
Le président de la République Emmanuel Macron (2e à gauche) avec le vétéran Paul Leterrier (2e à droite) à Cherbourg, dans la Manche, le 7 juin 2024 ( POOL / André PAIN )
"Ce n'était pas drôle mais on avait un moral du tonnerre", se souvenait Paul Leterrier. L'ex-fusilier marin des Forces françaises libres, dont le décès a été annoncé jeudi par la préfecture de la Manche, était le dernier survivant de la bataille de Bir Hakeim (1942), décisive face aux Allemands.
"C'était une vraie sarabande mais on a tenu le coup (...) On avait peur bien sûr. Il faudrait être idiot pour dire qu'on n'a jamais eu peur, ou alors cinglé", racontait-il en mai 2022 dans "Cols bleus", la revue de la Marine nationale.
Sérieusement blessé à plusieurs reprises pendant la guerre, l'ancien combattant a toujours martelé qu'il n'avait fait que "son devoir". Il prenait soin aussi, à chaque cérémonie, d'associer tous ses frères d'armes morts pour la France.
Né le 21 décembre 1921 au Havre, dans une famille de marins, Paul Leterrier est plutôt un adolescent timide quand il devient, à 15 ans, garçon de cabine pour la Compagnie générale transatlantique.
Ce ne doit être qu'un boulot d'été mais traverser l'océan Atlantique à bord de prestigieux paquebots comme "Le Normandie" ou "Le Paris" lui plaît. "Je voyais du pays". Et il croise des célébrités comme Marlène Dietrich.
Quand la guerre éclate, il est à New York. "Nous avons été débarqués et j'ai fait partie du tout premier convoi pour rejoindre l'Europe".
Très vite, il s'engage dans la marine du nouveau régime collaborateur dans l'espoir de déserter et de rallier les forces françaises libres du Général de Gaulle.
C'est chose faite lors d'une escale à Beyrouth en 1941 où il parvient à rejoindre les troupes anglaises et à intégrer la 1e brigade française libre.
Il sera dès lors de tous les combats. A commencer par la bataille de Bir Hakeim en mai-juin 1942 où, en plein désert libyen, 3.700 autres Français libres se retrouvent encerclés, sans aucun ravitaillement mais résistent à 32.000 soldats allemands et italiens du général Rommel.
- "Nous nous retrouverons au paradis" -
"Sur le coup, c'était une bataille comme une autre (...) Une colonne blindée qui vous fonce dessus, c'est un sacré spectacle mais on était tous optimistes et on les a arrêtés", disait-il.
Ce succès militaire retarde l'offensive du "Renard du désert" vers l’Égypte, marque le début de la reconquête militaire face aux Allemands et redore le blason de l'armée française, humiliée en 1940.
Paul Leterrier y est blessé à deux reprises. "La première fois, j'ai cru que j'avais mon compte". Il est blessé par un Messerschmitt 108 en rase-mottes et reçoit des éclats dans les jambes, le dos, l'abdomen et les poumons.

Le président de la République Emmanuel Macron (2e à gauche) avec le vétéran Paul Leterrier (2e à droite) à Cherbourg, dans la Manche, le 7 juin 2024 pour les cérémonies du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie ( POOL / André PAIN )
Quelques semaines plus tard, il est blessé à la cuisse. "Ca faisait comme un morceau de beurre dans une poêle à frire sauf que là, c'est dans ma cuisse que ça grésillait". Il arrachera lui-même l'éclat en se brûlant les doigts.
Malgré les blessures et la dysenterie, il continue à se battre: Tunisie, Italie, Débarquement de Provence...
A la fin de la guerre, de retour en Normandie, il rend visite à la famille de son meilleur ami, Charles Régereau, tué par un officier allemand. Il rencontre notamment sa soeur cadette, Marianne, qu'il épouse en 1946 !
Il poursuit son engagement pour la France mais au sein du contre-espionnage. "Je trouvais la navigation un peu monotone".
En décembre 2021, à l'occasion de son centième anniversaire, il se voit remettre les insignes de commandeur de la Légion d'honneur sur la place d'armes de la compagnie de fusiliers marins Le Goffic de Cherbourg.
Au terme de sa vie, qu'évoquait encore pour lui Bir Hakeim où il est retourné en 1955 puis en 2012 ? "Des amis morts au combat", répondait inlassablement le centenaire. "Nous nous retrouverons au paradis, si Dieu veut", comme il l'écrivait en préambule de son autobiographie, publiée en 2018.
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