Les sommes allouées par les Etats-membres de l'Union européenne en matière d'armement n'ont jamais été aussi élevées. Problème : les initiatives mal coordonnées et aux intérêts divergents nuisent à l'efficacité des dépenses.

Un exercice militaire réunissant troupes de Pologne, France, Suède, et Etats-Unis, à Nowogrod (Pologne), en mai 2022 ( AFP / WOJTEK RADWANSKI )
"Il s’agit plus de savoir comment nous dépensons l’argent que de savoir combien nous en dépensons". En mars dernier, le directeur général adjoint de l'Agence européenne de défense, André Denk posait déjà le constat : les Etats de l'UE sortent le chéquier comme jamais pour se réarmer, mais la multitude d'initiatives met en évidence de nombreuses inefficacités.
Dans les chiffres, les dépenses d'armement dans l'Union européenne vont atteindre un nouveau record cette année, à 381 milliards d'euros, a annoncé mardi 2 septembre l'agence européenne de défense (AED). Elles avaient atteint 343 milliards d'euros l'an dernier, ce qui était déjà un niveau record par rapport à 2023, selon les derniers chiffres publiés par cette agence de l'UE spécialisée dans les questions de défense.
"L'Europe consacre des sommes record pour sa défense, pour assurer la sécurité de nos citoyens, et nous ne nous arrêterons pas là", a fait valoir la cheffe de la diplomatie de l'Union européenne Kaja Kallas, qui préside l'EDA. Et cette année, près de 130 milliards d'euros ont été consacrés à des investissements tels que de nouveaux armements. Les pays européens ont fortement augmenté leurs dépenses militaires depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, et celles-ci se sont encore accélérées après l'invasion de l'Ukraine lancée par le Kremlin en février 2022.
Au-delà des chiffres bruts, la question de la coopération se pose. Les pays de l'Otan, dont 23 Etats de l'UE sont également membres, ont aussi décidé d'accroître encore leurs efforts, en consacrant au moins 5% de leur Produit intérieur brut (PIB) à leur sécurité au cours des dix prochaines années, dont 3,5% pour des dépenses strictement militaires. Pour atteindre ce dernier objectif de 3,5%, "il faudra redoubler d'efforts et dépenser au total plus de 630 milliards d'euros par an, mais nous devons également coopérer étroitement, réaliser des économies d'échelle et renforcer l'interopérabilité", abonde André Denk, dont l'agence dénonce les blocages qui entravent le développement de programmes de défense communs. "Seuls 12 des 27 Etats membres ont communiqué leurs données relatives aux achats collaboratifs d'équipements de l'Union européenne, empêchant l'agence de fournir une analyse complète des achats collaboratifs", note ainsi l'AED.
Quelle souveraineté continentale face à l'armement américain?
Fin mai, les pays de l'Union européenne ont définitivement adopté mardi un accord de principe pour faciliter leurs achats en commun d'armement, dans le cadre d'un programme européen doté de quelque 150 milliards d'euros. Ce dernier, baptisé "Safe", prévoit des prêts de 150 milliards d'euros pour financer, en commun, des achats et des projets d'armement dans les domaines où l'offre européenne reste insuffisante, comme la production de missiles, de munitions, de drones ou encore les systèmes de défense anti-aérienne. Les Etats membres affichent néanmoins des lignes très diverses en matière d'équipement, beaucoup de pays faisant appel à l'écrasante industrie de défense américaine.
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