Yahya Sinwar lors d'une manifestation à Gaza-ville
par Samia Nakhoul
Nommé mardi chef du Hamas en remplacement d'Ismaïl Haniyeh, assassiné la semaine dernière en Iran, Yahya Sinwar, 61 ans, n'a jamais caché son désir de frapper durement Israël, le pays qui l'a emprisonné durant la moitié de sa vie adulte, orchestrant l'attaque du groupe palestinien contre l'Etat hébreu le 7 octobre dernier.
En décembre 2022, lors d'un rassemblement de partisans dans la bande de Gaza, celui qui est alors numéro un du Hamas pour l'enclave palestinienne promet que le groupe armé lancera contre Israël un "déluge" de combattants et de roquettes.
"Nous viendrons à vous avec des roquettes sans fin, avec un déluge sans limite de soldats (...), comme une marée montante", dit-il au cours d'un discours.
Ce n'est pas une menace en l'air.
Moins d'un an plus tard, des combattants du Hamas franchissent la clôture ultra-sécurisée entourant la bande de Gaza pour pénétrer dans des localités israéliennes et mener l'attaque la plus meurtrière contre des juifs depuis l'Holocauste. D'après les autorités israéliennes, 1.200 personnes ont été tuées et environ 250 autres enlevées.
Il s'agit d'un revers sans précédent pour la réputation sécuritaire d'Israël, perçu comme un ennemi invincible.
LES PRISONNIERS PALESTINIENS, UNE PRIORITÉ
Né dans un camp de réfugiés de Khan Younès dans le sud de la bande de Gaza, Yahya Sinwar fait ses débuts au sein du Hamas comme homme de main puis chef d'un organe sécuritaire qui traque, punit et tue des Palestiniens accusés de collaborer avec les services secrets israéliens.
Emprisonné en 1988 à perpétuité par Israël, il est finalement libéré en 2011 dans le cadre d'un accord et retourne alors à Gaza, où il grimpe les échelons dans la hiérarchie du Hamas, dont il devient en 2017 le chef pour l'enclave palestinienne.
Depuis l'attaque du 7 octobre, dont il est l'un des cerveaux avec Mohammed Deif, tué par l'armée israélienne en juillet, Yahia Sinwar figure au sommet de la liste israélienne des personnes à abattre.
Plus de 39.600 Palestiniens ont été tués dans le siège total de la bande de Gaza mené par Tsahal en réponse à l'attaque du 7 octobre, selon les autorités sanitaires locales. Une crise humanitaire fait rage en parallèle aux combats dans l'enclave, dévastée par les bombardements.
Quand il prononce son discours en décembre 2022, Yahia Sinwar a déjà élaboré avec Mohammed Deif, commandant militaire du Hamas, des plans secrets en vue de ce qui deviendra l'attaque du 7 octobre.
Considérée par le Hamas comme une victoire majeure face à l'occupation israélienne, l'attaque vaut à Yahya Sinwar et Mohammed Deif d'être dans l'oeil du procureur de la Cour pénale internationale (CPI), qui requiert en mai des mandats d'arrêt contre les deux responsables.
Karim Khan a également demandé la délivrance de mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre présumés dans la bande de Gaza.
Yahya Sinwar n'a plus effectué d'apparition publique depuis le 7 octobre, étant seulement aperçu quelques jours plus tard dans les tunnels de Gaza par certains des otages détenus dans l'enclave, selon les témoignages d'ex-otages.
Aucun commentaire n'a publiquement été effectué à ce sujet par des représentants israéliens et du Hamas.
"PRÊT À PAYER N'IMPORTE QUEL PRIX"
Yahya Sinwar a toutefois continué à diriger les opérations militaires du Hamas, au côté de Mohammed Deif et d'un autre commandant, possiblement depuis un bunker souterrain à Gaza, tout en menant les négociations destinées à échanger des otages israéliens contre des détenus palestiniens.
La question des détenus palestiniens lui tient particulièrement à coeur, pour avoir passé 23 ans en prison avant d'être libéré en 2011, de même que 1.026 autres prisonniers palestiniens, dans le cadre d'un échange avec Israël, qui a récupéré un soldat. Il a promis par le passé de libérer tous les détenus palestiniens.
Les cadres du Hamas et les représentants israéliens qui connaissent Yahya Sinwar s'accordent sur le fait que son dévouement au mouvement palestinien est d'un niveau hors du commun.
Michael Koubi, ancien officier du Shin Bet (le service israélien de sécurité intérieure) qui a interrogé Yahya Sinwar pendant 180 heures en prison, a déclaré que ce dernier se démarquait clairement par sa capacité à intimider et à commander.
A la question de savoir pourquoi il n'était pas marié, à l'approche de ses 30 ans, "il m'a répondu le Hamas est mon épouse, le Hamas est mon enfant. Le Hamas est tout pour moi", a dit Michael Koubi.
En prison, Yahya Sinwar a continué d'afficher une position extrême à l'égard des "collaborateurs", ont rapporté des représentants israéliens ayant eu affaire à lui.
Par moments, "il n'avait pas du sang juif sur les mains, mais du sang palestinien", a déclaré en octobre dernier Yuval Bitton, ancien directeur du service pénitentiaire de renseignement, à la télévision Channel 12.
Michael Koubi a décrit Yahya Sinwar comme étant dévoué à la destruction d'Israël et à la mort des juifs, le qualifiant de "psychopathe".
Yuval Bitton a rapporté que Yahya Sinwar s'était préparé à une grève de la faim, et convaincu quelque 1.600 détenus d'y prendre part, afin de protester contre la maltraitance de deux hommes en isolement. "Il était prêt à payer n'importe quel prix", a-t-il dit.
(Rédigé par Samia Nakhoul; version française Jean Terzian)
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