
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau en visite à Condecourt (Val d'Oise) le 23 juillet 2025 cONDCOURT ( AFP / Thomas SAMSON )
Il décrète la fin du macronisme, fustige la "diplomatie des bons sentiments" à l'égard de l'Algérie et entretient la menace de quitter le gouvernement: en enchaînant les déclarations controversées, Bruno Retailleau cherche à se démarquer du camp présidentiel avec 2027 en tête, sans renoncer à Beauvau pour autant.
"Il est dans une optique où il ne veut pas apparaître comme membre du socle commun et ça n’aide pas", déplore un ténor d'Horizons, le parti d'Edouard Philippe, agacé par les polémiques à répétition lancées par le ministre de l'Intérieur, un rival potentiel dans la course à l'Elysée.
A la veille d'un entretien prévu jeudi à l'Elysée avec Emmanuel Macron, Bruno Retailleau, dont la popularité s'est érodée ces dernières semaines dans les sondages, s'est même permis de dénigrer "l'impuissance" du +en même temps+, postulat du chef de l'Etat qui revendique d'être à la fois de droite et de gauche.
Il n'en fallait pas plus pour excéder les soutiens du président qui n'ont pas manqué de retourner cet argument contre le patron des Républicains. A l'image de la députée EPR Olivia Grégoire qui l'accuse à son tour de faire du +en même temps+, en voulant "être ministre d’un gouvernement ET vouloir être candidat de son parti".
"Je ne vois pas (...) ce que j'ai pu dire de nouveau que je n'aurais pas dit depuis déjà des mois", s'est justifié le ministre lors d'un déplacement dans le Val d'Oise, estimant que le fait de respecter "à la fois la personne et la fonction présidentielle (..) ne faisait pas de lui un macroniste".
Après avoir qualifié le gouvernement "d'utilité publique", où "chacun doit pouvoir (...) assumer sa propre différence politique", il a nié des tensions mercredi avec le président lors du Conseil des ministres, en dépit d'informations de presse en ce sens.
- "Le goût du pouvoir" -
Rester ou partir ? C'est le dilemme pour le ministre propulsé sur le devant de la scène depuis son arrivée à Beauvau en octobre dernier et qui entend profiter de cette tribune pour renforcer ses ambitions de porter les couleurs de la droite à la présidentielle.

France's President Emmanuel Macron (R) shakes ( POOL / Ludovic MARIN )
"Vous n'existez que si vous êtes au gouvernement", observe un cadre de Renaissance pour qui Bruno Retailleau n'a pas vraiment le choix s'il entend se lancer dans la course à l'Elysée: "Il va rester... et se normaliser", pronostique-t-il.
C'est justement cette dilution dans le camp présidentiel que cherche à éviter le ministre de l'Intérieur: "Il a la volonté de continuer à dire ce qu’il pense sur tous les sujets", prévient l'entourage du Vendéen, rappelant qu'il est entré au gouvernement "pour mener une politique de droite".
Et ce proche d'établir une autre différence, cette fois-ci entre les LR revenus aux affaires avec Michel Barnier l'an dernier et les "débauchés" par le chef de l'Etat avant la dissolution, recrutés "pour mener des politiques macronistes". Un tacle appuyé contre des ministres comme Gérald Darmanin, Rachida Dati ou Bruno Le Maire.
"Il y a une tension qui se voit de plus en plus", reconnaît cette source, estimant qu'Emmanuel Macron "intervient" sur "tous les sujets" depuis l'arrivée de François Bayrou à Matignon.
Et même si le gouvernement Bayrou devait tomber à l'automne sur le budget, le dilemme sur le maintien de Bruno Retailleau au gouvernement persisterait: une nomination du ministre de la Défense Sébastien Lecornu à Matignon "ne déplairait pas à LR qui pourrait mieux travailler avec lui qu'avec le centriste", confie un cadre LR.
C'est d'ailleurs l'opinion du dirigeant d'Horizons qui ne redoute pas une rupture avec LR: "Le bon côté de tout ça, c’est que les LR ont retrouvé le goût du pouvoir et ils n'ont pas envie de le quitter".
Rester au sein de l'exécutif n'est pourtant pas sans risque pour les ambitions élyséennes de Bruno Retailleau, dont le bilan est sans cesse attaqué par le Rassemblement national, qui le présente comme le "ministre de la parole".
Sur l'Algérie, par exemple, le Vendéen entend réitérer jeudi sa demande à Emmanuel Macron d'établir un "bras de fer" pour faire plier Alger, qui refuse d'accueillir les citoyens algériens sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
"L'Algérie, c’est effectivement un bon point de différentiation avec la macronie, mais ce dossier n'est pas forcément une réussite pour lui", observe le cadre LR,
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