Le président ukrainien a laissé entendre qu'il serait prêt à renoncer dans l'immédiat à récupérer les territoires occupés par la Russie si l'Otan garantit l'intégrité territoriale de l'Ukraine.

Volodymyr Zelensky à Kiev, en Ukraine, le 1er décembre 2024. ( AFP / SERGEI SUPINSKY )
Malmené sur le front et craignant la fin du soutien américain, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a laissé entendre qu'il pourrait accepter un plan de paix avec la Russie, à condition de recevoir des garanties pour la sécurité de son pays. À la recherche d'un compromis acceptable par toutes les parties, les diplomates occidentaux révisent leur histoire contemporaine, de l'adhésion de la République fédérale d'Allemagne (RFA) à l'Otan en 1955 à la neutralité de la Finlande pendant la Guerre froide.
Après bientôt trois ans de conflit, provoqué par l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022, l'ouverture de négociations parait d'autant plus plausible que le président élu américain Donald Trump s'est fait fort de parvenir à un accord "en 24 heures". Anticipant de telles discussions, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé vendredi l'Otan à offrir sa protection aux régions d'Ukraine encore contrôlées par Kiev . Il a laissé entendre qu'il serait alors prêt à renoncer dans l'immédiat à récupérer les territoires occupés par la Russie -environ 18% du pays.
Un tel scenario évoque un précédent historique régulièrement cité ces derniers mois par les diplomates et experts occidentaux : celui de l'adhésion de la RFA à l'Alliance atlantique, officialisée le 9 mai 1955. "Tout le monde évoque le précédent de la RFA en 1955" , relevait le mois dernier auprès de l' AFP un ancien diplomate européen de haut rang, tout en ajoutant ne pas trouver pour sa part cette référence "tout à fait pertinente".
Le parallèle avec l'Ukraine est tentant : intégrer l'Otan revenait alors pour la RFA à renoncer à une réunification rapide avec la RDA voisine . En outre, les garanties de sécurité de l'Otan se limitaient au seul territoire de la RFA, afin d'éviter que la guerre froide ne dégénère en conflit militaire, voire nucléaire entre Est et Ouest.
"Fantasme total"
Car l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord stipule que toute attaque armée contre un membre de l'Alliance est considérée comme une attaque contre l'ensemble de ses membres -32 à ce jour. Défendu notamment par l'historienne américaine spécialiste de la guerre froide Élise Sarotte, le scenario "RFA 1955" a été évoqué en octobre par Jens Stoltenberg, qui venait d'achever un mandat de dix ans comme Secrétaire général de l'Otan. "On peut toujours trouver une solution, quand on le veut. Mais vous devez définir à partir de quel tracé l'article 5 sera invoqué, et l'Ukraine doit contrôler tout le territoire jusqu'à cette frontière" , avançait alors Jens Stoltenberg.
Mais pour le spécialiste de la Russie John Lough, une adhésion même restreinte de l'Ukraine à l'Otan relève du "fantasme total , car c'est précisément ce que Poutine n'acceptera jamais". Sans compter que les États-Unis n'y sont pas favorables pour l'heure.
"La meilleure option que je vois se dessiner pour l'Ukraine consiste à poursuivre son processus d'adhésion à l'Union européenne ", poursuit pour l' AFP ce membre associé du programme Russie à l'institut Chatham House.
Pour l'aspect militaire, John Lough suggère un autre précédent historique, celui de la Finlande de l'après-Seconde guerre mondiale. Par un traité signé en 1948 avec l'URSS, la Finlande avait accepté d'observer une stricte neutralité en échange de la reconnaissance de son indépendance par son puissant voisin, avec qui elle partage près de 1.300 km de frontière.
"L'expérience finlandaise"
"Au-delà de la neutralité, ce qui est très d'actualité dans l'expérience finlandaise, c'est la façon dont ce pays a construit une armée extrêmement efficace , pour que la Russie comprenne que si elle décidait de l'attaquer, la guerre serait sanglante", relève le chercheur britannique. Après la chute de l'URSS, la Finlande s'est rapprochée de l'Otan, mais n'en est devenue membre à part entière que le 4 avril dernier.
Le précédent finlandais est également cité par Jens Stoltenberg, de même que le traité de 1951 par lequel les États-Unis ont assuré au Japon une protection militaire qui excluait les îles Kouriles, occupées par l'URSS et revendiquées par Tokyo.
"C'est une bonne chose de s'appuyer sur des analogies historiques pour réfléchir aux solutions possibles (pour l'Ukraine), mais aucune analogie n'est parfaite, et elles sont souvent même trompeuses ", relativise Tuomas Forsberg, professeur en relations internationales à l'Université d'Helsinki. L'exemple finlandais "montre au moins qu'une nation peut survivre et même prospérer après avoir cédé une partie importante de son territoire à un puissant voisin", en l'occurrence, pour les Finlandais, leur province de Carélie, jamais récupérée depuis .
"Mais il y a de nombreuses différences", prévient le chercheur finlandais, à commencer par le fait que "Staline est entré en guerre contre la Finlande essentiellement pour des raisons de sécurité et non pour soumettre toute une nation", ce qui est le cas selon lui pour la Russie de Poutine à l'égard de l'Ukraine.
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