hyest, qui n’avait pas été prévenu en amont de cette offensive de la Fnaim et conteste point par point les accusations. «Je suis surpris de l’inculture de la Fnaim qui nous cantonne à un rôle exclusivement agricole, alors que les pouvoirs publics n’ont cessé d’élargir nos missions depuis plus de 40 ans, explique-t-il. Quant à notre supposé monopole de l’information, nous ne faisons que récupérer les informations que nous transmettent les notaires. Et pour ce qui est des maisons de campagne, celles qui ne sont pas des sièges d’exploitations agricoles, nous réalisons moins de 500 opérations par an sur tout le territoire.»
Un projet de loi pour élargir les prérogatives des Safer
Une bataille de chiffres qui part donc sur des bases radicalement différentes de part et d’autre. Côté Fnaim, on estime que le combat est d’autant plus nécessaire qu’une proposition de loi visant à « lutter contre la disparition des terres agricoles et renforcer la régulation des prix du foncier agricole » , portée par les députés Peio Dufau (Socialiste) et Julien Dive (DR) doit être examinée à l’Assemblée nationale le 11 mars prochain. Elle élargirait les prérogatives des Safer et permettrait notamment de séparer des propriétés entre foncier et bâti pour préempter la partie qui les intéresse. Or, il y a 10 ans déjà, un rapport de la Cour des comptes dénonçait les «dérives d’un outil de politique d’aménagement agricole et rural (voir ci-dessous) en préconisant «un indispensable recentrage» , ou en dénonçant des «activités peu transparentes» .
Pas de quoi effrayer Emmanuel Hyest: « Nous sommes très sereins face à une action menée au niveau européen, souligne-t-il. Nous travaillons très régulièrement avec l’Union européenne qui s inspire de notre modèle pour permettre l’installation de jeunes agriculteurs. Quant aux accusations d’opacité, nous n’avons pas de leçon à recevoir de la Fnaim sur ce sujet. Nous sommes très transparents sur les prix que nous pratiquons et chez nous ils sont fixes sans risque de surenchère. Quant aux collectivités locales, si elles renoncent à des recettes fiscales, c’est qu’elles sont satisfaites de l’accompagnement que nous leur apportons.» Il rappelle au passage que 44% des opérations réalisées par les Safer portent sur des biens valant moins de 2000 euros, des opérations qui ne peuvent pas être rentables. C’est désormais à la Commission européenne de départager ces deux visions radicalement distinctes.
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