Une proposition de loi vise à "donner aux actifs la possibilité d'avoir un recours plus simple, plus souple, plus instantané au salaire qu'ils ont généré".

( AFP / MYCHELE DANIAU )
C'est une pratique très courante dans les pays anglo-saxons qui prend lentement son essor en France : demander un acompte sur salaire pour s'éviter un découvert ou un crédit à la consommation. Le cadre légal de ce dispositif déjà inscrit dans le code du Travail pourrait être assoupli grâce à une proposition de loi déposée début juin.
Plusieurs start-up se sont lancées ces dernières années sur ce marché prometteur, mais encore naissant dans l'Hexagone par rapport aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Les salariés des entreprises qui adhèrent à leurs services peuvent ainsi à tout moment -en quelques clics sur une application mobile- accéder aux sommes qu'ils ont déjà gagnées au cours du mois.
"Il y a une forte augmentation des demandes qui est due à l'inflation de ces dernières années et donc à l'effritement du pouvoir d'achat", souligne auprès de l' AFP Yann Le Floc'h, PDG et cofondateur de Stairwage, une des entreprises présentes sur le secteur. Rappelant que 7 milliards d'euros d'agios et de frais bancaires sont payés en moyenne chaque année par les Français en raison de découverts, il estime que "donner accès à son propre salaire, ce n’est pas une faveur, c'est du bon sens social" . Car si "le salaire est mensuel, les dépenses sont quotidiennes, et nous proposons une solution sociale pour accompagner les salariés à gérer leur salaire au plus proche de leurs besoins", argumente-t-il.
"Nous sommes dans la santé, la construction, la restauration, les services à la personne... c'est vraiment tous les secteurs qui se mettent à ce nouveau système", résume Yann Le Floc'h.
Car la demande n'est pas que du côté des salariés : "Les deux grosses années d'inflation en 2022 et 2023 ont poussé les entreprises à chercher des avantages sur la rémunération qui étaient au-delà du salaire et ce qu'on apporte c'est la disponibilité de ce salaire, soit un avantage très concret", renchérit Louis Ajacques, directeur général de Spayr.
Stairwage, Spayr et leurs concurrents avancent ainsi l'argent aux salariés et sont remboursés à la fin du mois par l'entreprise cliente. Le dispositif est facturé à l'employeur via un abonnement mensuel par salarié, qui peut être dégressif en fonction de l'effectif, ou via un forfait à l'utilisation.
Pas de "l’aumône"
Spayr fait état d'"à peu près 25% de demandeurs récurrents d'acompte sur le nombre total de salariés" des entreprises adhérentes à son service. "Le besoin en cash entre deux payes ne porte pas sur des montants démesurés, la demande moyenne est de 180 euros. Alors que le découvert bancaire moyen en France est autour de 230 euros", détaille Louis Ajacques.
L'acompte sur salaire est déjà un dispositif légal, inscrit dans le code du travail, les entreprises devant accepter une unique demande d'acompte émanant d'un salarié, portant sur un maximum de 50% de sa rémunération.
Début juin, le député Jean Laussucq (Ensemble pour la République) a déposé une proposition de loi, "cosignée du PS jusqu'à l'UDR", visant à "assouplir le dispositif" en vigueur pour "donner aux actifs la possibilité d'avoir un recours plus simple, plus souple, plus instantané au salaire qu'ils ont généré". Il propose ainsi de pouvoir fractionner jusqu'à 5 fois par mois le versement d'acomptes si besoin, dans la limite de 50% du salaire, et avec un délai de versement de 48 heures.
"Il ne s'agit pas de revenir sur la mensualisation" de la rémunération ou encore de "tomber dans l'avance sur salaire qui est une forme d'endettement", mais de pouvoir "faire face à des frais exceptionnels qui sinon pourraient générer des agios ou vous mettre à découvert", d'autant que "près de la moitié des Français sont à découvert au moins une fois par an" , met en avant le député.
L'adoption de cette proposition de loi "pourrait être une vraie avancée sociale", mais "à condition qu'on n'en profite pas pour sortir du salaire mensualisé, et sous réserve de contrôler et d'encadrer" le dispositif, juge de son côté Nabil Azzouz, trésorier général de la fédération FO-FGTA (agroalimentaire, hôtellerie, restauration, etc.).
Selon lui, encore aujourd'hui, " beaucoup salariés pensent que c'est de l'aumône en quelque sorte" de demander un acompte à son employeur, mais si cela "devient démocratisé, systématique, que c'est un droit, moins de salariés auront honte", conclut-il.
3 commentaires
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer