Les pannes électriques générales comme celle qui a touché lundi l'Espagne et le Portugal peuvent avoir des causes multiples, mais l'événement a mis en lumière une certaine "vulnérabilité" du système régional de la péninsule ibérique.

Le gestionnaire du réseau espagnol REE a évoqué "une forte oscillation des flux de puissance, accompagnée d'une perte de production très importante" ( AFP / CESAR MANSO )
Pourquoi la cause n'est-elle pas encore identifiée?
Le réseau électrique est une colonne vertébrale aux ramifications complexes, qui comprend des milliers de composants interconnectés. "Les opérateurs du réseau doivent analyser avec soin d'énormes quantités de données en temps réel", telles que les changements de fréquence, les défaillances de lignes, l'état des centrales de production, "afin de retracer la séquence des événements", explique à l'AFP Pratheeksha Ramdas, analyste chez Rystad Energy.
Quelles sont les causes habituelles?
Les pannes sont souvent causées par l'arrêt soudain d'une source de production (centrale) en raison d'un aléa technique ou d'une pénurie de combustible pour alimenter des centrales thermiques.
Ces dernières années, des catastrophes naturelles telles que tempêtes, tremblements de terre, incendies de forêt, chaleurs ou froids extrêmes, parfois intensifiées par le changement climatique, ont pu endommager les infrastructures ou créer des pics de demande pour le chauffage ou la climatisation.
Autres causes possibles: les surcharges sur les lignes à haute tension, qui obligent l'électricité excédentaire à se déplacer sur d'autres lignes, et les cyberattaques, piste écartée en Espagne et au Portugal, mais qui est une menace de plus en plus citée, du fait de réseaux de plus en plus informatisés.
Déséquilibre entre offre et demande?

Le gestionnaire du réseau espagnol REE a évoqué "une forte oscillation des flux de puissance, accompagnée d'une perte de production très importante" ( AFP / CESAR MANSO )
En Espagne, lundi soir, le gestionnaire du réseau espagnol REE a évoqué "une forte oscillation des flux de puissance, accompagnée d'une perte de production très importante".
En Europe, la fréquence électrique sur le réseau est calibrée au standard de 50 hertz (Hz) en Europe. C'est le travail des opérateurs de commander en temps réel aux centrales de produire plus ou moins, selon la demande, afin de conserver une fréquence de 50 Hz. "Le maintien de cette fréquence est une question d'équilibre", souligne Michael Hogan, conseiller pour l'organisation Regulatory Assistance Project (RAP).
Si la fréquence s'éloigne de 50 Hz, des systèmes de protection automatisés se déclenchent pour couper des parties du réseau afin d'éviter d'endommager les équipements, avec le risque d'un effet domino. "Une fois que les centrales électriques commencent à s'arrêter pour se protéger, la situation peut rapidement devenir incontrôlable. Mais il est très rare que cela atteigne le stade" observé hier, souligne Michael Hogan.
Mais comment tout a-t-il commencé? Difficile de le dire.
"L'un des facteurs qui a très probablement contribué à l'instabilité est la faible interconnexion entre la péninsule et le reste du réseau d'Europe occidentale, ce qui signifie qu'il n'y avait pas beaucoup d'inertie dans cette partie du réseau pour amortir les oscillations du côté espagnol", selon Michael Hogan. Mais il s'agit sans doute d'un facteur et non de la cause principale. "Il s'agira probablement de la défaillance d'une ou deux installations de transmission majeures, qui s'est ensuite propagée à d'autres parties connectées du réseau, mais la cause de cette défaillance initiale reste à déterminer", ajoute-t-il.
Quel impact des énergies renouvelables?
En Espagne environ 40% de l'électricité produite est d'origine solaire et éolienne. A midi lundi, c'était davantage encore, autour de 70%.
Or, contrairement aux centrales au gaz qui "ont besoin de quelques minutes pour démarrer", "la production solaire et éolienne ne peut pas être contrôlée à la demande et doit souvent être réduite", souligne-t-on chez Rystad Energy.
L'organisme regroupant les gestionnaires européens de réseaux de transport d'électricité, ENTSOE, avait averti le 18 avril des risques de surproduction solaire à l'approche des beaux jours.
La panne de lundi est un "avertissement", pour Rystad: "sans résilience plus forte au niveau national et sans meilleure coordination régionale, les futures pannes de réseau pourraient avoir des conséquences encore plus graves".
"Sans mesure de flexibilité suffisantes, telles que le stockage, les centrales à démarrage rapide ou des interconnexions solides, les fortes variations de la production d'énergie renouvelable peuvent déstabiliser le réseau", explique Pratheeksha Ramdas.
Lion Hirth, consultant et professeur de politique énergétique à la Hertie School à Berlin, estime "probable" qu'"un système avec très peu de production 'conventionnelle' (nucléaire, gaz, charbon, hydroélectricité) ait moins d’inertie d'amortissement, c’est-à-dire qu’il soit plus enclin à ce que de telles oscillations deviennent incontrôlables".
Tout en restant prudent, il estime "que le fait que le système ibérique fonctionnait principalement à l’énergie éolienne et solaire lundi midi n’a pas aidé".
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